W. KOREY sait observer, de manière assez curieuse, dans un article écrit à l'occasion de l'anniversaire de Zimmerwald 2 ). L'intérêt porté à la « coexistence pacifique » s'accompagne d'une mise en sourdine du rôle de la violence en tant que moyen d'accomplir la révolution sociale. Depuis 1956, les dirigeants soviétiques ont adopté la formule suivante : des changements fondamentaux dans les rapports de classe et de pouvoir peuvent être effectués dans certains pays par des voies « pacifiques » et « parlementaires », et pas seulement par la violence. A Pékin, les idées de la gauche zimmerwaldienne ont· encore cours : les déclarations faites à Moscou sont qualifiées d' « erronées » et tenues pour « une révision flagrante des préceptes marxistes-léninistes ». De même qu'à l'époque la gauche zimmerwaldienne· stigmatisait les socialistes modérés, Pékin accuse aujourd'hui la politique soviétique de n'être qu'un « compromis et une capitulation » devant l' « impérialisme ». Dans un article récent, le ministre chinois de la Défense qualifiait le soutien de la guerre révolutionnaire de « pierre de touche pour distinguer les vrais révolutionnaires des faux » ; pour lui, la guerre était une « grande école » pour « tremper le peuple et faire avancer l'histoire » 3 • Dans leur attitude militante en matière d'idéologie, les Chinois insistent particulièrement sur la nécessité d'accorder le soutien maximal aux « guerres de libération nationale ». L' « épicentre de la révolution mondiale » et le « foyer principal des contradictions globa .. les » n'étant plus dans le monde capitaliste, mais bien en Asie, en Afrique et en Amérique latine, où surgissent des « guerres de libération nationale », l'aide apportée à ces guerres doit être un « souci essentiel ». Remarquons qu'à Zimmerwald Lénine voulait, à l'origine, soulever la question des « guerres nationales de libération ». Juste avant la conférence, il écrivait à un camarade qu'il était essentiel de distinguer entre différents types de conflits armés, ajoutant qu'il fallait soutenir les « guerres nationales de libération » : « Et dans le cas de la guerre en Inde, en Perse, en Chine contre l'Angleterre et la Russie? Ne devrions ..nous pas être du côté de l'Inde contre l'Angleterre, etc. 4 ? » Ceux qui « rejettent la guerre en général » ne sont « pas des marxistes », soulignait-il. Lénine faisait allusion aux 2. Pravda. 5 sert. 1965. 3. Le texte de J article du maréchal Lin Piao se trouve dans le New York Timea du 4 sept. 19651 p. 21. 4. lùcuell Unlne, vol. Il, pp. 235-3u. Biblioteca Gino Bianco luttes de libération nationale dans le projet de manifeste qu'il proposa à la gauche zimmerwaldienne, mais le comité décida de remplacer son texte par un projet préparé par Karl Radek qui n'en faisait pas mention. Le peu d'empressement mis par Lénine pour imposer son point de vue signifie que, dans son esprit, les mouvements révolutionnaires dans les pays coloniaux et semi-coloniaux n'avaient pas la priorité. Il fallut attendre le IP Congrès du Comintern, en juillet 1920, pour que les « guerres nationales de libération » deviennent un point important du programme du mouvement communiste international; encore l'intérêt majeur était-il centré sur l'activité révolutionnaire du prolétariat occidental. Moscou continue de refuser la priorité aux guerres de libération nationale, cela d'autant plus que de pareilles guerres pourraient mettre en péril la « coexistence pacifique » et, qui sait ? déchaîner la guerre thermonucléaire. Une seule étincelle dans n'importe quelle partie du globe pourrait faire sauter le baril de poudre et anéantir la race humaine. Au contraire, Pékin, dans ses déclarations d'avril 1960, soutenait que les guerres de libération nationale devaient être encouragées sans tenir compte des risques de crescendo. Quant au point de vue de Moscou, il « trahit entièrement la théorie révolutionnaire marxiste-léniniste de la guerre » 6 • LA MAJORITÉ à Zimmerwald ayant conclu que la lutte pour la paix - et non la guerre civile - était le principal objectif du socialisme international, ceux qui constituaient cette majorité étaient décidés à stimuler un mouvement aussi large que possible, afin de faire pression au maximum sur les gouvernements pour les amener autour d'un tapis vert. Aussi la plupart des délégués répugnaient-ils à préconiser des mesures qui risquaient de faire éclater les partis et les organisations socialistes. Une motion proposant que les socialistes refusent les crédits de guerre fut même rejetée par la conférence (spécialement à la demande de la délégation allemande, laquelle estimait que le résultat immédiat serait la cassure du groupe parlementaire socialiste et du parti lui-même). En outre, la simple logique s'accompagnait d'un attachement aux traditions et institutions de la IP Internationale. 5. New York Tlmu, 4 sept. 1965.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==