E. DELIMARS la désinvolture à l'égard de la doctrine marxiste-léniniste, les révisions contradictoires de beaucoup d'événements de notre histoire ont fait apparaître dans une partie de notre jeunesse des tendances apolitiques, le nihilisme, la négation de l'autorité, la propension à profiter de la vie ... Nous avons, de ce fait, affaire à certains jeunes gens hargneux, qui ne font que grogner et qui pendant des années ne peuvent trouver leur place dans le monde du travail. Jls quittent une profession pour une autre, puis pour une troisième, et rien ne peut les satisfaire 6 • Un sociologue constate avec amertume les conséquences déplorables de ce conflit de l'individu aux prises avec la réalité soviétique : Un homme qui a constaté que la vie est complexe, 'qu'à côté de braves gens prospèrent parfois des filous, des arrivistes et des canailles, renonce facilement à ses idéaux d'antan. « On nous avait bernés, affirme-t-il, les idéaux élevés n'existent que pour les enfants naïfs. Il faut accepter la vie telle qu'elle est. » C'est la mentalité typique d'un conformiste. Un autre, au contraire, reste au fond de lui-même fidèle à l'idéal, mais ne trouve aucun moyen de le réaliser. Comme un enfant, il rejette « le monde entier », ne voit aucune possibilité de l'améliorer et s'enferme dans la solitude de son propre moi. Ces deux attitudes, psychologiquement si différentes, aboutissent à un même résultat social pratique : on renonce à la lutte et on capitule devant la réalité (cf. note 3). * * * DANS un climat moral aussi décevant, le Parti est contraint de chercher des moyens nouveaux pour maintenir chez les « édificateurs du communisme », ceux d'aujourd'hui et ceux de demain, un tonus suffisant. Il s'agit de susciter, malgré la grisaille et les déboires rebutants de la vie journalière, des émotions exaltantes et des élans féconds vers les objectifs visés par le Parti : En matière d'éducation, rien n'est aussi efficace que l'exemple vivant ( ...). Et la désillusion peut être immense, surtout chez les jeunes, quand on voit autour de soi des effrontés, des hommes de mauvaise conduite (cf. n. 2). Il faut donc ranimer les énergies en présentant dans les réunions, dans la presse et la littérature, au cinéma, à la radio et à la télévision, des modèles à admirer et à imiter. Brejnev a lui-même abordé ce point, le 17 mai dernier, au 15c congrès du Komsomol : Les bons exemples influencent les jeunes bien plus fortement que tous les sermons moralisateurs. Il faut donc utiliser tous les moyens ( ...) pour montrer à la jeunesse, d'une façon éclatante et persuasive1 la beauté et la noblesse des faits et gestes d'un véritable homme soviétique (Kom. Prav., 18-5-66). 5. R. Nlchanov, secrétaire du C.C. du P.C. d'Ouzl>ékl1tan, ln lwe1Ua, 17-10-65. BibliotecaGino Bianco 25 Or, découvrir dans la réalité soviétique des « héros positifs », capables de faire vibrer les meilleurs fibres d'une ardeur communiste et patriotique, est une entreprise ardue. Les personnages édifiants que les écrivains et les artistes recherchent parmi les travailleurs d'aujourd'hui, marqués par le traumatisme moral de l'ère stalienne et par le mensonge impudent de celle de Khrouchtchev, ne donnent, si l'auteur s'attache à ]a ressemblance minutieuse qui exige de peindre chez chaque héros, ses faiblesses et défauts personnels, que des figures de gens ennuyeux, abêtis par les difficultés de la vie O • Dans beaucoup d'œuvres récentes, le thème de la révolution résonne et sa voix s'adresse à nous, les jeunes. Mais il est singulier que toutes ces œuvres donnent l'impression que les traditions révolutionnaires s'arrêtent brusquement aussitôt après la guerre. Aux yeux de l'auteur, il semble que les jeunes d'aujourd'hui ne sont que des exaltés primitifs ou bien des adolescents embourbés dans l'incertitude et plongés dans l'introspection, se démenant dans la vaine recherche de leur place au soleil 7 • Beaucoup d'œuvres littéraires, pièces de théâtre et films de ces dernières années ont la prétention de nous donner une image vraie de notre contemporain. Or, ils ne décrivent que des adolescents, garçons et filles, pauvres d'esprit, pleins d'une grisaille de pensées et de sentiments. On constate même la tendance à présenter la guerre comme une suite d'événements dans lesquels l'homme n'est qu'un jouet du destin 8 • Ces tristes « héros positifs » de la vie quotidienne ont besoin d'être fortement enjolivés : La recette littéraire qui prescrit de tout présenter « comme c'est dans la vie » devient totalement inacceptable quand l'auteur veut modeler le personnage de notre héros authentique, décrire sa vie pleine de luttes, de grandes passions et d'élans intenses (cf. n. 6). Mais ainsi apprêtés, les personnages ne sont plus vivants, ils sentent la « commande sociale » et perdent tout intérêt pour le lecteur. Force est donc de chercher ailleurs des modèles. La dernière guerre, avec ses exemples innombrables de courage et d'abnégation, a été riche en « héros positifs ». Une avalanche de romans, de nouvelles, de souvenirs de chefs militaires, a déferlé. Mais le dénigrement de Staline et la basse flagornerie de Khrouchtchev y étaient si outrés que le public s'en lassa rapidement. Plusieurs écrivains s'efforcent aujourd'hui de raviver, par un biais,. l'intérêt du lecteur : 6. M. Tchernolousski : • La recherche du héros •• in Sovietskara Rossiia, 14-12-64. 7. V. Trouchine, secrétaire du J{omsomol de la ville de Moscou, in J{om. Prav., 28-12-65. 8. G. Jabilskl. secrétaire du C.C. du l{om omol de Biélorussie, in Kom. Prav •• 28-12-65.
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