W. LAQUEUR mercenaires ni des plumes serviles qui parviendront à jeter sur lui le discrédit ; et ce ne sont pas les prières des impérialistes qui sauveront les traîtres et les cons- • puateurs. Pour répondre aux attaques du Caire sur l'hostilité du communisme envers l'islam, Bagdad enrôla des dignitaires musulmans comme le cheik Abd al-Karim al-Machta, un ouléma irakien, qui déclara que « les nobles principes sociaux et économiques de l'islam sont les mêmes que ceux des Russes et des pays socialistes. Ce sont les mêmes principes que les communistes irakiens veulent appliquer ici ... » 8 • En même temps, des dirigeants chevronnés du P. C. accusaient des « bandes réactionnaires » d'utiliser les mosquées pour répandre la propagande « antirépublicaine » 9 • Une autre voix - et d'un autre poids - s'était fait entendre. Le silence observé jusque-là par les Soviétiques avait été rompu par Khrouchtchev lui-même. Dans son rapport au XXIe Congrès il avait exprimé une douloureuse surprise devant les attaques dont les communistes de la RAU étaient l'objet et nié catégoriquement que ces derniers ~e fussent écartés tant soit peu de la cause du nationalisme arabe. Ils étaient au contraire, affirma-t-il, les plus ardents défenseurs des intérêts nationaux des pays arabes et il était insensé de les comparer aux « sionistes» 10 • N. A. Moukhitdinov, membre d'origine ouzbèke du présidium du Parti, s'exprima avec encore plus d'emphase. Après avoir qualifié les communistes de « champions de la cause du peuple », il dénonça la prétendue « menace communiste» envers l'unité nationale des pays afro-asiatiques comme une calomnie répandue. par les agents du « dollar ou de la livre sterling, ou des deux à la fois», avec l'aide des « révisionnistes yougoslaves » 11 • Réponse du Caire HAssANEINHEIKALrépondit à ces accusations à partir du 29 janvier dans une série d'éditoriaux d' Al Ahram intitulés « Critiques de Khrouchtchev, critiques à Khrouchtchev ». Ces articles mêlaient le conciliant au caustique. Les différends idéologiques entre Moscou et Le Caire étaient bien connus, écrivait Heikal. Cela n'avait pas empêché les deux États d'offrir un « admirable exemple d'amitié et de coexistence pacifique». Khrouch8. Bulletin d'informations A.N.A. (en arabe), 30 janvier 1959. 9. Mohammed Hussein Abou el-Iss, dans Saout alAhrar, 14 janvier 1959. El Iss a passé douze ans dans les prisons irakiennes. Les autres principaux dirigeants du P. C. irakien qui furent libérés ou revinrent d'exil après le coup d'~tat de juillet 1958 sont : Abdel Kader Ismail, Aziz al-Hadj, Baha al-Din Noury et Salim Adel. Mentionnons encore Aziz Charif, Taoufik al-Mounir et Kamil Kazandji (cc dernier tué à Mossoul lors des troubles de mars 1959). 10. Pravda, 28 janvier 1959. 11. Ibid., 31 janvier 1959. Biblioteca Gino Bianco 271 tchev lui-même n'avait-il pas déclaré lors d'une réception diplomatique à Moscou en octobre 1957 : « Nous avons soutenu Nasser bien qu'il ait mis chez lui les communistes en prison» ? Et Heikal de poursuivre : Nous n'avons rien contre les communistes en général. On sait que nous tenons certains d'entre eux pour des héros, en dépit de ce qui nous sépare. Khrouchtchev lui-même est un héros, et aussi Mao Tsé-toung, Gomulka, Tito. Et, décochant la flèche du Parthe, Heikal affirmait que Khrouchtchev ne pouvait conclure, comme il le faisait de manière implicite, à l'infaillibilité des communistes : infaillible, Staline ne l'avait pas été, non plus que Béria, Molotov, Kaganovitch, Malenkov, Chepilov et consorts. Mais Le Caire n'eut pas le dernier mot. Le 19 février, la Pravda s'en prenait aux « déformations » que Heikal faisait subir à la vérité et y voyait le fait d'un homme qui a perdu « toute pudeur ». Pour le journal soviétique, la loyauté des communistes arabes envers la cause nationaliste était amplement démontrée par le sacrifice suprême de milliers d'entre eux dans la lutte contre l'impérialisme. Inutile de discuter pour savoir si le communisme convenait ou non au monde arabe : « Ce sont les Arabes eux-mêmes qui se prononceront, la décision appartient à l'histoire. » Un répit avant Mossoul L'INITIATIVE passait aux communistes. Les discours prononcés au Caire et à Damas par Nasser à l'occasion du premier anniversaire de la RAU furent modérés : il accusa l'Occident de chercher à saper la collaboration entre l'Union soviétique et lui sous le prétexte qu'il était luimême anticommuniste. Un nouvel incident provoqué à Bagdad par les communistes déclencha fin février une vague de protestations dans la presse égyptienne. De plus, l'émigration de Juifs roumains en Israël favorisa un certain climat d'hostilité. Nasser chercha à apaiser les esprits en révélant qu'il avait reçu de Bucarest des assurances formelles sur !'insignifiance de l'opération. Par la suite, il lava l'Union soviétique de tout soupçon de complicité en accusant les « sionistes» d'avoir gonflé l'affaire à leurs propres fins. Ces gestes de conciliation furent bien accueillis à Bagdad. Al Thaoura par exemple enregistrait avec satisfaction le 24 février les assurances de Nasser sur la poursuite de la collaboration ézyptosoviétique, gage de l'opposition de la polittque de la RAU à celle de l'Occident. Mais à la réflexion la presse communiste irakienne s'avisa que Nasser n'avait pas abandonné ses accusations contre les mouvements communistes locaux en tant qu'ennemis de l'unité arabe. Au dire du journal communiste de Bagdad Saout al-Ahrar (6 mars), •
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==