Le Contrat Social - anno X - n. 2 - mar.-apr. 1966

revue l,irtorÎIJUeet criti'lue Je1 fait1 et Jes idée1 Mars-Avril 1966 Vol. X, N° 2 MI-PAIX, MI-GUERRE par B. Souvarine Au LENDEMAIN de la deuxième guerre mondiale, les nations occidentales se mirent en devoir de démobiliser et commencèrent à désarmer, escomptant une ère de paix enfin durable. Les Etats-Unis, en particulier, avaient hâte de rapatrier leurs boys et de remiser leur excédent de navires « dans la naphtaline » (pour citer les expressions courantes à l'époque). Mais les illusions qui inspiraient cette ligne de cop.duite ne tardèrent pas à se dissiper. Au mépris des accords de Ialta et de Potsdam, au-mépris de tous les pactes et traités ultérieurs, Staline annexait de vastes territoires et de nombreuses populations européennes, il entreprenait de vassaliser plusieurs pays circonvoisins et il maintenait sur pied de guerre des forces armées considérables et apparemment menaçantes. Il fallut se rendre à l'évidence : Roosevelt et Churchill s'étaient lourdement trompés en prêtant à Staline des buts de paix et des vues d'avenir analogues aux leurs. Le coup de Prague, en 1948, acheva de détromper les Occidentaux qui avaient misé sur une démocratie soviétique imaginaire, mais accrédita une autre erreur, celle d'un danger de guerre au sens classique du terme. L'alliance atlantique et l'organisation qui en découle ont résulté de cet état des choses et des esprits. Il est normal qu'en présence d'une politique extérieure soviétique aussi évidemment expansive, appuyée sur un formidable déploiement de moyens militaires, les principaux Etats garants des frontières établies se soient Biblioteca Gino Bianco préoccupés de dresser une force de « · dissuasion » en conséquence. Mais cela ne dispensait pas de lire dans le jeu adverse, de discerner les voies et moyens politiques par lesquels Staline et ses acolytes avant-hier, ses successeurs hier et aujourd'hui, s'évertuaient et s'évertuent à conquérir la planète. Jamais les communistes n'ont médité de lancer leurs armées à l'assaut du monde capitaliste, depuis que la « tactique offensive » ne leur a valu que des déboires. Si Staline a conservé, puis renforcé, son énorme appareil militaire, ce n'était pas pour risquer sa peau et l'existence de son régime dans une nouvelle guerre mondiale. Il vivait sur un bagage sommaire d'idées reçues, parmi lesquelles l'inéluctabilité des guerres en attendant le socialisme universel, et il était bien incapable de réviser le dogme hérité de Lénine. Prêtant à autrui sa propre façon de raisonner, il avait supposé que les Anglo-Américains lui régleraient son compte après avoir réglé celui d'Hitler, mais contredit par les faits, il crut que ce n'était que partie remise et qu'en tout état de cause il fallait se tenir prêt à toute éventualité. Subsidiairement, il avait besoin d'arguments concrets à l'appui des pressions et chantages inhérents à sa politique extérieure. On pourrait poursuivre encore plus à fond l'analyse de ses mobiles. Mais s'il était une hypothèse à exclure, c'est bien celle d'une initiative belliqueuse de sa part équivalant au suicide. Seuls des politiciens ignares peuvent douter de cette équivalence.

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