64 Suicide unilatéral alors que l'Union soviétique ne disposait pas d'armement atomique, suicide réciproque ou collectif depuis que les deux plus puissants Etats ont les moyens de s'entredétruire. Par conséquent, la guerre au sens classique étant hors de question, la paix au sens usuel étant inconcevable avec des communistes qui s'assignent une mission historique de subversion universelle, la coalition défensive atlantique devait faire face à une situation originale, définie dans la formule « ni paix ni guerre >>, . mais dans une acception nouvelle des deux termes. « Ni paix véritable, ni guerre ouverte », telles étaient les perspectives que nous avoi:is tracées dès· 1948 * et que bientôt vingt ans écoulés confirment pour l'essentiel. On peut dire aussi : Mi-paix, mi-guerre. Nous avons toujours eu soin de rappeler que les communistes ne s'embarrassent pas de pacifisme : « dans leur vocabulaire, ce terme figure parmi les pires outrages ». La paix, selon eux, n'est pas la paix selon les ·autres. De même, la guerre. Ce que nous écrivions de Staline vaut également pour les hommes de son école, à savoir qu'il mène « le genre de guerre où il excelle, guerre à froid ou guerre des nerfs, guerre d'intrigue et d'infiltration, de chantage et de corruption, de noyautage et d'intimidation, guerre de sape et de mine qui ébranle la civilisation européenne et que celle-ci s'avère incapable de contrecarrer. Dans cette stratégie de longue haleine, il n'incombe aux troupes en uniforme qu'un rôle auxiliaire, la tâche principale revient à des conquérants en civil et déjà sur place. D'où la conjoncture actuelle qui n'est ni guerre déclarée ni paix réelle » ( 15 juillet 1948). L'état de choses ainsi dépeint a pris le nom de guerre froide auquel Staline a substitué celui de coexistence pacifique, adopté aveuglément en Occident quand Khrouchtchev s'en fit le propagandiste. Dans leur « stratégie de longue haleine », les communistes sont arrivés sinon à leurs fins ultimes, du moins à une étape importante de leurs opérations manœuvrières en se faisant passer pour champions de la paix en général, bien que leur paix ne soit qu'une forme camouflée de leur guerre. La fiction d'une Soviétie pacifique par opposition à une Chine guerrière gagne de plus en plus de milieux bien-pensants * Plus prééisément depuis 1947, quand les plus hautes autorités alliées prévoyaient une guerre voulue par Staline. Nous avons réfuté leur thèse, en public, d'abord dans l'Observater des deux Mondes, articles intitulés "Ni paix, ni guerre" (1er juin 1948), 0 Ni guerre, ni paix" (15 juillet 1948), et " Guerre et Paix " (15 septembre 1948) ; ensuite dans maints écrits parus notamment dans Est et Ouest ainsi que dans le Contrat social. BibliotecaGino Bian.co LE CONTRAT SOCIAL en Europe occidentale et même en Amérique. A preuve le récent discours de l'ex-chancelier K. Adenauer (22 mars) où l'on a pu lire : « Entre l'Inde et le Pakistan, la Russie a servi d'intermédiaire pacifique. C'est la preuve, pour moi, que !'U.R.S.S. est entrée dans les rangs des peuples qui veulent la paix. » Toute la pres~e complaisante au communisme ayant fait· écho largement à ces paroles en l'air, il vaut la peine de montrer que l'exemple unique cité par l'estimable M. Adenauer ne tient pas debout et, donc, ne prouve rien en la matière. L'Inde et le Pakistan reçoivent de l'Union soviétique la majeure partie de leurs armements et l'ont gaspillée de part et d'autre en quelques jours en se livrant à des hostilités suscitées par le conflit du Cachemire. La Chine, par opposition systématique à l'Inde, ~ soutient le Pakistan, mais seulement de la voix et du geste, car elle est bien incapable de pourvoir au remplacement du matériel détruit. Moscou n'a aucun intérêt d'aucune sorte dans l'issue d'une guerre indo-pakistanaise, de quelque côté qu'elle tourne. En tout état de cause, les belligérants solliciteront son aide pour réparer les dommages et reconstituer leur équipement militaire. Il était par conséquent naturel que « la Russie » s'entremette entre les deux camps qui ne demandaient pas mieux, après les . avoir dûment pressentis, et alors que tous les intérêts en jeu concordaient pour conseiller d'arrêter les frais. Il n'y a là pas trace d'une « preuve » que « l'U .R.S.S. est entrée dans les rangs des peuples qui veulent la paix ». Que les peuples proprement dits soient pour la paix, personne n'en doute, mais quant aux gouvernements qui prétendent parler au nom des peuples, c'est une autre histoire, et l'exchancelier allemand devrait le savoir. Comme l'a justement remarqué Churchill, les communistes veulent sans guerr.e les fruits d'une victoire. Ils n'ont rien à gagner, présentement, dans l'affaire du Cachemire. Une théorie à la mode en Occident et d'après laquelle le communisme « a bien changé » depuis la mort de Staline ne résiste pas davantage au moindre examen sérieux. Tout d'abord elle est admise et propagée, abstraction faite des communistes professionnels, par de ci-devant admirateurs bourgeois de Staline qui reportent• leur considération distinguée sur ses successeurs sous prétexte que ceux-ci se différencient de celui-là : il faudrait s'entendre, et expli ci ter ce qu'on juge louable ou blâmable chez l'un ou chez les autres. Staline n'ayant eu nulle inclination au suicide en provoquant
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