Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

206 fallu de peu qu'ils réussissent. Mais enfin, ils ne réussirent pas. La majorité du Politburo resta en place, groupée autour de M. Khrouchtchev. M. Malenkov et ses associés en furent exclus. Mais sa chute n'est pas l'effet d'une opération politique montée contre lui, elle résulte plutôt de l'opération qu'il avait tentée lui-même, et qu'il ne put mener à. bien. De même pour Robespierre. On a pu chercher à le combattre, à le discréditer, on n'a pas pu « conspirer >> contre son gouvernement, comme Cinq-Mars contre celui de Richelieu, ou le général Mallet contre celui de Napoléon, puisqu'il n'existait pas de gouvernement Robespierre. Le gouvernement de la France, c'était le grand Comité de Salut Public. Robespierre en faisait partie, avec Couthon et Saint-Just. Il n'y détenait pas la majorité. Son influence et sa renommée dépassaient de loin celles de ses collègues. Ses pouvoirs n'étaient pas plus grands que les leurs. Carnot était le « grand spécialiste » de la guerre, Jean Bon de la marine, Barère des affaires étrangères, Lindet du ravitaillement. Cambon, quoiqu'il ne siégeât pas au Comité de Salut Public, restait le grand ministre des finances de la Convention. L'intérieur et la police dépendaient du Comité de Sûreté Générale qui était hostile à Robespierre, bien avant la crise thermidorienne. Son autorité sur la Chambre, sur le Club ·des Jacobins, sur la Commune de Paris - qu'il avait peuplée de ses créatures, après la liquidation des hébertistes - le rôle considérable qu'il avait joué dans cette liquidation, puis dans celle des dantonistes, semblaient faire de lui le maître, et ainsi, le grand responsable de la politique révolutionnaire, alors qu'en fait, il ne détenait pas les principaux leviers de commande de l'Ëtat. Cette situation était évidemment instable. Elle tendit à devenir intenable,- après la mort de Danton. Robespierre, ·en effet, avait beaucoup d'adversaires au gouvernement et à l'Assemblée, il n'avait plus de rival. Ses collègues du Comité pouvaient le craindre, lui, ils n'avaient plus à craindre aucun interpellateur. La liquidation des factieux avait déconcerté le public.· Personne, sauf Robespierre, n'inspirait plus· ·confiance; depuis qu'on avait vu condamner, comme contre-révolutionnaires, des hommes qu'on regardait comme les meilleurs fils et les agents les plus actifs de la Révolution. La vague de défiance n'épargnait pas Robespierre lui-inême. La cc Grande Terreur », d'autre Biblioteca Gino Bianco BICENTENAIRE DE ROBESPIERRE part, ne garantissait que trop au gouvernement la docilité des députés. Robespierre, en somme, restait le seul orateur efficace, mais en une conjoncture où l'on n'avait plus grand besoin de bons discours. L'instabilité structurelle du gouvernement devint d'autant plus intolérable que la situation politique s'avérait elle-même plus instable. On avait guillotiné les « Indulgents », mais il était trop clair que la « Grande Terreur » ne pourrait pas se prolonger. Le sang, chaque jour répandu, donnait des nausées à Paris. Chaque quartier, tour à tour, demandait qu'on ✓éloignât de lui la guillotine. Le supplice de Jacques Roux, puis celui d'Hébert, de Chaumette, de milliers d'adeptes qu'ils avaient ? dans toute la France, montrait assez que le gouvernement ne voulait plus, ou ne pouvait plus, tolérer la poussée anarchique à laquelle Robespierre s'était opposé, dès la fin de 1793. • ON PEUT DIRE, et on a dit, que « la Bourgeoisie révolutionnaire », effrayée, avait fait, et entendait faire, avorter l'embryon de « révolution prolétarienne » que semblaient ébaucher les amis de Jacques Roux, les soldats de Vincent, de !'Évêché, de Rossignol. Ici, comme partout, comme toujours~ l'analyse marxiste est nécessaire et il faut rendre grâce · à ceux qui l'ont faite. Mais ceux- . mêmes qui examinent la révolution de 89 à travers la révolution d'Octobre sont obligés de rec~nnaître qu'une révolution prolétarienne était objectivement impossible. En 94, elle n'avait pas de cadres, elle énonçait des aspirations plutôt que des programmes. De sorte qu'il reste difficile pour nous, et qu'il était impossible aux responsables de l'époque, de distinguer la poussée vraiment prolétarienne et le glissement naturel d'une société en désordre vers le pillage et vers l'anarchie. L' cc armée révolutionnaire » prétendait rester distincte de l'armée tout court. Le général Rossignol déclarait qu'il entendait faire avancer des « bons révolutionnaires », fussent-ils incapables, plutôt que des officiers cc carriéristes », fussent-ils excellents. On comprend qu'il ait inquiété par là, en Carnot, le grand commis de la grande bourgeoisie triomphante. On comprend aussi qu'il ait exaspéré par là le principal responsable de la· défense nationale. Nous savons trop· que les pouvoirs, qu'ils soient bourgeois ou prolétariens, sont bien obligés de rétablir et de maintenir un minin,11m

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