Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

E. BERL d'ordre. La question de savoir quelle classe dominera dans une société ne se pose que dans la mesure où cette société subsiste. Elle n'a pas, elle ne peut avoir la certitude de subsister quoi qu'il advienne. Je ne suis pas sûr que Marx ait regardé comme une révolution prolétarienne l'insurrection kharedjite du Maghreb médiéval, qui coupa les arbres, brû1a les villes, les récoltes et substitua des déserts stériles à des cultures riches. En tout cas, l'immense majorité des Français, pauvres ou riches, progressistes ou réactionnaires, voulait, en 1794, un minimum de sécurité et de stabilité. Il fallait mettre fin aux massacres, sinon à la Terreur. Chacun le sentait, Hébert tout comme Danton, Carnot tout comme Robespierre. La question était seulement de savoir quelle fin on ferait, et qui ferait cette fin. Les grands hommes de la Révolution avaient tous leur plan, sans doute ; ils se sont, naturellement, tous gardé de le dire. On peut supposer que Marat envisageait plutôt une dictature militaire, Danton un orléanisme, Robespierre une Restauration avec une Charte, on n'en sait rien. Le rétablissement de l'ordre, à l'intérieur, impliquait une solution, quelle qu'elle fût, de la question religieuse. La « déchristianisation » avait été très loin. Metternich, dans ses Mémoires, dit que les soldats français ne savaient même plus ce que signifiait Noël. On pouvait vouloir une France athée, comme avaient souhaité d'Holbach et Diderot, on pouvait vouloir une France théiste et anticléricale, comme avait souhaité Voltaire, on pouvait vouloir un accommodement de la Révolution et du christianisme. Les « déchristianisateurs » tels qu'avait été Chaumette, qu'étaient Fouché et les principaux membres du Comité de Sûreté Générale, optaient pour l'athéisme. Ils rassuraient d'autant mieux les acquéreurs de biens ecclésiastiques et n'avaient d'ailleurs qu'à maintenir le statu quo. Robespierre, lui, était très hostile à l'athéisme, par amour de l'ordre, sans doute, par fidélité à Rousseau, probablement. On peut supposer aussi que, ayant plus que personne le sens intuitif de l'opinion française, et mieux informé que tout autre de ses fluctuations, il sentait tout ce qu'avait de précaire, malgré les apparences, la « déchristianisation » dans un peuple aussi profondément chrétien. Il institua, célébra le « culte de l'~tre Suprême » et voulut que les excès du fanatisme athée Biblioteca Gino Bianco • 207 fussent punis au même titre que ceux du fanatisme confessionnel. Le Comité de Sûreté Générale répliqua en sortant et en « faisant mousser » d'abord l'affaire de Sainte-Amaranthe qui salissait Robespierre le Jeune - celui-ci ..a.vait hanté le tripot tenu au Palais-Royal par Mme de Sainte-Amaranthe - ensuite, ce qui était plus grave, l'affaire Catherine Théot : une sorte de prophétesse qui expliquait à ses ouailles que Robespierre était le Messie. Il réagit avec vigueur, s'empara, tranquillement, du dossier Catherine Théot, opposa au Comité de Sûreté Générale le « Bureau de Police n qui dépendait, en droit, du Comité de Salut Public, en fait, de lui seul, car il l'avait confié à une de ses créatures: Hermann. 11 fit entendre à ses collègues du Comité de Salut Public qu'il comptait sur eux pour l'aider à supprimer ou épurer le Comité de Sûreté Générale. Il rencontra auprès d'eux - et d'abord, auprès de Carnot - un accueil réticent. Non seulement ils craignaient sa « dictature », non seulement ils craignaient que le culte de l'Être Suprême aboutît à une remise en cause des achats de biens nationaux, mais· - ce qui était encore plus grave - ils n'étaient pas d'accord avec Robespierre sur les buts et la conduite de la guerre. * lf. lf. LA FRANCE ayant à combattre l'Angleterre, l'Autriche et la Prusse, il va de soi que ses dirigeants songeaient à traiter, ou bien avec les Allemands, ou bien avec les Anglais, ou bien avec tous ses ennemis à la fois. Certains étaient avant tout austrophobes, par haine traditionnelle contre la « Maison d'Autriche », contre Marie-Antoinette, contre les Jésuites qui avaient toujours eu beaucoup d'influence à Vienne. D'autres étaient avant tout anglophobes, voyant surtout la concurrence anglaise et les obstacles mis par l'Angleterre à l'expansion économique, commerciale, coloniale de la France. Saint-Just regardait sans doute l'Autriche comme l'ennemi n° 1. 11 rêvait d'une France agricole, bucolique, rousseauiste, vertueuse, plutôt que d'une France industrielle, avec de grandes villes et de grandes fabriques. 11 était d'ailleurs représentant du peuple auprès de l'armée de Sambre-et-Meuse qui combattait les Autrichiens et ménageait l'Allemagne. Carnot était sans doute plus ennemi de l'Angleterre, parce qu'il voyait d'abord l'in-

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