. .. 308 à tout et qui n'est jamais que le spectateur de la tragédie de la vie s'écriait : · · - · Ils en font une belle moisson ! Puis il se disait : - Comme ça, ils auront bientôt fait de se supprimer les uns les autres ! Oui, bientôt. Le bruit court parmi les ouvriers que la garde rouge de l'usine Erikson a tiré sur les ouvriers de Liesnoï, et que les ouvriers d'Erikson ont été attaqués par la garde rouge d'une autre fabrique. Il y a beaucoup de pareils bruits. Peut-être PAGES OUBLŒBS sont-ils faux, mais ils agissent dans un sens très: déterminé sur la psychologie des masses ouvrières.· Et je demande aux commissaires « du peuple », parmi lesquels il doit y avoir des gens honnêtes et sensés : Comprennent-ils qu'en mettant la corde à leurs cous ils vont étrangler toute la démocratie russe et perdre toutes les conquêtes de la révolution? Comprennent-ils . cela? Ou pensent-ils ceci : A nous, le pouvoir ; sinon, que tout et tous périssent ! Novaïa Jizn, 22 janvier 1918. A UN INTELLECTUEL DU PEUPLE Vous FINISSEZ votre article dans la Pravda par ces mots : « On veut croire que Gorki s'est détourné de la révolution sociale que nous vivons uniquement parce qu'il n'a pas vu dans les premiers jours de troubles son véritable et beau visage, mais qu'il commence à le voir, et que bientôt il partagera avec tous les joies et les tristesses de notre révolution de novembre. » Non, cher camarade, je ne me réjouirai pas avec . . . , . . . vous, et Je ne crois pas que vous vous reJou1ss1ez vous-même. De quoi donc se réjouir ? De ce que les prolétaires russes, purement révolutionnaires, mais en quantité négligeable, s'exterminent les uns les autres dans la guerre civile? De ce que l'on commence à mitrailler ce prolétariat dans les rues de Pétrograd ? De ce que l'élite ouvrière, le sang de son sang, est terrorisée par les masses sombres et se noie en elles parce qu'elle n'a pas la force d'exercer sur elles son influence? De ce que l'industrie du pays - désorganisée de fond en comble - rend impossible la croissance ultérieure de la classe ouvrière? La révolution sociale sans prolétariat, c'est une absurdité, une utopie insensee, et dans quelque temps le prolétariat disparaîtra, exterminé par la guerre civile, corrompu par la populace dont vous parlez. Le prolétariat sans démocratie ne peut que rester en l'air, et c'est vous qui écartez la démocratie du prolétariat. Avec qui construirez-vous la révolution sociale ? Avec les paysans ? Avec les soldats ? Avec les baïonnettes et les balles? Comprenez-moi : actuellement, nous n'assistons pas au développement de la révolution sociale ; pour longtemps on est en train de détruire le terrain qui aurait pu rendre cette révolution possible dans l'avenir. Les leaders du prolétariat, comme je l'ai dit maintes fois, utilisent ce prolétariat comme un combustible avec lequel ils veulent allumer la révolution européenne. Avant que cet événement ne se produise, le peuple ouvrier de Russie sera écrasé par le soldat européen. Croyez-vous vraiment que l'Allemagne, l'Angleterre, la France, le Japon vous permettront à ,rous, impuissants, désarmés, d'attiser la flamme qui pourrait les dévorer? N'en croyez rien, camarade. Nous sommes seuls, et nous serons seuls tant que notre folie ne nous aura pas poussés à nous exterminer les uns les autres. Mais nos amis à l'étranger? · A l'étranger, ce sont ces soldats admirablement disciplinés et patriotes qui voient en nous, soit des traîtres, soit des êtres faibles et incapables d'organiser un État. . Non, il n'y a pas de quoi se réjouir, camarade, mais il est temps de se reprendre, s'il n'est pas déjà trop tard ! Novaïa Jizn, 24 janvier 1918. PENSÉES INACTUELLES LA GUERRE, incontestablement, a joué un ( ( rôle énorme dans le développement de notre révolution. Elle a désorganisé matériellement l'absolutisme ; elle a disloqué l'armée ; elle a donné de l'audace à la masse des habitants. Mais heureusement, elle n'a pas créé la révolution, et c'est un bonheur parce que la révolution née de la guerre est une révolution impuissante. Elle est le produit de circonstances extraordinaires, elle repose sur une force extérieure, et en définitive s'avère incapable de conserver les positions • conqwses. » Ces lignes sages et même prophétiques ont été BibliotecaGino-Bianco écrites en 1905 par Trotski ; je les ai tirées de son livre Notre Révolution, où elles figurent à la page 5. Depuis, beaucoup de temps s'est écoulé, et maintenant Trotski pense sans doute autrement. En tout cas, il ne se résoudra pas à dire que « la révolution née de la guerre est une révolution impuissante ». Et pourtant ces mots n'ont rien perdu de leur sens et de leur vérité : les événements qui se déroulent les confirment pleinement. · · La guerre de 1914-1917 a donné le pouvoir au prolétariat, je dis bien « a donné », car personne ne dira que c'est le prolétariat lui-même qui par sa
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