Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

LE FAUX « COMPLOT DES AMBASSADEURS» par E. Delimars L ES DIRECTIVESrécemment données par le P.C. de !'U.R.S.S. aux littérateurs soviétiques quant au choix de leurs « héros positifs » parmi les brillants tchékistes des premières années du régime ont été fidèlement suivies. Les œuvres à la louange des agents provocateurs et espions de la Tchéka de Dzerjinski et de ses successeurs sont en train de proliférer. Soudain tirés du secret absolu des archives de la police politique, ces « héros positifs » sont offerts à l'admiration du public. Rien n'est épargné pour les nimber de l'auréole des vertus communistes et patriotiques les plus pures : on s'emploie à mettre en vedette leur intelligence hors de pair, leur courage inébranlable, les plus hautes qualités morales, la maîtrise de soi et l'astuce quasi surhumaine qu'ils ont mis en œuvre pour se jouer de leurs adversaires... Cette nouvelle « commande sociale » passée aux plumitifs de service va-t-elle revaloriser les policiers et le personnel des services spéciaux aux yeux des lecteurs, lesquels conservent le souvenir vivace et souvent si cuisant des souffrances imposées au peuple russe par les successeurs de ces « purs héros », les léjov, Iagoda et autres Béria ? Ou bien cette tentative de réhabilitation des collabora- . teurs actuels de la Sécurité d'Etat est-elle vouée à l'échec, comme tant d'autres efforts du Parti pour modeler à sa guise la mentalité des Soviétiques ? Quoi qu'il en soit, ces apologies sont particulièrement utiles pour comprendre les méthodes en usage dans les services d'espionnage des pays communistes. L'ouverture de certains Biblioteca Gino Bianco dossiers permet d'élucider tels points restés obscurs dans l'histoire des premières années du pouvoir soviétique, ou encore de la deuxième guerre mondiale. C'est de cette façon que nous avons finalement appris la vérité sur le « Trust », sur l'activité réelle de Richard Sorge et la raison de l'échec, en 1944, de l'opération « Cyclon » montée par le général hitlérien Krebs 1 • Voici qu'u~e grave revue juridique 2 fait des révélations sur le prétendu complot ourdi en 1918 par les diplomates alliés accrédités à Moscou et connu sous le nom de « complot Lockhart » 3 ou « complot des ambassadeurs » 4 • Cette entreprise aurait visé à anéantir d'un seul coup le pouvoir instauré par Lénine en octobre 1917 et à le remplacer par un gouvernement fidèle aux Alliés. Les principaux acteurs avaient nom Lockhart, depuis janvier 1918 chef de la mission britannique auprès du gouvernement soviétique, Grenard, consul général de France à Moscou, De Witt Poole, consul général des Etats-Unis. Or nous apprenons aujourd'hui que ces diplomates distingués auraient été en l'occurrence manœuvrés par la Tchéka... * * * LE PERSONNAGECENTRALdu drame, Robert Hamilton Bruce Lockhart, né en 1887, servait 1. Cf. nos articles dans le Contrat ,ocial, vol. X, noe 2 et 3, et vol. XI, n° t. 2. L'Etat aoviétique et le droit, n° 3, mars 1967, pp. 97. 102. S. Grande Encyclo~die 1oviétique (titre abrlgl : G.E.S.), 2• éd., t. 25, p. 864. 4. G.E.S., tu éd., t. 37, col. 362.

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