Le Contrat Social - anno X - n. 4 - lug.-ago. 1966

LE PARTI TOTALITAIRE par Kostas Papaioannou S ouVENEz-vous de l'Allemagne », << « voyez les Allemands », « regardez les Allemands », répète inlassablement Lénine dans Que faire ? (V, pp. 392,, 472 et 484) * : cette fois-ci, le modèle n'était pas le « capitalisme d'Etat », mais l'ordre prussien qui régnait· dans la socialdémocratie allemande. On s'étonne de voir Lénine exalter les vertus d'une organisation dont les tares bureaucratiques étaient déjà visibles et dont il allait bientôt dénoncer la « dégénérescence », la « faillite » et la « mort ». Pourtant, en 1902, · il traitait d' « opportunistes » tous ceux qui, à droite ou à gauche, s'inquiétaient du rô\e exorbitant de l'appareil dans la vie du parti et appelaient les militants à faire preuve de plus d'indépendance et d'esprit critique à l'égard de leurs chefs. Tout ce qui s'écartait tant soit peu de sa conception si peu « orthodoxe » du monolithisme partisan, il l'attribuait d'office à 1' « opportunisme » et au « révisionnisme », expressions directes de la pénétration pernicieuse des éléments petits-bourgeois dans le mouvement ouvrier. Dans Un pas en avant, deux pas en arrière ( 1 ?04 ), il écrira : Toute la position des opportunistes en matière d'organisation se révèle dans leur soutien d'une organisation du parti déliquescente et manquant de cohésion, leur hostilité envers l'idée - idée « bureaucratique » - de l'édification du parti de haut en bas, leur tendance à procéder de bas en haut, en permettant à tout professeur, à tout collégien et à tout gréviste de se déclarer membre du parti, leur hostilité à l'égard du « formalisme » qui exige d'un * Comme pour la première partie de cette étude (notre précédent numéro), les chiffres latins et arabes entre parenthèses renvoient aux Œuvres complètes de Lénine (48 éd.); les chiffres arabes renvoient au premier volume des Œuvres choisies de Lénine, Moscou 1946. Bjblioteca Gino Bianco ·"y II membre du parti qu'il appartienne à une organisation reconnue par le parti, leur· inclination pour la mentalité d'intellectuel bourgeois prêt à ne reconnaître que ----platoniquement les conditions de l'organisation, leur penchant pour les phrases oppot;tunistes et anarchistes (pp. 325-26). Pourtant les premiers « opportunistes » en ce sens avaient été Marx et Engels en personne. Marxisme et monolithisme LE CONCEPTde l'unanimité monolithique ne semble pas avoir effleuré l'esprit de Marx. Cependant, il n'a pas manqué de manifester le peu d'intérêt qu'il prêtait à la question de l'organisation partisane en tant que telle. « Le but final du mouvement politique de la classe ouvrière, écrivait-il à Bolte le 23 novembre 1871, est naturellement la conquête du pouvoir politique ; à cet effet, il faut naturellement une organisation préalable de la classe ouvrière, organisation développée jusqu'à un certain point et issue elle-même de ses propres luttes économiques. » Quatorze ans plus tard, Engels affirmera noir sur blanc que l'idée socialiste avait fait tant de progrès dans la conscience des masses que l'organisation politique était elle-même devenue superflue : ·Aujourd'hui, le prolétariat allemand a cessé d'avoir besoin d'une organisation institutionnalisée (offizielle ), secrète ou publique. La solidarité simple et allant de soi, l'unité de pensée des camarades de classe suffisent pour ébranler le Reich allemand,· et cela ~ans statuts, sans officiels, sans résolutions et autres formalités. Le mouvement international du prolétariat européen et américain a atteint aujourd'hui [1885 !] une telle puissance qu'il est gêné non seulement par l'étroitesse de sa première forme d'organisation - les ligues secrètes - mais aussi par la seconde forme qu'il a revêtue, la forme publique et infiniment plus vaste de l'Association

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