Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

J. DE KADT de se prononcer sur l'action américaine au Vietnam par des élections libres dont l'enjeu était précisément cette action (à l'exception du Sud-Vietnam même, ov les élections ont été aussi libres que les circonstances le permettent) : il s'agit de l'Australie. Le gouvernement australien ayant envoyé des troupes au SudVietnam, toutes les considérations pacifistes et sentimentales jouaient donc en faveur d'un « retour de nos fils dans leurs foyers ». Or le ·parti travailliste, ayant fait de cette question l'enjeu principal des élections, subit une défaite qui, compte tenu de toutes les autres circonstances, ne peut être qualifiée que d'écrasante. Les milieux socialistes européens et ceux de }a « nouvelle gauche » en Amérique, qui ont certaines affinités avec les premiers, n'en ont tiré aucun enseignement. Au contraire, on continue à y afficher, pour ce qui est du Vietnam, ,. ' . , '. un extrem1sme a courte vue qui n engage a rien, qui est lié à l'antiaméricanisme et à des sentiments de sympathie pour tous ceux qui attaquent l'Am.érique, surtout lorsque cela s'accompagne· de slogans socialistes ou communistes. ·Mais c'est là un sujet qu'on ne peut ici que noter en passant. Bien plus importante est évidemment la théorie selon laquelle une coopération avec la Russie soviétique serait actuellement du domaine des possibili ié~, si seulement les Américains étaient as~ez compréhensifs pour se retirer du Vieth~m. · · Selon ladite théorie, « le monde communiste, et spécialement le monde rallié au camp de l'U.R.S.S., s'est mis en branle. Parti de la guerre froide, il va vers une coopération avec l'Amérique .dans de nombreux domaines. La guerre froide appartient au passé .i seuls un certain nombre de militaires bornés, de réactionnaires primaires ~t d'anticommunistes figés se refusent à l'admettre. Mais le gouvernement américain lui-même s'efforce de nouer de meilleures relations -avec la Russie, d'accentuer la détente générale, de mettre au point des traités interdisant les essais d'armes nucléaires, de prévenir l'extension de cet armement, d'étendre les relations commerciales et culturelles, de réduire ses troupes en Europe, et de faire disparaître progressivement l'O.T.A.N., devenu superflu. Le seul obstacle à cette marche vers un monde plus heureux est la lutte au Vietnam, qu'on n'ose pas liquider par entêtement, étroitesse d'esprit et manque du courage nécessaire pour reconnaître que l'intervention américaine a été une faute. » Tel est à peu près le raisonnement qu'on entend de tous côtés chez les tenants d'un arrêt des hostilités. Ce raisonnement est Biblioteca Gino Bianco 7 un exemple parfait de wishfut thinking, comme le prouve tout examen méticuleux de ce qui se passe non seulement dat).s les pays communistes, mais aussi partout ailleurs. Il faudrait, pour le prouver, un livre bourré de faits, de chiffres, d'analyses, d'arguments. On doit ici se borner à quelques considérations. Dans aucun des pays communistes ou ·totalitaires qui' leur sont apparentés, la structure totalitaire n'est affectée dans son essence ; nulle part on ne perçoit une évolution vers la société ouverte. Or seules des sociétés ouvertes, si profondes que soient par ailleurs les différences d~ nature et de structure qui les séparent, peuvent coexister en paix. Pour vivre en paix à côté d'une société fermée, une société ouverte pe~t se fier à sa force d'attraction, si elle est assez forte militairement pour repousser toute agression : dans son essence, elle n'est pas agressive. Au contraire, une société close ne se sent jamais en sécurité tant que subsistent à côté d'elle de . . , , . . puissantes societes ouvertes : pour maintenu son système, elle doit s'efforcer par tous les moyens d'en supprimer les points d'appui. L'agressivité des sociétés closes ne peut être tenue en respect que par l'existence dans le monde libre d'une puissance telle que toute agression entraînerait pour la société fermée un danger de' mort. La seule puissance militaire qui soit en mesure de mettre un frein à l 'agression du monde clos est celle des Etats-Unis. La « politique de paix » de la puissance dominante du monde fermé, l'U.R.S.S., n'est donc rien d'autre que l'une de ses nombreuses tentatives pour exercer sur l'Amérique une pression morale et politique telle que celle-ci en vienne à négliger ou à affaiblir sa défense. En faisant planer sans cesse la menace d'une troisième guerre mondiale - laquelle n'éclatera pas tant que la supériorité militaire des Etats-Unis sera un fait établi, - la Russie ne cherche qu'à spéculer sur la faiblesse des nerfs de certains qui peuvent devenir une force politique dans les sociétés ouvertes - et qui, par exemple en Europe, et surtout parmi le§..socialistes, représentent d'ores et déjà un poids non négligeable - tandis que dans les sociétés fermées, toute manifestation politique d'une pareille faiblesse des nerfs (elle s'y fait parfois jour, comme partout ailleurs) est réprimée par le système totalitaire. Le monde fourmille de mécontents et de révoltés, tant pour des raisons sociales que pour des raisons politiques ; la meilleure politique possible des pays libres ne pourrait leur donner satisfaction qu'au fil des générations - et la politique actuelle du monde libre n'est

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