Le Contrat Social - anno II - n. 5 - settembre 1958

GŒTHE princes, d'où dépend le salut de la France, dans une voiture bien fermée. Nous n'avions rien à lui répondre, car quelle consolation aurait-il pu trouver dans cette vérité, que la guerre en sa qualité d'avant-coureur de la mort, établit le règne de l'égalité, puisqu'elle frappe le grand aussi impitoyablement que · le petit ? Le 12 septembre. Honteux de me trouver dans une voiture couverte, tandis que des souverains bravaient le mauvais temps, je confiai ma chaise au camérien Wagner, qui devait nous suivre avec les équipages; et lorsque nous nous remîmes en route le lendemain matin, je m'élançai sur un bon cheval de selle. Beaucoup de mes amis imitèrent mon exemple, et nous partîmes tous ensemble pour Landres, village où on allait transporter le camp. Chemin faisant, notre régiment avait fait halte dans un petit bois nouvellement abattu, et allumé un grand feu, autant pour se chauffer que pour faire la cuisine. Lorsque nous le rejoignîmes, le dîner était prêt et les tables dressées. Mais les chariots qui menaient les bancs n'arrivaient point et l'on fut forcé de manger debout, ce qui nuisit beaucoup au beau coup d'œil de cet immense repas en commun. Le soir nous arrivâmes sans encombre au camp, presque en face de Grandpré. Nous savions tous que ce point était parfaitement bien gardé par les Français, et la pluie qui ne cessait de tomber, rendait notre position aussi désagréable qu'elle était dangereuse. Heureux celui qui, dans des circonstances f âcheuses, se sent le cœur plein d'une passion élevée ! Le phénomène de la source, que j'avais observé pendant le siège de Verdun, me préoccupait sans cesse, et je dictais mes réflexions sur ce sujet, au bon Vogel, qui voulut bien me servir de secrétaire. Je possède encore aujourd'hui ces feuillets empreints de pluie et de boue ; je les ai conservés comme un témoignage de mes efforts constants pour arriver à la vérité. Pendant la n·uit, le temps était devenu si affreux, que nos soldats avaient été chercher un abri sous les chariots du régiment. Pour augmenter l'horreur de cet état, nous étions si près de l'ennemi, que nous pouvions craindre à chaque instant, de le voir sortir de ses retranchements pour venir nous attaquer. Du 15 au 17 septembre. L E CAMÉRIEN Wagner vint nous trouver dès le lendemain matin ; lui aussi avait passé une nuit cruelle, car des valets ivres de vin et de sommeil l'avaient égaré, et de fausses alarmes étaient venues l'effrayer à chaque instant. Dans le courant de la journée, nous vîmes luire un rayon d'espérance ; une forte canonnade se Biblioteca Gino Bianco 293 fit entendre du côté de notre aile droite, et l'on prétendit que le général Clairfait, revenu des Pays-Bas, attaquait le flanc gauche de l'armée française. Impatient de connaître la vérité, je me rendis au quartier général, mais on n'y savait encore rien de positif. Le major de Weyhrach venait de monter à cheval pour visiter les avant-postes, je le suivis. Arrivés sur une hauteur, nous trouvâmes un détachement de hussards, commandé par un jeune officier, qui avait reçu l'ordre de s'arrêter sur ce point, afin de ne pas occasionner une attaque inutile. Pendant que nous écoutions la canonnade qui paraissait venir de plus loin que Grandpré, le prince de· Prusse arriva avec sa suite et ordonna à l'officier de l'accompagner avec ses hussards. Le jeune homme le supplia en vain de ne pas le forcer de manquer à sa consigne ; le prince s'avança rapidement et nous fûmes tous forcés de le suivre. A peine avions-nous fait quelques centaines de pas, qu'un chasseur à cheval français, sortit de la forêt, s'avança vers nous au galop jusqu'à une portée de fusil et retourna d'où il était venu. Un second, un troisième, un quatrième firent la même manœuvre, mais en tirant sur nous ; le prince n'en continua pas moins sa route et les chasseurs leur petite guerre. L'officier de hussards, partagé entre son devoir et le respect ·dû à un prince royal, me dit à voix basse : - Si vous avez quelque influence sur Son Altesse, décidez-la à revenir ; si nous continuons à nous avancer ainsi l'alarme se répandra dans les avant-postes, l'on s'en prendra à moi, et je serai perdu sans avoir été coupable. La situation critique de ce jeune homme me parut si intéressante que je m'approchai aussitôt du prince pour la lui exposer; j'eus le bonheur de le persuader ; nous tournâmes bride et les chasseurs français cessèrent de nous inquiéter. Le lendemain seulement, nous commençâmes à connaître le véritable état des choses, car nous apprîmes que, grâce à sa position favorable près de Grandpré, l'aile droite de Dumouriez était inattaquable, et que sa gauche était défendue par deux défilés, celui de la Croix-aux-Bois et celui du Chêne-le-Populeux ; l'un et l'autre étaient regardés comme imprenables. Mais la défense de ces deux défilés avait été confiée à un jeune officier trop inexpérimenté pour une pareille tâche. Les Autrichiens vinrent fondre sur lui ; la première attaque coûta la vie au prince de Ligne, fils, à la seconde le poste fut pris ; et Dumouriez, voyant son plan de campagne détruit, abandonna sa position et remonta l'Aisne. Cette opération permit à des hussards prussiens de franchir les défilés, de poursuivre les Français jusqu'au delà de la forêt d'Orgonne et de répandre la terreur dans leur camp. •

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