334 ratifications jumelées ; celle du parlement français fut rapide et sans histoire. L'entreprise repartait de nouveau. Les deùx nouvelles Communautés diffèrent de la C.E. C.A. sur un point, à vrai dire capital : au lieu d'une Haute Autorité décidant sans appel et pourvue d'un incontestable caractère supra-national, leurs exécutifs sont des Commissions européennes aux pouvoirs moins étendus ; en revanche, ceux des Conseils de ministres nationaux le sont davantage. 11 y a donc recul de la supra-nationalité, tout au moins dans les textes - ce qui donne matière aux Européens impatients à dénoncer ce qu'ils tiennent pour un trompe-!' œil. Fausse querelle : le recul indéniable du caractère supra-national n'empêche que, par le biais du Marché Commun et de !'Euratom, la compétence européenne ne s'étende. Ensuite, la pratique est d'extrême importance ; on oublie qu'en France le« président du Conseil» était un personnage ignoré de la Constitution de I 87 5 et il n'en a pas moins poursuivi une belle carrière pendant soixante-cinq ans. Le même avatar peut arriver aux Commissions européennes si elles sont - et elles le sont - composées de personnalités actives et décidées. Enfin, par le regroupement qu 'elles imposent - même Assemblée, même Cour de Justice, peut-être même Conseil des ministres - et par les nouveaux soucis qu'elles font naître, elles poussent l'Europe sur la voie de l'Autorité politique (ce que ne postulait nullement la seule Communauté Charbon-Acier, réduite à son étroit secteur fonctionnel et parfaitement équilibrée entre sa Haute Autorité, sa Cour de Justice, et son Assemblée commune). Contrôler, orienter, arbitrer : voilà pour le domaine interne. Prévoir, coordonner, ajuster les politiques étrangères : voilà pour l'attitude visà-vis de l'extérieur. Prétendre que les trois Communautés se suffisent serait insensé ; elles portent en elles les accomplissements futurs de l'Europe. Au BOUT de ces dix ans qui paraissent pleins d'hésitations aux contemporains, mais dont les historiens souligneront combien ils auront été fructueux pour l'unité européenne, l'Europe est encore en marche. · Dans l'immédiat, les problèmes qu'il lui faut résoudre sont : le débat Marché Commun - Zone de libre-échange, la situation française et africaine, les méthodes pour parvenir à l'Autorité politique. · La Zone et la Communauté La Zone de libre-échange est une proposition britannique, appuyée par la plupart des onze membres de l'O.E.C.E.- qui se trouvent en dehors du Marché Commun. Ces·onze pays, qui craignent la puissance économique.~que représentera dans quelques années ( 12 ou I 5 à partir du 1er janBiblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL vier 1959, si l'intégration se fait conformément au calendrier prévu) la Communauté économique des Six, accusent ces derniers de couper l'Europe occidentale en deux. A la vérité, il est difficile de faire un tel procès d'intention aux six pays qui ont décidé d'unifier leurs espaces économiques après avoir . vainement appelé les autres à se joindre à eux. · La querelle n'est pas seulement, même pas du tout, entre deux nombres : Six ou Dix-Sept. Elle est entre deux conceptions de l'union. Pour en prendre conscience, il importe de rappeler qu'une zone de libre-échange est un espace économique hétérogène caractérisé par la circulation en franchise des hommes, des biens et des capitaux, et par cela seulement. Quant aux tarifs douaniers extérieurs (à l'égard des pays non membres de la Zone), aux conditions de la production., du travail et de la distribution, aux législations économiques, fiscales et sociales, à la politique générale, etc., tout cela reste de la seule compétence des États nationaux. Un espace économique libre-échangiste ne postule d'ailleurs aucune institution : il lui suffit que les entraves à la circulation économique soient levées. Le Marché Commun est bien .davantage. 11 englobe d'abord une zone de libre-échange; mais il est en plus une union douanière et une union économique. Une union douanière : ses membres adoptent un tarif douanier extérieur 11nique ; qu'elle soit importée par l'un ou l'autre des pays qui forment l'union, une même marchandise est soumise aux mêmes droits d'entrée, établis en commun. Ainsi, les conditions de la concurrence étant identiqq.es, l'espace économique ·tend vers l'homogénéisation ; tandis que, dans une simple zone de libre-échange, comme les droits de douane sont extrêmement divers de pays à pays, des manœuvres de dumping sont possibles pour les pays qui importent à très bas tarif : le système de la préférence impériale mettrait la Grande-Bretagne en mesure de peser terriblement sur l'économie de la Zone. La parade est aussi simple que dangereuse : elle consisterait à épingler à chaque produit importé un « certificat d'origine » qui le suivrait à chaque franchissement de frontière pour qu'on puisse lui appliquer des taxes annexes compensatoires. Ce serait d'une complication décourageante, propre _ à porter un coup mortel à l'11nion douanière. Or on sait quelle importance a revêtu le Zollverein pour l'unité allemande ; pour l'Europe, l'union douanière serait également un pas décisif dont la signification politique dépasse les implications techniques. , Mais aussi et surtout, le Marché Commun est une union économique qui vise à l'11nification progressive des économies nationales et des législations qui les concernent. 11 implique des institutions dont certaines, comme la Banque d'investissement et le Fonds de réadaptation, ont une importance capitale en matière de reconversion économique et professionnelle ; il implique
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