Le Contrat Social - anno I - n. 5 - novembre 1957

M. GORKI propre force a pris dans ses mains le pouvoir. Celui-ci est tombé dans ses mains parce que le soutien du Tsar, le soldat, épuisé par une guerre de trois ans, a refusé de défendre les intérêts de Romanov qu'il avait si chaleureusement défendus en 1905 en écrasant le prolétariat révolutionnaire. 11 ne faut pas oublier que la révolution a été commencée par les soldats de la garnison de Pétrograd, et que lorsque ces soldats, dépouillant leurs uniformes, se seront dispersés dans leurs villages, le prolétariat restera dans un isolement peu favorable pour lui. Il serait naïf et ridicule d'exiger que ce soldat, redevenu paysan, accepte comme une religion l'idéalisme du prolétaire et qu'il introduise dans sa vie paysanne le socialisme prolétarien. Le paysan durant la guerre et le soldat pendant la révolution ont fait leurs profits, et ils savent fort bien tous les deux que ce qui en Russie assure le mieux la liberté de l'homme, c'est l'argent. Essayez donc de ruiner en lui cette conviction ou seulement de l'ébranler. Il faut se souvenir qu'en 1905 le prolétariat était plus fort, sous le double rapport de la quantité et de la qualité, que maintenant, et qu'alors l'industrie n'était pas ruinée à fond. La révolution née de la guerre s'avère impuissante si, au lieu de consacrer toute son énergie à la création sociale, le prolétariat obéissant aveuglément à ses chefs se met à détruire de fond en comble toutes les organisations techniques • BibliotecaGinoBianco 309 «bourgeoises», au lieu de s'emparer du mécanisme et d'en contrôler le travail. La révolution périra d'épuisement si le prolétariat, soumis à l'intransigeance fanatique des commissaires du peuple, se met à élargir de plus en plus le fossé entre lui et la démocratie. L'idéologie du prolétariat n'est pas l'idéologie d'un égoïsme de classe; ses meilleurs maîtres, Marx, Kautsky et d'autres, confient à sa noble puissance le devoir de libérer tous les hommes de la servitude économique et sociale. La vie du monde dirigée par l'idéalisme social - c'est le grand rêve de la fraternité universelle; est~ce que le prolétariat croit qu'il réalisera ce rêve en exerçant la violence contre ses ennemis idéologiques ? La lutte sociale n'est pas ce pugilat sanglant que ses chefs apeurés enseignent à l'ouvrier russe. La révolution est une œuvre magnifique et noble, une œuvre indispensable à notre renaissance; ce ne sont pas ces bouleversements insensés qui détruisent les richesses du pays. La révolution . . , . . ' sera 1mpwssante et per1ra s1 nous n y apportons pas tout ce que nous avons de meilleur dans notre cœur, et si nous n'extirpons pas de nous cette cruauté, cette rage qui enivre les masses et corrompt les ouvriers révolutionnaires russes. Novaïa Jizn, 26 janvier 1918. MAXIME GORKI •

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==