282 2. Jusqµe-là il était entendu que l'indépendance déjà acquise (ou en passe de l'être) par un certain nombre de pays africains n'était pas une véritable indépendance. A partir de 1956, « l'accès à l'indépendance politique n'est que le premier pas vers la véritable indépendance, mais c'est un stade très important. La souveraineté est un moyen efficace pour développer une économie nationale indépendante. La seule création d'un État souverain réduit les moyens d'action des impérialistes » 16 • 3. Avant 1955, la classe ouvrière, ou plus exactement son avant-garde, le parti communiste, était réputée la seule force capable de libérer les pays africains. Or, en 1956, on découvrit que les principales organisations nationales sont « ou des partis bourgeois, ou des organisations du front national uni. La direction est aux mains de la bourgeoisie et de l'intelligentsia. Les partis communistes sont loin d'exister partout en Afi · 17 nque ... » . 4. De là cet accent nouveau mis sur le rôle de la bourgeoisie, avec laquelle les communistes doivent collaborer étroitement. L'Occident impérialiste s'efforcera d'ailleurs de se constituer une clientèle dans la bourgeoisie, alors que dans le passé il avait surtout pris appui sur les éléments féodaux, les roitelets, les émirs et les chefs de clan 18 • · Cette nouvelle ligne amena en 1955-56 un changement d'attitude envers les mouvements · nationaux africains : l'histoire récente fut récrite et les conditions politiques, sociàles et économiques dépeintes sous un jour différent. Entrons brièvement dans le détail. L'AFRIQUE nu Sun n'a guère retenu jusqu'à présent l'attention des spécialistes soviétiques. Seules existent quelques études de caractère historique et ethnographique 19 • Leurs auteurs prétendent que la formation de la nation bantoue a été interrompue par l'impérialisme. Le nationalisme bantou est sans conteste une question ·épineuse, car si les commentateurs soviétiques encouragent ses manifestations, ils préconisent en même temps la formation d'un front national unique et l'amalgame de toutes les « forces progressistes ·sans considération de 16. J. Potekhine : « La situation politique en Afrique», p. 32. 17. Ibid., p. 25. 18. Ibid., p. 35. 19. M. B. Rabinovitch : « L'Expédition Jameson »,1941 ; L. D. Yablochkov : « Les Bantous de l'Afrique centrale britannique », r955 ; I. Potekhine : « La démocratie militaire des Matabele » dans Troudy Institouta Etnografii, nouvelle série, vol. 14 (1951) ; A. B. Davidson : « Les Matabele et les Mashona dans la lutte contre la colonisation britannique », 1958. Également I. Potekhine : « Le Développement d'une communauté nationale chez les Bantous d'Afrique du Sud », 1955. Bib·liotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL couleur ni de race». Le Congrès national africain, formé à l'origine de chefs de tribus et de membres de la petite bourgeoisie montante; fut « pénétré d'esprit réformiste» jusqu'à la deuxième guerre mondiale ; mais, depuis 194 5, « les forces démocratiques se sont de plus en plus emparées des rênes ». Jusqu'en 1955, les Soviétiques prétendaient que la transition au socialisme en Afrique du Sud était relativement facile, du moins au point de vue théorique, en raison de l'existence d'un prolétariat bantou comparativement nombreux face à une bourgeoisie ·réduite et sans influence. Cependant, depuis 1955, il a été peu question de « transition vers le socialisme» et autres slogans «extrémistes» ; l'accent a été mis sur la « lutte en commun contre le racisme et pour l'égalité de toutes les nationalités ». Une large publicité a été accordée aux documents relatifs au « congrès des peuples d'Afrique du Sud » (juin 1955) et aux « organisations progressistes» combattant pour l'obtention de la « Charte de la liberté ». La situation générale en Afrique du Sud est peinte, à juste titre, sous les couleurs les plus sombres. Un expert affirme que le développement économique depuis dix ans est un mythe, tout en faisant mention d'autre part d'une « croissance rapide de l'activité industrielle» 20 • Il est intéressant de noter que cette contradiction, pour une fois, n'a pas échappé à la critique soviétique qui a tenté de la surmonter en prétendant que l'accroissement de la production ne concernait pas l'industrie lourde et n'avait par conséquent pas grande signification 21 • Les partis politiques des Blancs sont qualifiés de réactionnaires, quoique à des degrés divers. Ainsi, le parti travailliste, bien qu'il « représente les intérêts de la couche supérieure des ouvriers d'origine européenne», n'en a pas moins critiqué récemment l'apartheid 22 • « Malgré son caractère bourgeois, le parti libéral s'est attaqué aux formes les plus extrêmes de la discrimination raciale 23 • » Mais la victoire des nationalistes en 1953 est présentée comme une «victoire de l'impérialisme américain» 24 et entre 1953 et 1955 le gouvernement du Dr Malan était censé« préparer fébrilemetit une nouvelle guerre mondiale ». Certes, l'état de choses actuel offre matière à critique, mais les Soviétiques ont donné une fausse image des conditions réelles et des véritables racines du malaise sud-africain, en particulier en passant sous silence le problème racial. . 20. A. Yastrebova in « La Lutte impérialiste ... », pp. 136 et 156. · 21. B. Ya.' Golant et A. M. Goldobine dans Sov. Vost., 1955, no 5, P• 154. 22. « Annuaire de la Grande Encyclopédie Soviétique», 1958, p. 358. 23. Ibid. 24. Yastrebova, op. cit., p. 155.
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