Le Contrat Social - anno I - n. 5 - novembre 1957

LA HONGRIE UN AN APRÈS par Paul Landy I APRÈS LES ÉVÉNEMENTS dramatiques qui l'avaient soudainement mise en vedette dans tous les journaux du monde, la Hongrie a déjà sombré de nouveau dans une obscurité relative. Cependant, ce qui a transpiré jusqu'ici de sa lutte post-révolutionnaire, bien que peu remarqué par la généralité du public, n'a pas été moins vital, ni moins révélateur au point de vue social, que la révolution d'octobre elle-même. La plus profonde signification de cette explosion générale était d'illustrer, au point le plus extrême actuellement atteint, le procès de désintégration qui se poursuit dans l'Empire soviétique esteuropéen. La Hongrie d'après la Révolution tire une importance non moins essentielle du fait qu'elle est devenue un terrain d'épreuve décisif, pour déterminer si le procès de désintégration peut ou non être effectivement arrêté par la remise en vigueur des mesures de répression du type néo-staliniste. Si étonnant que cela puisse paraître aujourd'hui rétrospectivement, peu de gens, au lendemain des événements d'octobre 1956, prévoyaient que le gouvernement Kadar essaierait sérieusement de faire rétrograder la pendule de l'histoire. Le régime lui-même, dans un effort désespéré pour retrouver l'appui des populations pendant la période initiale de chaos et de confusion, n'avait-il pas fait état de promesses mirifiques? N'avait-il pas fait miroiter l'espoir d'une consolidation par ses soins de quelques-unes des conquêtes essentielles durement acquises dans la lutte? Mais bientôt il devint évident que les promesses à elles seules ne suffiraient point pour rallier les travailleurs, les intellectuels et la jeunesse autour d'un gouvernement qui ne leur inspirait par ses agissements qu'une juste méfiance. Et devant ce raidissement des Hongrois, l'agent du Kremlin à Budapest changea complè- • Biblioteca Gino Bianco • tement de méthode à leur égard. Les engagements contractés à l'origine furent traités comme des chiffons de papier ; la répression policière se déchaîna ; le « gouvernement de la pensée » fut rétabli pour étouffer systématiquement la fermentation révolutionnaire ; la nécessité fut à nouveau proclamée, d'un parti monolithique et de son autorité exclusive sur le pays, l'économie et l'opinion. La Hongrie sous Kadar présente ainsi le spectacle étrangement incongru d'un pays où une classe dirigeante minuscule, presque entièrement séparée de la masse de la population, s'efforce de reconstruire, sans aucune modification essentielle, le système même qui fut répudié et renversé par l'insurrection populaire. Ce phénomène, non seulement contraste d'une façon tranchante avec la situation de la Pologne depuis sa propre « révolution d'Octobre », mais semble s'écarter de la direction générale suivie par la politique soviétique. C'est ainsi que les mesures récentes de décentralisation économique adoptées par le Kremlin n'ont trouvé aucun écho en Hongrie. Toutes les attitudes du go:ivernement Kadar depuis qu'il a pris le pouvoir à l'ombre des canons soviétiques, impliquent un usage calculé des vieilles tactiques dites de la carotte et du fouet. Les promesses prodiguées par le régime à ses débuts avaient très nettement pour but de calmer l'oppositon révolutionnaire encore pleine d'énergie, afin de gagner le temps nécessaire pour réorganiser le Parti et la police secrète. Dans le domaine de la politique intérieure et extérieure, aucun de ces engagements n'a été tenu. Le gouvernement Kadar, dans une déclaration politique radiodiffusée lors de son avènement le 4 novembre 1956, annonçait que ses premiers objectifs étaient (< d'assurer l'indépendance et la souveraineté du pays » ; Kadar en personne déclarait le même jour devant le micro qu'après le rétablissement de l'ordre, la question du stationnement des •

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