Le Contrat Social - anno III - n. 3 - maggio 1959

182 -Socialisme autoritaire et socialisme libertaire DANIEL GUÉRIN : Jeunesse du socialismelibertaire - Essais. Paris, Librairie Marcel Rivière et Cie, 1959, 186 pp. Sous ce titre M. Daniel Guérin a réuni des articles déjà parus dans diverses revues (Arguments, Temps modernes, etc.) et traitant de sujets historiques ou idéologiques qui se rapportent à la tradition révolutionnaire française. Leur lien r~side en une critique systématique, parfois VI?~ente, souvent justifiée, de l'esprit «jacobin», her1tage de 1793, dont se revendiquent la plupart des socialistes marxistes et les sectateurs du marxisme-léninisme. Contre ce courant « autoritaire» auquel il associe Marx et Engels, en dépit de leur conception du dépérissement de l'État, D. Guérin se réclame du courant « libertaire » illustré par Proudhon,,. Bakounine et Kropotkine. Il n'a pas de difficulté à montrer, à la lumière ~e ~'expérience communiste, à qu~l point était Jusnfi,ée leur hostilité à la conception jacobine de l'Etat révolutionnaire. Mais sa démonstration ~ur_aiteu ~lu~ de vale~r si elle s'était ~égagée des ecr1ts polermques qw encombrent mutilement un texte dont la raison d'être consiste à apporter des matériaux à l'idéologie libertaire. D. Guérin y critique des publications antérieures dont le contenu est difficilement saisissable pour le lecteur. Une grande partie y est même consacrée à la défense de son ouvrage, Les Luttes de classe sous la /ère République, contre des historiens et des journalistes admirateurs du « jacobinisme », sinon du stalinisme. On sait les sympathies de l'auteur pour les «Enragés» de la Révolution française, mais on voit mal comment il relie Jacques Roux et ses disciples au «socialisme libertaire» dont il affirme la vitalité et la nécessité au xxe siècle. Sauf erreur, l'introduction semble la seule parti~ inédite et ~n.même temps apodictique de son livre. D. Guerm, à la faveur d'une récente enquête, a cru déceler un renouveau de l'idée libertaire dans la jeunesse. Aussi, dans un grand élan sentimental n'hésite-t-il pas à écrire que « l'idée libertaire (...) se dégage des faits euxmêmes, des aspirations les plus profondes (même quand elles sont refoulées) et les plus authentiques des masses populaires». De témoignages partiels ou incertains il fait une loi générale qu'il identifie assez arbitrairement aux anciens courants libertaires du XIXe siècle. Il en vient, suivant l'exemple de Rosa Luxembourg, à déifier la masse qui serait, en toute occasion, porteuse de la sagesse et de la liberté qu'il refuse de voir s'incarner dans une quelconque institution historique. Et il ne craint pas de dire que « le problème de la spontanéité et de la conscience [des masses] est beaucoup plus facile à résoudre aujourd'hui qu'il y a un siècle. Les masses (.••) Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL . o!1t rattrapé une bonne part de leur retard historique». Affirmations qu'on aimerait voir précisées dans leurs termes et appuyées de quelque analyse sociologique et historique. Cela serait d'autant plus utile que les notions de masse et de jacobinisme· sont intimement liées. Le jacobinisme ne connaît les hommes que noyés dans la masse dont il veut être l'interprète et le guide. Comme son successeur le césarisme, le jacobinisme n'existe qu'en guidant et au besoin en suscitant les mouvements de la masse. Celle-ci devient un mythe protecteur du pouvoir dictatorial, qu'il soit jacobin, fasciste ou communiste. Une masse «libertaire » ne serait-elle pas une simple contradiction dans les termes, puisque partout où une masse se forme et agit, elle impose un conformisme élémentaire à ses participants et ouvre la voie au conformisme légalisé de la dictature jacobine ? Cependant D. Guérin a cité ces remarquables ~ et à notre avis toujours actuelles réflexions de Proudhon, ~xtraites de La Capacité politique des classes ouvrières : «Ces deux idées Liberté et Unité ou Ordre sont adossées l'une à l'autre (...) On ne peut ni les séparer ni les absorber l'une dans l'autre, il faut se risquer à vivre avec toutes deux en les équilibrant». Et un peu plus loin Proudhon co~plétait son observation par ces mots (2e partie, chap. XIV) : « La question ici est donc de savoir non pas comme le prétendent d'impuissants sophistes si la Liberté sortira de !'Ordre ou !'Ordre de la Liberté (.•.) Il s'agit seulement de découvrir quelle est, en toute chose, leur !-Ilesure~espective ~t _le caractère qui leur appartient». S1 le « soc1al1sme libertaire» ne veut pas. se mys~fier lui-même en mystifiant les autres, il se doit de ne pas raisonner sur d'anciens mythes créés par ses pires adversaires passés et présents, et de rechercher dans la civilisation industrielle d'aujourd'hui l'équilibre dynamique entre la liberté et l'ordre. M. C. Un <~ socialisme de techniciens » ' J. GAGLIARDI et p. ROSSILLON : Survivre à de Gaulle. Paris, Librairie Pion, 1959, 171 pp. UNE certaine publicité, plus intéressée que maladroi~e, a été faite à ce pamphlet. Les auteurs so1:1tde Jeunes fonctionnaires à peine sortis des . Sciences Po et de !'École nationale d'Administration. Sans médire d'institutions aussi respectables, cpnstatons que la « science » de ces jeunes gens est livresque, leurs connaissances de seconde main. Il~ font étalage de leur « expérience », de leur « raisonnement », et de l' « étude des statistigues » qui, à en. juger par les résultats, a été faite sans -grand discernement. ~leins d'un~ _admiration épouvantée pour les chiffres prophet1ques de Khrouchtchev, ils semblent ignorer les faits qui les réfutent, à moins

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