214 été la diminution sensible du cheptel : les bovins sont passés de 86,9 millions (fin 1962) à 85,4 millions de têtes (fin 1963 ), les porcins de 69,6 millions à 40,8· millions de têtes. Enfin l'Union soviétique a dû arrêter presque complètement ses exportations de céréales vers les démocraties populaires. Il faut noter aussi que ce ralentissement de la production et cette crise ont eu lieu dans une période où l'agriculture a continué de recevoir chaque année environ 15 % du total des investisse- .ments, ce qui explique que le problème ait été au centre des débats dans les milieux dirigeants. ESSAYONS D'ANALYSER les causes de ces difficultés. J'appellerai les unes « chroniques » ou traditionnelles parce qu'on ne peut attribuer tous les déboires de la période 1959-64 simplement aux erreurs de la politique de Khrouchtchev. Parmi ces çlifficultés permanentes, les unes sont géographiques, naturelles, les autres sont institutionnelles. Les manuels de géographie nous enseignent qu'en U.R.S.S. les conditions naturelles ne sont pas très favorables à l'agriculture; bien que la Russie tsariste ait été l'un des plus grands exportateurs de blé vers l'Europe, le pays n'a pas naturellement une vocation agricole. La qualité des sols est généralement médiocre, le climat très défavorable et la portion du territoire où la culture des céréales ·est possible - c'est-à-dire celle qui reçoit annuellement une quanti té suffisante de pluie et de chaleur - n'excède pas 10 % de la surface totale. Des économistes américains et canadiens qui se sont livrés à des compfiraisons estiment que les conditions moyennes en Russie sont voisines de celles du Dakota-Nord aux EtatsUnis, c'est-à-dire d'un Etat qui, en général, enregistre des rendements inférieurs de 20 % à la moyenne américaine. Certes, les conditions des sols peuvent être facilement améliorées à l'aide de l'irrigation, mais il est plus difficile de lutter contre les insuffisances· du climat. Enfin, un troisième facteur défavorable à l'agriculture que l'on ne souligne pas assez d'ordinaire, c'est la distance. Dans les campagnes, la densité de la population est trop faible, ce qui rend les coûts de l'infrastructure onéreux. Il est vrai que, pendant des dizaines d'années, on a complètement négligé l'équipement rural ; mais il faut reconnaître que pour un pays qui a une très faible densité de population paysanne il y a là un obstacle très grave pour développer la production agriBiblioteca Gino Bianco -·, L'EXPÉRIENCE COMMUNJSTE cole en- raison du rôle essentiel des transports (la vitesse d'acheminement des produits périssables est extrêmement lente en U.R.S.S. dans l'état actuel de son infrastructure de communications ; 10 % seulement du réseau routier est utilisable en permanence, etc.). Mais les causes fondamentales des difficultés agricoles sont surtout d'ordre institutionnel. Jusqu'à maintenant, on peut dire que l'agriculture a été considérée comme un secteur « extérieur » à l'économie socialiste ; en 1928, on a opté pour la doctrine de Préobrajenski qui tendait à considérer l'agriculture comme une source d'accumulation. A cela s'ajoutent les préjugés des marxistes qui ont toujours considéré les paysans avec défiance, comme des petits bourgeois en puissance : si on leur laisse trop de liberté d'initiative, on risque de retourner au capitalisme... Cela explique que dans l'agriculture, plus encore que dans l'industrie, le systèm~ de direction centralisée a été appliqué avec rigueur; les ordres partent du sommet et il n'est pas question de faire approuver les plans et les directives à la base. C'est là une contradiction fondamentale de l'agriculture soviétique. L'agriculture est la science des potentialités locales. Celles-ci ne peuvent s'apprécier que sur le terrain ; elles varient d'une région à l'autre et, à l'intérieur d'une exploitation, d'une parcelle à l'autre. Seuls les paysans savent par tradition que telle terre convient à telle culture ; le travail de l'agronome consiste à adopter les systèmes de culture qui s'adaptent le mieux aux conditions naturelles, ce qui se concilie mal avec les directives générales élaborées au sommet. Le système agricole soviétique a été conçu d'abord en fonction des besoins de la collecte ; les dirigeants ne se sont intéressés qu'ensuite aux problèmes de la pro- . duction:. Certes, durant ces dernières années, on a essayé de décentraliser la planification agricole en se limitant aux objectifs de la collecte et en ne donnant plus aucune directive sur la nature des travaux. En réalité, à en juger par la littérature sur le sujet, il ne semble pas que la situation ait changé foncièrement : le président du kolkhoze reste subordonné au secrétaire du rayon· ou au secrétaire de l'unité de production. On a aussi essayé d'atténuer le caractère résiduel de la rémunération du travail dans les kolkhozes en créant une sorte de présalaire agricole, sous forme d' « avances » sur les distributions de fin d'année.
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