Le Contrat Social - anno III - n. 5 - settembre 1959

W. LAQUEUR communistes réussirent à s'infiltrer dans toutes ces organisations et à s'imposer à quelques-unes. Les .dirigeants du Baas étaient incarcérés, certains traduits en jugement ; l'Istiqlal était progressivement vidé de sa substance. A côté des communistes, les nationaux-démocrates, ou plus exactement la fraction qui recherchait leur alliance, étaient les seuls à représenter une force. Les nouvelles qui filtrèrent d'Irak après juillet 1958 rappelaient étrangement la phase préliminaire de la conquête politique de l'Europe orientale par les communistes entre 1944 et 1948, malgré des différences non négligeables. Le pays n'a pas de frontière commune avec l'URSS et les communistes iralci.ensne pouvaient compter sur la présence de troupes soviétiques. Mais, contrairement à ce qui existait en Europe orientale à la fin de la deuxième guerre mondiale, ils pouvaient tabler sur les bonnes . dispositions de la population envers le communisme et envers l'URSS. Les communistes et la R.A.U. LES CHOSESs'envenimèrent lorsque les communistes s'opposèrent aux efforts de Nasser pour unifier le « monde arabe». A l'unité étroite prônée par Nasser les communistes préféraient une fédération qui eût offert au Parti un meilleur champ d'action. Ils avaient cependant hésité jusque-Jà à s'opposer de front à la politique d'unification. Lors de la création, en février 1958, de la République arabe unie, ils s'abstinrent de toute protestation publique en raison de l'enthousiasme général. En Égypte, ils suivirent le courant avec toutes les apparences de la sincérité. En Syrie, où ils ne furent pas sans inquiétude quant aux conséquences de l'11nification, ils n'étaient pas assez forts pour tenter une opposition ; ils osèrent pourtant se plaindre de restrictions imposées à l'activité du Parti (en fait, ces mesures étaient plutôt bénignes : malgré la dissolution officielle de tous les partis, le P. C. syrien continua d'exister au grand jour et de publier son journal). 11 faut connaître le manque de cohésion du mouvement communiste égyptien des années durant pour comprendre l'absence de réaction sérieuse du Parti lors de la fondation de la RAU. Abstraction faite de fractions minuscules, on distinguait en 1.956-57 trois groupes principaux : le parti communiste uni (autrefois appelé Mouvement démocratique de libération nationale), le parti communiste égyptien et le parti des paysans et des ouvriers. En février 1958, après des mois de négociations, ils fusionnèrent pour former le parti communiste égyptien 2 • Ce dernier ne devait 2. L'exclusion de la nouvelle direction des Juifs et des ~tranaers, exigée par les deux premiers groupes, constitua une pomme de discorde au cours des négociations. L'accord fut cependant réalisé quand le parti des paysans et des ouvriers, dont le bureau politique comptait trois l!gyptiens d'origine juive, acc~da à cette demande. Biblioteca Gino Bianco 269 pas vivre plus de huit mois. Au début de l'automne 1958, il se scinda en deux groupes antagonistes de force sensiblement égale : l'un soutenait la politique gouvernementale d'unification arabe ; l'autre, encouragé par l'exemple des communistes syriens et irakiens, refusait son concours à Nasser. Le communisme égyptien se retrouvait divisé comme auparavant, à cette différence près que les deux tronçons rivaux continuaient à revendiquer l'étiquette de parti communiste égyptien. Il revenait aux communistes irakiens de jeter la première pierre, ce qui impliquait un changement notable de la ligne : sous le régime prooccidental de Noury Saïd, ils avaient affirmé à maintes reprises que le refus de l'Irak de se joindre à la « caravane des pays arabes libérés» procédait d'une politique réactionnaire et impérialiste. Après le soulèvement de 1958 le ton changea rapidement : le peuple irakien était avide de liberté démocratique et sa soif ne pouvait être étanchée par l'incorporation de l'Irak à la RAU, où il n'était pas de liberté pour les partis politiques ... La junte militaire de Bagdad, prétendait-on, avait une foi profonde dans les principes du mouvement démocratique de libération et la fusion remettrait ces idéaux en question en même temps qu'elle risquerait de porter atteinte au développement économique, politique et social du pays. Si regrettable qu'ait été pour Le Caire la nouvelle ligne du P. C. irakien, la rupture aurait pu être retardée si à Bagdad les communistes s'étaient contentés de repousser les exigences de la RAU. Au lieu de quoi ils incitèrent leurs camarades syriens à plus de fermeté à l'égard de Nasser 3 • Enhardi, le P. C. syrien répondit par une déclaration publique qui devait froisser Le Caire par son caractère « séparatiste». Outre l'installation de parlements distincts issus d'élections libres pour les provinces égyptienne et syrienne, elle réclamait le rétablissement des libertés démocratiques. En même temps parvenait en Égypte la nouvelle de l'arrestation à Bagdad d'éléments pronassériens. Le conflit éclata. Rupture ouverte NASSERdonna lui-même le signal de l'attaque. D'une manière assez inattendue il choisit le 21 décembre 1958, commémoration du « Jour de la Victoire». Les communistes syriens, proclama-t-il, s'étaient abstenus d'élever la voix au moment de l'union avec l'Égypte, sachant bien que la conscience nationale eût balayé 3. Un journaliste égyptien, lui-m!me affilié à l'extr!me gauche, écrivit plus tard : « Si le P. C. irakien s'était borné à rejeter toute esp~cc de solidarité [avec la RAU], les choses se seraient bien passées. Mais le Parti se mit à attaquer l'unité syro-égypticnne, ce qui était dangereux • (Ahmad Baha alDin,~dans Rose el-Youssef, 19 janvier 19s9). •

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