270 tout obstacle ; mais à présent le P. C. syrien jetait le masque : 11 a refusé de voir en la nation une seule nation en lutte contre les ennemis du nationalisme et de l'unité arabes( ...) Certains communistes syriens ont, la semaine dernière, réclamé la séparation, [ce qui équivaut à un] abandon de l'unité et du nationalisme arabes 4 • D'autres accusations suivirent, accompagnées d'actions coercitives. Le colonel Serraj, ministre de l'Intérieur de la province syrienne, un des principaux lieutenants de Nasser, parla de fausses rumeurs destinées à saboter l'unité. Deux ministres du gouvernement cairote, envoyés à Damas pour réorganiser la province septentrionale, annoncèrent des mesures sévères. Des manifestations d'étudiants anticommunistes se déroulèrent dans les principales villes syriennes ; les journaux communistes furent interdits et nombre de dirigeants furent arrêtés (Khaled Bagdache, secrétaire général du Parti, était cependant autorisé à quitter le pays pour chercher refuge en Irak). Cette offensive limitée laissait supposer chez :Nasser certaine répugnance à s'en prendre au Parti irakien : il voulait éviter de porter sur le plan international une dispute qui n'était jusquelà qu'une affaire de famille. En effet, les attaques contre le communisme syrien lui-même se distinguaient par une curieuse réserve dans le choix des mots : le plus souvent, les propagandistes rompaient avec leurs habitudes en remplaçant le terme « communistes » ( chiyouïyin) par celui de « factieux » ( chououbiyin) ou de « séparatiste.s » ( infisaliy_in) 5 • Quan~ au mouvement communiste en Egypte même, il ne méritait pas, aux yeux de Nasser, la moindre attention. Pourtant, deux semaines après le début de l'offensive, Le Caire abandonna toute retenue pour ranger en termes explicites les communistes d'Irak dans la catégorie des « ennemis de l'unité arabe». Les porte-parole de la RAU dénoncèrent le Parti irakien comme un allié des impérialistes occidentaux et des «sionistes» - sans souffler mot, il va sans dire, de l'Union soviétique. Selon Akram Haurani, vice-président syrien de la RAU, l'Occident - et l'Occident seul - était responsable des succès communistes en Irak. Le thème fut développé d'abondance dans la presse égyptienne et syrienne. Mohanimed Hassanein Heikal, écrivait le 4 janvier dans Al Ahram que si le communisme et le nationalisme avaient dans le passé uni leurs efforts contre les complots impérialistes et le féodalisme, cette lutte en commun touchait à sa fin. Le ton était grandiloquent : Quelle sera maintenant l'attitude des organisations communistes dans cette partie du monde ? S'écarte4. Al Ahram, 22 décembre 1958. 5. Le terme chououbiyin remonte à un mouvement antiarabe et multinationaliste de l'islam médiéval. Malgré la subtilité de l'analogie historique, les communistes étaient clairement désignés. . Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL ront-elles de la voie du nationalisme pour déployer le drapeau rouge au Moyen-Orient ? Sauront-elles s'arrêter à temps ? D'autres critiques s'exprimaient plus brutalement: Les communistes irakiens ont mis la RAU au banc des accusés en l'abreuvant de calomnies. Ils ont mis le nationalisme arabe en accusation en couvrant de sarcasmes la politique de neutralité positive. Ils sont allés jusqu'à traîner Dieu au banc des accusés dans leur livre Allah fi ka/as al-ittiham 6 • Dans la même veine, Al Goumhouriya (Le Caire, 7 janvier) accusait les communistes syriens d'avoir de la neutralité positive la même conception que les impérialistes occidentaux. L'hebdomadaire cairote Rose el-Youssef lui-même, qui naguère avait été le premier à manifester son enthousiasme procommuniste, déclarait le 5 janvier qu'il était absolument faux de reconnaître aux communistes arabes le monopole de l'amitié soviétique : la route du Caire et de Damas à Moscou, et vice versa, ne passait pas nécessairement par les partis communistes de Syrie et d'Irak. Le ton montait de semaine en semaine : le Parti irakien était accusé entre autres de projeter l'assassinat de tous les nationalistes arabes en Irak. Enfin, le 27_,janvier, Al Ahram publiait une lettre ouverte d'Hassanein Heikal au général Kassem, levant un coin du voile sur les relations égypto-irakiennes. La première réaction communiste fut une déclaration du Front d'unité nationale publiée le 31 décembre 1958, quelques jours après le discours de Nasser. Le Front réitérait sa foi en une forme plus souple d'unité et déplorait « la tactique des impérialistes américains » qui tendait à diviser le monde arabe : · Au lieu de s'aligner sur la République d'Irak qui a déployé le drapeau de la libération et de la solidarité, les imposteurs du nationalisme se trémoussent au son du tambour des Dulles, Rountree et autres Als~p 7 • Le procès de.s dirigeants pronassériens du Baas arrêtés en décembre, devant le Tribunal .du peuple, ne fit que jeter de l'huile sur le feu. 11 était reproché aux accusés d'avoir comploté avec l'ancien régime irakien une fusion de l'Irak et de la Syrie. Lorsque la presse et la radio égyptiennes répliquèrent en attaquant le colonel Fadhil al-Medhaoui, président du tribunal, considéré comme sympathisant communiste, Bagdad prit aussitôt sa défense. Le journal Al Zaman écrivait le 17 janvier 1959 : Le Tribunal du peuple a été donné au pays par l'immortelle révolution de juillet. Ce ne sont ni des voix 6. Moustafa Amin, dans Akhbar al-Yom 10 janvier 1959). . 7. Saout al-Ahrar, 1er janvier 1959. (Le Caire; . .
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