Le Contrat Social - anno III - n. 3 - maggio 1959

QUELQUES LIVRES qu'ils ne les cachent pour mieux faire peur aux << bourgeois ». Afin de résister au bolchévisme russe qui nous menace, ces gribouilles n'ont rien trouvé de mieux que de lui substituer un « bolchévisme» nationaliste, un collectivisme maurrassien. En nationalisant la propriété, depuis les banques d'affaires jusqu'au petit commerce, ils arrach_eraient, paraît-il, la classe ouvrière au parti communiste. Cela prouve que les auteurs ne connaissent pas mieux les ressorts de l'opinion populaire que les méthodes particulières du P.C. En politique étrangère, ils sont hostiles aux AngloSaxons, réprouvent l'alliance atlantique et méprisent l'Europe occidentale. Selon eux, la France deviendrait « forte » en s'isolant des influences démocratiques extérieures, et ne devrait s'appuyer que sur la « communauté africaine» qu'elle dirigerait à la manière dont Moscou gouverne le Tadjikistan. Telle serait, schématiquement, la plate-forme du nouveau « socialisme », un « socialisme de techniciens » suivant les auteurs, technocrates en puissance. sinon déjà en fait. Rien d'original dans tout cela : des vieilleries qui ont traîné dans les programmes fascistes ou national-socialistes des années 30. Les thèmes du nationalisme, de l'autarcisme, de l'étatisme, avec la démagogie qu'ils comportent, ont été communs à Farinacci en Italie, à Otto Strasser en Allemagne, comme à tous les doctrinaires extrémistes du régime totalitaire. En les recouvrant d'un vernis pseudojacobin, les auteurs voudraient les faire avaler aux Français trop crédules. Le succès de l'entreprise semble des plus douteux. Et si, par extraordinaire, il devait en être autrement, il n'est n'est pas nécessaire d'avoir l' « expérience» de ces jeunes fonctionnaires pour prévoir - très scientifiquement - les catastrophes qui en découleraient pour le pays et le monde libre. · M. C. Claudel posthume PAUL CLAUDEL : Qui ne souffre pas... Réflexions sur leproblèmesocial. Préface et notes de Hyacinthe Dubreuil. Paris, Gallimard, 1958, 158 pp. ILS n'ajoutent rien à la gloire du poète, ces textes de Paul Claudel que Hyacinthe Dubreuil a pieusement rassemblés - onze articles parus dans le Figaro, l'un en 1939, les autres en 1945 et 1946, une lettre au directeur de l'Union des coopérateurs de Lorraine, et une allocution à des étudiants belges, - mais ils aident à la connaissance de l'homme, dont ils révèlent un trait inattendu. On le savait d'un réalisme de paysan, nullement bohème dans la vie quotidienne, pas du tout détaché des biens de ce monde. Lui-même • Biblioteca Gino Bianco 183 nous rappelle que son métier d'ambassadeur le contraignait (mais il acceptait volontiers cette contrainte) à l'étude des problèmes de la production et du marché. « Au temps où nous vivons, écrit-il, le métier d'un consul et d'un diplomate est étroitement rattaché à la compréhension et à l'étude des questions économiques» (p. 63) et H. Dubreuil rapporte le mot ironique d'un des confrères de Claudel, non en littérature, mais en diplomatie : « Je ne comprends rien à sa poésie, mais quant à ses rapports sur le café, admirables ! » (p. 28). La surprise passée, on trouve donc tout naturel que l'auteur de L'Otage soit intéressé aux questions économiques et sociales. Un second étonnement nous guette. Car on s'attendait à ce que ce membre éminent d'une corporation qui ne passe pas pour révolutionnaire, lui-même actionnaire et puissant actionnaire (Pierre Hamp en sait quelque chose) d' « une fabrique de moteurs à piston», protestât contre les nationalisations de cette après-guerre au nom d'idées fort classiques, ce qui ne veut pas dire fausses ni négligeables. Il le fait, certes, et même en d'assez jolies formules, comme lorsqu'il parle de « l'extrême sensibilité qui est celle des intérêts matériels » (p. 53) ou quand il écrit qu'« à l'idée de la Nationalisation s'oppose l'idée de !'Entreprise» (p. 55), car la première attend tout du « commandement » (mais ici, Dubreuil dixit) c'est-à-dire d'une volonté extérieure à elle-même, tandis que la seconde est à l'affût de la «commande». Mais ce que Claudel oppose à la nationalisation, dans laquelle il voit, bien à tort, un produit « du brutal caporalisme allemand » (p. 55 ), ce n'est pas le libéralisme traditionnel, ni même un néo-libéralisme, mais l'utopie fouriériste, la coopération telle que Charles Gide prétendait l'avoir tirée des œuvres de Fourier, les ateliers autonomes au sein de la grande entreprise, selon la formule de Dubreuil, un système communaliste («Vive la Commune », p. 105) qui ne jurerait pas dans une galerie des prophéties sociales du xixe siècle. Le poète en lui avait bousculé l'actionnaire. Sauf l'éclat de son nom, Claudel n'a pas apporté grand-chose à l'idée coopérative, et d'ailleurs il n'en traite qu'en disciple et avec une infinie prudence. Une seule fois, il parle avec autorité, et c'est pour rappeler aux « livresques et aux théoriciens » en proie à « l'idéologie, à la sentimentalité .déréglée et à la confiance aveugle en leurs propres forces » (p. 47) que « tous les directeurs de conscience insistent sur le caractère sacré, mais étroit des devoirs d'état, c'est-à-dire des devoirs immédiats auxquels nous sommes rigoureusement obligés par notre position dans la société, ceux de père de famille, de directeur d'industrie, de fonct1onnaire, de prêtre, etc. En dehors de ce champ il n'y a pas de comEétence, et par conséquent pas le devoir de réaliser Jésus» (p. 45). Voilà une leçon qu'il était bon de rappeler quand tant de chréttcns, à commenc r par des

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