Le Contrat Social - anno II - n. 6 - novembre 1958

M. RICHARD aura été un irremplaçable banc d'essai pour le ~arché Comm~ ~énéralisé qui doit entrer en vigueur le 1er Janvier prochain. La querelle de la C.E.D. EN~ TEMPS, écl~és .par le blocus soviétique de Berlin, les Occidentaux avaient conclu en 1949 le_Pa~teatlantiqu~ ~t mis sur pied l'O.T.A.N. (Orgamsatton du Traite de l'Atlantique Nord). Le 25 juin 1950, éclata comme un coup de tonnei:re la guerre de Corée, chaude et non plus froide. Le monde libre comprit la nécessité de réarmer. L'Allemagne revint au premier plan de _l'actualité. Le Pentagone fit remarquer à la Maison Blanc~e qu'il était absurde de se priver de soldats qw, entre 1939 et 1945, avaient fait leurs preuves : il fallait réarmer ces Allemands qu'on avait à Nuremberg déclarés indignes de porter les armes. Émoi en Europe, et surtout en France : une armée allemande ? C'est ainsi qu'à l'été de 1950 MM. Jules Moch et René Pleven lancèrent un peu au hasard l'idée d'une « arinée européenne» qui permettrait d'avoir des soldats allemands sans armée allemande. Il f~ut de_ longs ~ois pour persuader les. États-Um~ d~ bien-fonde de cette suggestion qw leur paraissait saugrenue ; ils finirent par se rendre, et ainsi débutèrent des discussions sans nombre, ainsi naquit entre les Six le traité 10 sur la Communaut~eurof éennedeDéfense (C.E.D.), Cependant, les Six, s apercevant qu'une armée sans État était un curieux phénomène, chargèrent une Commission, dite ad hoc, de l'Assemblée commune d'élaborer en hâte un projet de G_ommunautpéolitique européenne. Ce projet, fort bien venu grâce aux efforts conjugués du Belge Fernand Dehousse (actuellement président de l'A~se~blée commune des Six) et de l'Allemand Hemnch von Brentano (aujourd'hui ministre des Affair~s _étrangères ~~ Bonn), fut remis par la Comm1ssion au president du Conseil des mjnj~tres des Six - alors M. Bidault - en mars 1954. On sait comment les choses traînèrent en lon~eur, _po~~ des raiso~s assez ~esquines de polittque mteneure française; comment l'affaire- , . 1 s enven1ma ; comment, e 30 août 1954, l'Assemblée nationale repoussa le traité que la France avait proposé à ses partenajres. Tout semblait aller à vau-l'eau. Ici, il faut remarquer combien la constance européenne de la France entre 1948 et 1953 est &nonante. Que notre pays ait pendant cinq ans pris la tête de la construction européenne est un phénomène dont on n'a pas souligné l'étran10. Trait~ fort lourd et compliqu~, les n~gociateurs &aoçai, ayant essay~ simultan~ment de le rendre lib~ral pour leur paya et contraignant pour les Allemands (ce qui donnait l'occasion aux adversaires de souligner combien il mit lib~ral à l'~gard de l'Allemagne., et contra(gnaot envers la Fraoce ....) Biblioteca Gino Bianco 333 geté. La France en effet s'est faite contre l'Europe (en l'espèce le Saint Empire). Le roi de France se disait « empereur en son royaume ». La tradition française, monarchique et républicaine, est nationaliste ; d'un nationalisme conquérant jusqu'aux « frontières naturelles », défensif ensuite. Une seule exception - Napoléon - aberrante, et vite ramenée à l'alignement. Utilisée par les communistes, déformée par les nationalistes, mal comprise (parce que peu claire et trop longtemps différée) par ce «marais» qui fait et défait les majorités parlementaires, l'affaire de la C.E.D. n'est pas un simple accident. Elle ré~èle que la France n'est pas encore assez convamcue dans ses profondeurs de la nécessité de l'Europe ; que les passions chauvines y sont latentes et qu'un rien suffit à les actualiser ; qu'en conséquence il faut se garder de les provoquer. Le biais militaire était mauvais pour un peuple aussi cocardier que le nôtre - hélas ! car mettre la défense en commun, c'était obligatoirement fonder l'Europe politique. Les temps n'étaient A pas murs. Un ersatz insignifiant fut trouvé après les accords de Londres et de Paris : au début de 1955, une section européenne de l'O.T.A.N. voy~it le jo~r ; elle s!ège depuis lors au palais de Chaillot : c est l'Umon de l'Europe Occidentale (U.E.O.) qui comprend les Six, plus la GrandeBretagne. Elle ne dispose pratiquement d'aucun pouvoir et n'est qu'un organisme de papier. Le pire avait été évité, mais nos partenaires continentaux étaient découragés. Quant à la Sarre, l'échec de la C.E.D. interdisait qu'elle devînt ce territoire européen, ce district fédéral à quoi sa situation géographique, historique et psychologique la destinait tout naturellement. Le second plébiscite la voyait faire retour à l'Allema~e - que le sursaut de chauvinisme français dotait paradoxalement d'une armée autonome. La<< relance>> de Messine La France se ressaisit : par un choc en retour moins paradoxal qu'il ne paraît, son refus de la C.E.D. dans des circonstances fâcheuses l'avait en partie guérie de son accès cocardier. Elle est devenue plus européenne depuis le 30 août. 1954. M. Antoine Pin~y et ses collègues des Affaires étrangères des Six se retrouvaient à Messine dès juin 1955 pour envisager comment reprendre la construction interrompue. Et ce fut la.« relance européenne », la décision de créer, sur le modèle de la C.E.C.A., deux nouvelles comm1mautés : l'économique, l'atomique. Pendant des mois, les experts travaillèrent au Comité intergouvernemental de Bruxelles. Le ~5 1:11ars1957, étaient signés à Rome les traités · mstttuant le Marché Commun (ou Communauté économiqueeuropéenne) et !'Euratom (ou Communauté atomique européenne). Signatures jumelées, •

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