Le Contrat Social - anno II - n. 6 - novembre 1958

M. RICHARD égalem~nt une politique économique commune. C'est une communauté organisée et tendant vers une fin fédérale. 11 On ne saurait troquer cette réalisation, appelée à orienter irréversiblement l'Europe vers l'unité, contre une opération de type uniquement commercial dont le résultat .serait de procurer à la Grande-Bretagne les avantages de l'union sans qu'elle assume les sacrifices que s'imposeront les autres. 12 Il s'agit seulement de trouver les modalités 'd'une fructueuse association entre les Six et les Onze (c'est-à-dire les pays de l'O.E.C.E. non membres du Marché Commun). Comme les Six n'entendent nullement édifier une autarcie continentale, mais s'ouvrir sur le monde extérieur (les territoires d'Outre-mer sont déjà associés au Marché Commun), la guerre économique n'aura pas lieu, en dépit de certaines menaces de rétorsion. L'important est que les Six présentent à leurs partenaires un front uni. Tout l'effort de la France y tend constamment. Et, paradoxalement, les événements de maijuin derniers ont renforcé la position française. Problèmes français Les circonstances de l'arrivée au pouvoir du général de Gaulle et certaines déclarations de celui-ci avaient, à la fin du printemps de cette année, vivement ému nos partenaires de l'Europe des Six. Ils ont craint pendant deux ou trois semaines que la France ne se retirât des institutions européennes. Crainte non fondée pour deux raisons ; la première est que les traités sont signés et ratifiés : on ne pouvait redouter qu'un manque d'empressement; la seconde est que la seule continuité française ( à l'exception de la C.E.D.) a été la politique extérieure : on ne va pas contre son destin. Placée au carrefour de l'Europe et del' Afrique, la France ne peut qu'être européenne, sous la ye comme sous la IVe République. Ce malentendu dissipé 13 , nos partenaires européens ont compris leur avantage 'à traiter avec une France stable et résolue. D'autant plus que les risques de la voir entrer avec hésitation dans C II. En matière de salaires., d'harmonisation des char&es, de clauses éventuelles de sauve&arde., le Marché Commun comporte des garanties de toute sorte. Ces garanties sont capitales pour la France, ce qui explique la position hostile, prise à peu près un11.nimement à l'égard de la Zone de librekhanae par le gouvernement, le patronat et les syndicats ouvriers français - cette fois enclins à etre très institutionnels. 12. En outre, liée au Commonwealth par des accords précis, la Grande-Bretaane veut exclure de la Zone les produits apicoles européens. Or le développement de la production et de l'exportation aaricoles est un des points majeurs de. l'e:z::pansion économique européenne (et française) projetée. 13. Il reste encore d'ordre psychologique ; la rencontre Adenauer-de Gaulle l'a levé partiellement (en dépit du fait que c'e1t le plus Aaéet le plus •ancien • qui ait da se déplacer). Quant à la bombe A française, elle apparaità 001 partenaires plut chauvine qu'europ~e, nous ne devons pas nous le dl11hnuler. Biblioteca Gino Bianco 335 le Marché Commun sont d'ordre purement financier et contingent. L'Europe des Six n'est pas menacée par un accès de fièvre chaude d'une France en proie à la «grandeur». Il lui faut simplement craindre son manque de devises, dû à une expansion économique telle qu'elle oblige à importer beaucoup sans contrepartie exportatrice suffisante, et le déficit de sa balance des comptes. Pour retrouver un équilibre commercial suffisant, les crédits américains ne suffisent pas. Il y faut un effort national de rigueur et de discipline que ne pouvaient entreprendre des gouvernements renversés tous les six mois. Restent l'Algérie, le Sahara, l'Afrique tout entière, où l'Europe trouvera demain sa chance insigne : !'Eurafrique est suspendue à la capacité de la France de résoudre le problème algérien et de constituer une Communauté franco-africaine solide et durable. Là encore, un minimum de stabilité française est nécessaire. Objectivement, la construction européenne se trouve sur une meilleure voie à l'automne de 1958 qu'elle ne l'était au printemps. Perspectives politiques Dix ans après La Haye, les mêmes courants qu'en 1948 subsistent en ce qui concerne les institutions politiques qui doivent coiffer les Communautés européennes. Il y a d'abord !'unionisme, qui ne s'appelle plus ainsi. Au vrai, il est sans nom, et d'ailleurs sans voix. C'est un silence : organisons Marché commun et Euratom et ne nous posons pas de questions ... On peut l'accepter comme préface, mais non comme conclusion. Il convient d'abord de lutter contre le scepticisme et la lassitude, veiller à l'application intégrale des traités, la rendre possible grâce à une politique d'adaptation et de préparation. Ici s'affrontent fusionnistes et fédéralistes. Les premiers se nomment aujourd'hui « constitutionnalistes ». Ils tiennent pour rien les trois communautés existantes, dénoncent le rideau de fumée des États, se prétendent les interprètes d'un « Peuple européen » résolu à faire son unité contre les gouvernements en la leur imposant au besoin par la force. Ils invitent les États - dont ils stigmatisent l'<<illégitimité» -à convoquer euxmêmes une Constituante européenne qui les déposséderait sans appel, etc. Ce sont là outrances d'activistes. Quant aux « fédéralistes », ils estiment qu'il faut d'abord mettre de l'ordre dans une structure trop compliquée et préparer le «toit» politique qw achèvera la construction commencée. La seule méthode efficace consisterait à partir des éléments dont on dispose : les États nationaux et les institutions européennes actuelles. Ainsi l'Europe pourrait se doter d'un Pact, fédéral conclu entre •

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