54 de l'Internationale socialiste, de convoquer une session plénière de !'Exécutif. Selon lui, celui-ci « aurait dû être convoqué au lendemain de· la déclaration de guerre, malgré les dissensions dans le camp de l'Internationale ». A quoi Vandervelde rétorqua : « Tant que des soldats allemands logent chez les ouvriers belges, il ne peut être question de réunir !'Exécutif. » Morgari lui ayant demandé si « l'Internationale était otage entre les mains de !'Entente », Vandervelde répliqua : « Oui, otage ! » L'I talien avertit alors le Belge que son parti convoquerait, sans passer par le Bureau, une conférence internationale de tous les partis et de tous les groupes fidèles au socialisme. AINSI le profond mécontement engendré par la politique de guerre des gouvernements belligérents et par la collaboration des socialistes patriotes· fournit un terrain commun pour la conférence de Zimmerwald. On le vit bien dans l'enthousiasme avec lequel fut accueillie une déclaration commune des délégations française et allemande à l'ouverture de la session. La guerre n'est « pas notre guerre », y lisaiton, et une « lutte de nos compatriotes contre cette horrible calamité » doit être entreprise. L'émotion des assistants se traduisit par une « longue ovation ». Or presque immédiatement se fit entendre une note fort discordante dans ce concert, à la lecture d'une lettre du gauchiste allemand Karl Liebknecht, lequel préconisait l'~ction directe. Liebknecht réclamait « la guerre civile, et non la paix civile ». Selon lui, au lieu de l' « harmonie des classes », les socialistes devaient exiger la « guerre des classes » et la « révolution sociale ». . A Lénine et à ses partisans, formant la « gauche zimmerwaldienne » (huit délégués), -la lettre fournissait un moyen efficace pour atteindre leur objectif, la révolution violente. Sans se lasser, Lénine ressassa la formule : « La guerre civile, et non la paix civile. » Avant la conférence, Lénine avait bien spécifié, dans une note à Alexandra Kollontaï, que le « mot d'ordre de la paix » devait être dénoncé comme étant « des plus confus, pacifiste, philistin, une aide apportée aux gouvernements... ». Ce qu'il fallait, c'était un « programme d'actions révolutionnaires ». Son plaidoyer pour la guerre civile découlait logiquement du caractère qu'il attribuait à l' ·« époque » de l'impérialisme : des guerres résultent inévitablement de la concurrence à laquelle se livrent les monopoles capitalistes pour la conquête des marchés et la possession des sources BibliotecaGino Bianco -~ J MATÉRIAUX D'HISTOIRE de matières premières. Aussi affirmait-il que « l'idée qu'une paix. démocratique soit possible sans un certain nombre de révolutions est profondément erronée ». En conséquence, Lénine soutint à Zimmerwald que ·les socialistes ne pouvaient se contenter de retirer leurs ministres des cabinets de guerre et de voter contre les crédits militaires. Ils devaient entreprendre une lutte de classes multiforme : organiser des grèves économiques et des n1anifestations, transformer ces grèves en grèves politiques, favoriser la fraternisation dans les tranchées, enfin mener à fond la lutte révolutionnaire pour s'emparer du pouvoir politique. · Pour la majorité des délégués à Zimmerwald (une vingtaine constituaient l'aide droite, alors . . . . , . que cinq ou six se tenaient au centre, evitant de se prononcer), les arguments de Lénine était une condamnation de leur propre arien tation. Si la paix était l'objectif essentiel, comment l'atteindre en prêchant la poursui te de la guerre (même si, en l'occurrence, il s'agissait d'une autre forme de guerre) ? Morgari, principal organisateur de la conférence, faisait valoir que la violence avait été rejetée par la IIe Internationale comme étrangère à la tradition socialiste. Il n'est guère surprenant que Zinoviev ait déclaré par la suite, de manière fort caustique, que la conférence comprenait trop de « camarades qui n'avaient pas réglé leurs comptes avec le pacifisme ». PAR UNE,CURIEUSEIRONIEdu sort, les héri-. tiers de la gauche zimmerwaldienne qui détiennent à présent le pouvoir au Krem, lin rejettent la notion léniniste suivant laquelle les guerres sont « fatales » sous l'impérialisme. .Aujourçl'hui, ils soutiennent que les guerres peuvent être « éliminées de la vie de l'humanité » avant même que l'impérialisme quitte la scène de l'histoire. Moscou prône maintenant la « coexistence pacifique », laquelle réinterprète en termes de compétition économique le conflit classique entre capitalisme et socialisme. Le devoir international des pays socialistes n'est pas la révolution immédiate : ils ont à édifier ,leur propre économie afin de constituer des modèles capables d'attirer - . et par là même de « révolutionner » - les classes ouvrières à l'étranger. Entre-temps, « la lutte contre la guerre » doit demeurer un objectif fondamental, car « la nature des armes modernes » ferait d'une guerre mondiale une « monstrueuse calamité » (ainsi que la Pravda le fai- ..
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