• • LE PANARABISME ET L'U.R.S.S. par Walter Laqueur EPUIS l'automne de 1958 un rajustement général des forces en présence a lieu dans le « monde arabe». Le conflit entre communisme et nationalisme arabe demeura latent pendant des années. Il vaut la peine d' examiner de près les circonstances dans lesquelles il est apparu au grand jour. En fait, le phénomène offre bien d'autres aspects que celui d'une lutte entre le communisme et le nationalisme arabe : la traditionnelle rivalité entre Le Caire et Bagdad, d'autres problèmes spécifiques jouent aussi leur rôle. On peut néanmoins affirmer que cette lutte est au centre de la crise actuelle. Jusqu'en 1958 le communisme arabe est considéré comme une aile du mouvement nationaliste panarabe, au même titre que le nassérisme. Les communistes étaient les premiers à manifester leur enthousiasme pour l'unité et l'indépendance tant que celles-ci restaient des objectifs lointains : leur clientèle n'avait pas alors à opter entre les vues contradictoires du Parti et des nationalistes. De leur côté, la majorité des partisans du « nationalisme intégral » n'étaient nullement opposés à l'idéologie communiste, encore moins à l'aide active accordée par l'URSS et la Chine au gouvernement Nasser. Sans la révolution irakienne de juillet_ 1958, cette idylle aurait pu se prolonger. Jusqu'à la prise du pouvoir par la junte militaire du général Kassem, le communisme arabe n'avait été qu'une menace potentielle pour Nasser et sa légende de prophète de l'unité arabe. Mais le coup d'État de Bagdad, accueilli avec ferveur par tous les ultra-nationalistes, fut le signe avant-coureur d'un changement radical. La forte .poussée du communisme en Irak ne tarda pas à mettre en péril l'alliance qu'il avait contract_ée avec la bourgeoisie nationale. La collaboration, possible tant que le mouvement communiste demeure relativement faible, prend inévitablement fin dès qu'il constitue une menace sérieuse pour la couche dirigeante nationaliste. . BibliotecaGinoBianco Après juillet 1958 plusieurs facteurs favorisèrent la montée du communisme en Irak. Quoique dans l'illégalité depuis quelque dix ans, le Parti était la seule force politique qui ait conservé intacte une bonne partie de ses cadres. Des centaines de militants, des « suspects» en plus grand nombre encore, étaient passés depuis I 948 par les prisons et les camps, véritables écoles du Parti. A leur libération, ils ne rencontrèrent pas d'opposition véritable. Ils avaient pour rivaux le parti de !'Istiqlal, les nationaux-démocrates de Kami! Chaderchi et le Baas 1 • Les deux premiers groupements n'étaient pas des partis au sens courant du terme : il ne s'agissait guère que de clubs fréquentés par des avocats, des professeurs et autres représentants des professions libérales. Quant au Baas, s'il faisait figure de concurrent plus sérieux, il manquait encore de poids en Irak, son apparition étant relativement tardive. Il n'avait jamais réussi à s'implanter ·solidement dans le corps enseignant, comme il l'avait fait depuis longtemps en Syrie et en Jordanie. Les communistes purent ainsi occuper rapidement une position dominante à l'intérieur du Front national qui gro1:1paitles diverses formations. politiques. Mais · dans une situation des plus complexes · les partis politiques étaient loin d'être l'élément décisif. Il fallait compter avec les militaires au pouvoir, qui avaient la haute main sur la police politique, sur le « tribunal révolutionnaire », ainsi que sur la presse et la radio. Il existait en outre diverses organisations populaires, tels que syndicats, groupements d'étudiants et « Partisans de la paix » ;· il y avait surtout le Mouvement populaire ·de résistance et ses milices armées. Les , 1. Le Baas et les nationaux-démocrates professent ensemble une idéologie nationaliste et socialiste. Pour. plus de détails sur ces deux partis, cf. les articles de W. Khalidi et Gebran .lvlajdalani dans The Middle East in Transition (New York 1958, F. ·Praeger). ·
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