Y. L2VY blème politique, donc un problème insoluble tant que règne le chaos. C'est alors qu'intervient le Réformateur. PuISQU'ENEFFETle chaos s'accroît, il vient un moment où les forces se neutralisent les unes les autres, et où gouverner devient à peu près imJ?OSsible. A ce moment-là, quand ses forces serment de médiocre importance, il est possible à un homme d'un peu d'habileté, s'il est servi par des circonstances favorables, de se hisser au. pouvo~ ?u de s'en emparer. Que cet homme, ~~ ~u, n_rut ,pas pour lui les apparences de la legit1m1te, il n ~- porte. Ce qui ~o~pte, c:e~t simp,le~~nt, ,ce? : les dirigeants politiques qw 1ont precede n etatent pas en mesure de s'élever au-dessus du chaos des forces en concurrence. Lui prend la barre moins pour résoudre des problèmes que pour remettre en forme les structures politiques de l'État. Aussi peut-on lui donner le nom de Réformateur~ Le Réformateur s'appelle Solon ou Lycurgue, César O}l ~onaparte, ~u.bien LouisNapoléon, Hitler, Len1_ne,Mu_ssolini. Ou Sylla. Ou encore César Borgia, car il y a des Re~ormatcurs qui échouent. Machiavel l'appelle simplement le Prince. 13 On voit que le Réform~tc1;11"peut être_ un ambitieux ou un homme an1me par le souci du bien public. Et que dans cc_~ernier cas, il l?el!-t avoir du bien public, les 1dees les plus diff ercnte~. Parmi ces hommes la plupart furent l'objet des plus grands éloges et des critiques les plus virulentes. De sorte qu'il n:est pa~ aisé de ~es juger et qu'il est à peu près unposs1ble, du pomt de vue de la science politique, ~e les sépa~er par des cloisons étanches. Soc1olog1quement, ils ont en commun d'avoir substitué, à un régime où le gouvernement n'était que la ré~ul~ante du jeu confus des intérêts et des passions, un État solidement constitué et où une pensée directrice pût se manifester et orienter la vie collective. Nous n'analyserons pas ici les conditions historiques qui permettent au Réformate~r . de se manifester, ni nous ne marquerons les limites historiques de son action .. Car le ~éf o~ateur ne peut tout faire : « Établir une r~p~bl1que .dans un pays propre à faire un royaume, eçnt Machiavel, et là où convient la république, faire un r?yau~e, voilà qui exige une tête et une autorité bien rares. Beaucoup l'ont voulu faire et b,ien peu_y sont parvenus. Car la grandeur de 1entreprise effraye les hommes, et aussi leur crée. de telles difficultés, qu'ils échouent dès les premiers pas. » Nous noterons seulement que la fonction du Réformateur est très précisément de faire une réJ?Ublique ou un royaume, et que toute ~olutlo!} intermédiaire, entretenant le chaos, lw feratt ipsofacto manquer son rôle historique de Réfor13. Le livre de cc nom est caaendellcment u!1 man~cl ,du RHormateur. On aurait moins frmu en le litant 11 1on avait pria aarde à cela. Biblioteca Gino Bianco • 259 mateur. Ce n'est pas ici le lieu d'évoquer les institutions créées par les Réformateurs_ 9u passé, et d'en dire le fort et _le f~ble. On .dira seulement que faire une republique ou un royaume, cela signifie mettre à 13: tête _du p~ys soit à titre perpétuel et sans controle, soit à_t1n:e temporaire et avec contrôle, un ho~~e ...qw so~t en état de dominer le chaos des interets particuliers et des passions, et de s'inspirer d'une conception réfléchie et cohérente de l'intérêt général. * ,,.,,. SI MAINTENANnTous tentons d'appliquer à la situation actuelle les considérations qui précèdent, nous constaterons d'abord qu'une monarchie véritable-:- à la manière de celles qui s'étab~rent naguère en Allemagne et en Italie, ~t dominent encore la Russie, l'Espagne et divers au~res pays - ne pourrait se réaliser prochainement que sous la forme militaire, n'y ayant actuelleme~t pas d'autre force que l'armée 91;ll pût ~o~terur un monarque. Une telle éventualite reste d ailleurs fort douteuse, faute d'un candidat sérieux au pouvoir absolu. C'est d'ailleurs une bien gran~e entreprise, comme dit Machiavel, 9-ue ~e vol!-1oir fonder un royaume dans un pays a qw la republique paraît mieux convenir. Aurons-nous donc une république bien ordonnée ? Cela n'est rien moins que certain. Une , . , république bien ordonnee? .ce seratt une. republique où l'expr~ssi?n politique de_la nat1on ne serait plus constituee par des partis .en nombre infini représentant chacun les p~ssions ~t les intérêts d'une fraction de la nat1on, mais par deux partis dont l'un agirait de façon cohérente tandis que l'autre veillerait à ce que fussent respectés les principes fondamentaux de . la démocratie et les intérêts nationaux. L'actton efficace se substituerait aux idées. 11 n'est pas impossible que nos Réformateurs envi~ag~nt une série d'étapes conduisant à une organisation de ce genre, mais rien, jusqu'à présent, ne permet de le penser. . . , . Or si nous n'avons ru une monarchie veritable ni une république bien ordonnée, nous retro~- verons le chaos. Et comme un changement, dit Machiavel, laisse toujours les pierres d'attente pour un nouveau changement, _c~ttetentative_ de rénovation sera sans doute su1v1e de tentat1ves nouvelles, qui ne cesseront que le jour où une vraie monarchie ou une vraie république aura triomphé du chaos. A l'un des frontons d'Olympie, parmi la violence des Centaures - ces hommes encore prisonniers de la bête, c'est-à-dire des pas~ions - se dresse mystérieusement" Apollon, qw étend le bras, et là où bouillonnait la confusion, il fait régner l'ordre.,Ainsi le Réformateur, par d'heureuses structures politiques, peut assurer durablement la maîtrise de l'esprit sur la mêlée des intérêts. Mais Apollon était un dieu. · YVES Ltvv
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