N. VALENT/NOV selle ·de Frédéric Schlosser, ou de !'Histoire d'Italie, de C. Botta. Mais ce n'est là qu'un « passe-temps ». Marx sait que sa « capacité de travail surhumaine » ( expression d' Aldanov) et sa pensée créatrice sont à bout. Plusieurs années durant, on lui enverra de Russie quantité de matériaux sur les questions agraires et sur la communauté rurale. Son intention est de les utiliser pour le troisième volume du Capital. Il les lit attentivement, en tire des extraits et tout s'arrête là, excepté sa lettre de 1881 à Véra Zassoulitch, document d'une importance exceptionnelle. Marx l'a rédigée après en avoir fait quatre brouillons ... A partir de 1848, dans le Manifeste du parti communisle, dans la Critique de l'économie politique et dans le Capital, Marx avait prétendu que le processus du développement capitaliste est une loi universelle, valable pour tous les pays. Deux ans avant sa mort, il cessa _d'admettre cette « loi ». Dans sa lettre à V. Zassoulitch, il limite « le caractère inéluctable de ce processus aux pays d'Europe occi- _dentale ». Cette thèse, dans laquelle Marx p.'était plus le même Marx, hanta son esprit une dizaine d'années, sans doute sous l'influence de Tchernychevski ; mais bien qu'elle le tourmentât, elle n'a été, comme tout le reste, ni développée, ni clarifiée, ni approfondie. En examinant de près la matière des œuvres imprimées de Marx, on s'aperçoit qu'elle se .rapporte à une époque antérieure à 1860. C'est dire que l'ensemble de faits qui sert de fondement au grandiose édifice du Capital, auquel J. Schumpeter tirait naguère son chapeau (cf. Capitalism, Socialism and Democracy ), est séparé de notre temps non par quatre-vingtdix ou cent ans, mais ·par une époque beaucoup plus longue. On peut rendre hommage au Capital, mais sans oublier qu'il traite de ce passé reculé. Malgré le talent de Marx pour la recherche et l'érudition, le Capital est devenu quelque chose comme un traité de chimie d'avant Lavoisier. Dans le premier volume, Marx écrit notamment que les Etats-Unis « doivent être regardés comme une colonie de l'Europe ». Cette seule remarque montre à quel point il était loin de notre temps. Marx ne connaissait pas encore la production du ' courant électrique. Deux fois seulement il fait allusion à une certaine « machine électro-magnétique ». Et où donc aurait-il pu en avoir connaissance puisqu'il mourut dans l'année où l'on parvint, pour la première fois, à transporter le courant électrique à 15 kilomètres ? La motorisationgénéralisée qui caractérisela Biblioteca Gino Bianco 97 civilisation moderne s'est développée en partant du naphte. Or le Capital ne fait pas 1nention du naphte ni à plus forte raison des moteurs. Dans son économique, Marx par le constamment de la production des marchandises, mais l'idée qu'il se fait de la production marchande et de tout ce qui se rapporte à la circulation porte le sceau d'un immense retard. Il ne connaît la production marchande que sous la forme de produits tels que la houille, le fer, le blé, ou encore de cette comique « redingote » que, dans le premier volume du Capital, il échange contre de la « toile ». A la différence de l'époque de Marx, une grande partie des dépenses est aujourd'hui consacrée à un genre spécial de marchandises, à savoir les « services », représentés par l'électricité, le gaz, l'eau, les multiples moyens de transport, le téléphone, le cinéma, la radio et beaucoup d'autres choses importantes. L'utilisation de ce réseau de services qui ont transformé les conditions de vie est inséparable de notre existence actuelle. La plupart de ces services sont restés inconnus à l'auteur du Capital. L'industrie moderne est dirigée avec le concours le plus ample et le plus actif des hommes de science : ingénieurs, techniciens, statisticiens, économistes et tout un personnel spécialisé dans les travaux de laboratoire. C'est ce « cerveau >~ qui donne à l'industrie son impulsion et lui ouvre constamment de nouveaux horizons. De nos jours, la force créatrice de ce cerveau développe l' électrotechnique, met au point les avions à réaction et supersoniques, les machines électriques, découvre l'énergie thermonucléaire, bouleverse littéralement le caractère et les fondements de _la vie et des relations universelles. Celui qui possède la bombe à hydrogène peut même anéantir la vie sur des continents entiers. Chez Marx, il n'est pas question de ce « cerveau ». Dans les trois volumes du Capital, le mot ingénieur n'est peut-être pas mentionné une seule fois. Marx, cela va sans dire, parle de la science, de la technologie, des « révolutions dans la production dues aux procédés chimiques et autres ». Quoi de plus naturel ? Qui mieux que lui a donné une telle image de la transformation révolutionnaire des rapports de prodution ? N'est-ce pas là le point fondamental de ses conceptions ? Or c'est ici justement qu'apparaît une contradiction étonnante : le Capital ne fait pas la moindre place au « cerveau » de l'industrie, à la science qui crée la puissance. Marx met au premier plan
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