Quelques Livres Comment on devient communiste MARGARETE BUBER-NEUMANN : Von Potsdam nach Moskau. Deutsche Verlags-Anstalt, Stuttgart 1957. ' LA VEUVE de Heinz Neumann, chef communiste allemand autrefois très en vue, fut membre auxiliaire de l'appareil du Parti et du Komintern à l'époque de la République de Weimar. Elle a commencé, il y a huit ans, à raconter l'histoire fascinante et tragique de sa vie dans un volume intitulé Als Gefangene bei Stalin und Hitler, sur lequel il y a lieu de revenir en quelques mots. 1 Arrêtée en Union soviétique avec son mari pendant la grande épuration stalinienne de 1937-1938, l'auteur passe plusieurs années dans les prisons et les camps de travaux forcés russes tandis que Heinz est « liquidé ». Puis vient l'idylle HitlerStaline et, en même temps que beaucoup d'autres réfugiés communistes allemands en URSS, Margaret est llvrée par le NKVD à la Gestapo, qui, jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale, la retiendra prisonnière à Ravensbrück. Le premier livre de Mme Buber-Neumann, nourri de ces expériences cruelles, reste unique en son genre comme étude comparative des méthodes de tyrannie totalitaires, tant communistes que fascistes, dans le domaine de la répression politique. 2 Dans son nouvel ouvrage, Von Potsdam nach Moskau, Mme Buber-Neumann complète ses mémoires de prisonnière par un récit qui va qe sa naissance à son arrestation en 1938. Du point de vue historique, ce livre n'ajoute que peu de chose à ce que l'on connaissait déjà des buts et des méthodes de la politique communiste d'entre deux guerres ; il se trouve en outre gâté par un parti pris bien naturel mais apparemment abusif : celui de défendre contre tout reproche, d'où qu'il vienne, la mémoire de son époux. Au demeurant c'est un récit personnel très attachant : la confession d'un être qui s'est tourné vers le communisme par enthousiasme juvénile pour devenir à la fin l'une de ses innombrables victimes. 1. La _première 1>artie de cet ouvrage a été 1>ubliée en 1949 par. La Bacon1_1ière à Neuchâtel et les Éditions du Seuil à Paris, ous le uu·e Déportée en Sibérie (1 v. de 395 1>1>). 2. Le témoiinaie de l'auteur fut l'un des éléments décisifs du i>roc~s Kravchenko, qui s'est déroulé à Paris en 1949 . • Biblioteca Gino Bianco Au COURS des premières années du siècle, s'écoule l'enfance bourgeoise de l'auteur, à Potsdam, la capitale militaire de l'Allemagne impériale. Se révoltant contre la rigidité de son entourage prussien, la jeune Margarete se tourne pendant la guerre mondiale de 1914-1918 vers le ,,mouvement de jeunesse» qui cherche alors une issue aux dures réalités du temps dans une vie libérée des conventions et proche de la nature. Après la guerre, comme bien d'autres membres de la Jugendbewegung, elle« radicalise» ses positions, rompt avec sa famille, et, après avoir quelque peu vagabondé d'un groupe de jeunes à l'autre dans les milieux de gauche, elle adhère à la jeunesse communiste, puis au Parti. Les pages qui relatent cette émancipation (aller et retour) sont parmi les plus intéressantes du livre. Elles dépeignent l'atmospl1ère d'inquiétude spirituelle qui prévaut au début des années 1920 dans les milieux littéraires, artistiques et intellectuels d'extrême-gauche et elles dévoilent les motifs psychologiques de rébellion contre la famille, l'école et la société qui conduisent alors tant de jeunes Allemands et Allemandes, d'origine bourgeoise comme l'auteur, à se tourner vers le communisme et vers la révolution russe. Cette élite est tourmentée d'inspirations que ne peuvent satisfaire les disciplines d'un milieu ébranlé dans sa foi, non plus que les réalités assez moroses de la politique weimarienne. L'esprit de révolte pousse insensiblement la jeune fille vers le seul parti qui lui paraît alors authentiquement révolutionnaire - et qui est encore relativement indemme du mal bureaucratique dont il sera bientôt saisi. Pourtant, le ver est déjà dans le fruit lorsque, vers la fin des années 1920, la révoltée devient un simple rouage, d'ailleurs infime, dans l'immense mécanique du Parti. Rattachée à une cellule communiste dans un des plus grands magasins de Berlin, elle travaille en outre à l'Internationale Presse-Korrespondenz, organe officiel allemand du Komintern. Les bureaux del'« Inprekor ii se trouvent dans le fameux quartier général du parti communiste allemand, le Karl-Liebknecl1t Haus ; et c'est là que la camarade Margaret Buber se lie avec Heinz Neumann, fils d'un avocat berlinois tr s à son aise ; devenu communiste, le jeune et ambitieux Neumann a reçu à Moscou l'initiation voulue, et est devenu l'un des triumvirs qui dirigent le Parti allemand.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==