88 comme celle de la « révolution des managers » ou de la « bureaucratisation du monde » représentent à certains égards un retour au saint- ~imonisme et au positivisme,. et bien qu'élles appartiennent à un même contexte socio-politique (notamment les expériences de l'U.~.S.S., des régimes fascistes et du New Deal) que les autres tendances « techno-bureaucratiques », nous pensons qu'au point de vue de leur inspi- ·ration idéologique comme à celui de leur organisation conceptuelle, elles se comprennent mieux si, en les isolant, on les fait apparaître comme des tentatives de synthèse organique du technicisme, de l' « oligarchisme » et du marxisme. Par-là même, on les oppose aux tentatives analytiques pour combiner fonctions, classes et élites en les distinguant. Et l'on aboutit ainsi au problè1ne de la tendance à l'unification ou à la diversification des hiérarchies dans la société industrielle. C'èst déjà ·cette question qui s~ trouve au centre de Ja pensée des « fondateurs », SaintSimon et Comte. Chez l'un et l'autre, elle se présente sous une forme double. Saint-Simon part _du scandale de l'inversion des hiérarchies de l'autorité politique et de l'utilité sociale, mais, au-delà du renversement qu'il préconise, c'est· leur dualité qu'il vise ; el). souhaitant réduire. la première à la seconde, il souhaite supprimer son autpnomie, c'est-à-dire, en fait, son existence. Mais à l'intérieur même de l'élite sociale ou de la classe industrielle dont l'unité harmonieuse doit se substituer aux stériles luttes politiques qui constituaient un gaspillage de forces, se pose de nouveau le problème de la hiérarchie et des rappqrts entre ses différentes catégories, et aussi celui de ia dualité du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel. Auguste Comte insiste_ plus particulière!llent sur ces deux derniers points : nécessité de recréer une société organique, donc un consensus, donc une élite incontestée ; mais, en même temps, dualité, voire opposition nécessaire entre la hiérarchie · temporelle et la hiérarchie spirituell~, qui s'exprime dan~ le contrôle moral du gouvernement des banquiers par les philosophes, les femmes et les prolétair~s. ,,*.,,. DANS LA PENSÉEDE SAINT-SIMONl'é, lément central et constant, à travers de nombreuses variations et contradictions, s'exprime dans la fameuse parabole de l'Organisateur (1819) : Nous supposons que la France perde subitement ses cinquante premiers physiciens, ses cinquante premiers chimistes, ses cinquante premiers physiologistes, Biblioteca Gino Bianco DÉBATS ET RECHERCHES ses cinquante premiers mathématiciens, ses cinquante premiers poètes, ses cinquante premiers peintres, ses cinquante premiers sculpteurs, ses cinquante premiers musiciens, ses cinquante premiers littérateurs; Ses cinquante premiers mécaniciens, ses cinquante premiers ingénieurs, civils et militaires, ses cinquante premiers artilleurs,· ses cinquante premiers architectes, ses cinquante premiers médecins, ses cinquante premiers chirurgiens, ses cinquante premiers pharmade~s, ses cinquante premiers marins, ses cinquante premiers horlogers; Ses cinquante premiers banquiers, ses deux cents premiers négociants, ses six cents premiers cultivateurs, ses cinquante premiers maîtres de forges, ses cinquante premiers fabricants d'armes, ses cinquante premiers tanneurs, ses cinquante premiers teinturiers, ses cinquante premiers mineurs, ses cinquante premiers fabricants de draps, ses cinquante premiers fabricants de coton, ses cinquante premiers fabricants de soieries, ses cinquante premiers fabricants de toile, ses cinquante premiers fabricants de quincaillerie, ses cinquante premiers fabricants de faïence et de porcelaine, ses cinquante premiers fabricants de cristaux et de ~ verrerie, ses cinquante premiers armateurs, ses cinquante premières maisons de roulage, ses cinquante premiers imprimeurs, ses cinquante premiers graveurs, ses cinquante premiers orfèvres et autres travailleurs de métaux; Ses cinquante premiers maçons, ses cinquante premiers charpentiers, ses cinquante premiers menuisiers, ses cinquante premiers maréchaux, ses cinquante pre- _ miers serruriers, ses cinquante premiers couteliers, ses cinquante premiers fondeurs, et les cent autres _personnes de divers états non désignés les plus capables dans les sciences, dans les beaux-arts et dans les arts et métiers, faisant· en tout les trois mille premiers savants, artistes et artisans de France. Comme ces hommes sont les Français les plus essentiellement producteurs, ceux qui donnent les produits les plus importants, ceux qui dirigent les travaux les plus utiles ,à la nation, et qui la rendent productive dans les scien~ês, dans les beaux-arts et dans les arts et métiers, ils sont réellement la fleur de la société française ; ils sont de tous les Français les plus utiles à leur pays, ceux qui lui procurent le plus de gloire, qui hâtent le plus sa civilisation ainsi que sa prospérité ; la nation deviendrait un corps sans âme, à l'instant où elle les perdrait, elle tomberait immédiatement dans un état d'infériorité vis-à-vis des nations dont elle est aujourd'hui la rivale, et elle continuerait à rester subalterne à leur égard tant qu'elle n'aurait pas repoussé une tête. Il faudrait à la France au moins une génération entière pour réparer ce malheur, car les hotnmes qui se distinguent dans les travaux d'une utilité positive sont de véritables anomalies, suttout de celles de cette espèce. Passons à une autre supposition. Admettons que la France conserve tous les hommes de génie qu'elle possède dans les sciences, dans les beaux-arts et dans les arts et métiers, mais qu'elle ait le malheur de perdre le même jour Monsieur, frère du roi, Monseigneur le duc d'Angoulême, Monseigneur le duc d'Orléans, Monseigneur le duc de Bourbon, Madame la duche~se d'A,ngoulême, Madame la quchesse de Berry, Madame la duchesse d'Orléans, Madame la duchesse de Bourbon et Mademoiselle de Condé ; Qu'elle perde en même temps tous les grands officiers de la Couronne, tous les ministres d'Etat (avec ou sans départements), tous les conseillers d'Etat, tous les maîtres de requêtes, tous ses maréchaux, tous ses cardinaux, archevêques, évêques, grands vicaires et
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