L'OBSERVATOIRE des deux Mondes Impasse au Vietnam « LA GUERRE Au VIETNAM est l'une des guerres les plus barbares de l'histoire», a déclaré M. Thant, secrétaire général des Nations Unies le 10 juin, en oubliant d'ajouter que cette guerre est voulue, alimentée, indéfiniment prolongée par la seule volonté des communistes. M. Thant, dont le neutralisme de façade s'exerce toujours en faveur de Moscou ou de Pékin, feint de tenir pour égales les res:ponsabilités des parties en cause et de croire possible une paix obtenue par concessions mutuelles, alors que toutes les avances de Washington pour ouvrir des négociations se sont jusqu'à présent heurtées à des refus catégoriques. Le 24 juin encore, rapportait le Monde à cette date, « il se confirme que Hanoï a rejeté les propositions américaines de cessation progressive des hostilités au Vietnam. Selon l'A.F.P., le plan de Washington présenté par l'ambassadeur canadien, M. Ronning, prévoyait une réduction réciproque des activités militaires au Sud, un arrêt des bombardements au Nord, et une série de mesures en faveur des quelque quatre-vingts aviateurs américains détenus au Vietnam du Nord». Toutes les ouvertµres de paix tentées par _les Etats-Unis ayant ~ubi -le même sort, l'intensification des opérations aériennes deve_nait inévitable _àmoins de laisser la guerre s'enliser à l'infini dans les conditions les-plus favorables à la guérilla communiste. L'intransigeance criminelle des dirigeants de Hanoï soutenus par Moscou et Pékin s'explique par leur spéculation sur les pressions pacifistes et humanitaires exercées à Washington, comme ce fut le cas lors de la guerre de Corée. Les communistes se soucient fort peu des· pertes en vies humaines pourvu que survive leur groupe dirigeant. En Amérique on se trompe sans cesse en leur prêtant des sentiments étrangers à leur façon stalinienne de penser, comme le prouve leur refus systématique d'envisager le moindre compromis tant qu'ils escomptent le succès final. Les multiples sondagès et démarches de Washington pour conclure une suspension d'armes n'ont fait que confirmer les communistes dans la certitude d'avoir le dernier mot. Les Américains de tous bords les encouragent en débattant sur la place publique leurs intentions, leurs scrupules, leurs contradictions, voire leurs projets militaires. Biblioteca Gino Bianco . , Sans se mêler de stratégie ou de tactique, n'importe quel profane comprend que le secret et la surprise sont essentiels à· l'art de la guerre. Dans le comportement américain au Vietnam, il n'y a ni secret ni surprise. Tout s'étale et se discute au grand jour tant au Sénat qu'au Pentagone, à la Maison-Blanche et dans la presse. Les politiciens et les diplomates mettent un point d'honneur à renseigner l'ennemi. Les journalistes et les photographes -rivalisent de zèle pour fournir à la propagande commu:niste les m~tériaux de dénigrement contre leur pays. Quoi que le président Johnson décide, quoi que les généraux fassent, une clameur de réprobation s'élève dans le monde entier, les protestations et manifestations déferlent contre les ambassades où flotte le drapeau étoilé, cependant que l'Oncle Sam impassible s'abstient de prendre part à la guerre politique des communistes, de leurs complices et de leurs dupes. Apparemment, il croit que le temps arrangera toutes choses, alors que le temps travaille en sens contraire. Le soulèvement bouddhiste que le gouvernement de Saigon a dû mater par la force atteste la capacité communiste de s'infiltrer dans tous les milieux pour y répandre du poison enrobé de formules trompeuses et pour y créer des courants d'opinion conformes aux -desseins conquérants médités à Moscou et à Pékin. Cette capacité de pénétration et d'influence ne relève pas des moyens militaires. Les élèves de Staline ont acquis grande expérience de noyautage chez les catholiques; les protestants, les musulmans, les pacifistes, les socialistes, les libéraux, les universitaires, les anciens combattants, les physiciens atomistes, les gens de théâtre et de cinéma, de la presse et de l'édition qui se prêtent à leurs vues, à leurs manœuvres patientes. Les résultats atteints chez les bouddhistes, encore que surprenants en principe, sont de même ordre en pratique. Le sacrifice des bonzes qui périssent dans les flammes force le respect sans convaincre pour autant du bien-fondé de leur holocauste. Sur ce point, les communistes récuseront difficilement cette réflexion d'un des leurs, Maxime Gorki, qui écrivait en 1918 dans son journal : « On ne peut conclure que le peuple soit saint et juste uniquement du fait qu'il est martyr, car même aux premiers siècles du christianisme il y eut beaucoup de martyrs par stupidité.» Le Bouddha qui avait vu en songe le dieu de la modestie, qui cherchait la voie de l'indiffé-
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==