Le Contrat Social - anno X - n. 1 - gen.-feb. 1966

52 de l'Internationale. Le secrétaire de l'Orgburo du Comité central était Wilhelm Pieck. En même temps, j'appartenais à une cellule de rue dans le quartier de Moabit à Berlin. Dans cette même cellule se trouvait le poète Johannes Becher. Lui et moi ·distribuions bien souvent des tracts dans les logements des ouvriers de l'arrondissement. Mon pseudonyme au parti était Herta; quant à mon passeport allemand, il était établi au nom de Lydia Wilhelm. En fait, j'étais arrivée en Allemagne munie d'un passeport canadien dont la validité avait expiré. Aux fins de légalisation en Allemagne, mon passeport me donnait comme Lydia Konstantinovna Lipnitskaïa, « mariée » au citoyen allemand Ernst Wilhelm ; l'acte de mariage avait été enregistré à Leipzig, à moins que ce ne fût à Dresde. Je reçus ainsi un passeport allemand valable pour une durée de cinq ans, que j'échangeai par la suite deux fois dans les bureaux de police compétents à Berlin, en t~ansitant par la ville après 1926. Grâce audit passeport, je pris part à deux reprises aux élections au Reichstag. Je votai, bien entendu, pour des communistes. Au bout de quelque temps, Ernst Wilhelm eut l'idée de tirer un certain profit matériel de son « mariage » avec moi, en invoquant le fait qu'en son temps Rosa Luxembourg avait eu-un geste pour !'Allemand qui s'était marié (également pour la frime) avec elle. Je refusai, cela va de soi. Il introduisit alors une demande en divorce. Pour dissoudre le mariage fictif, il nous fallait également un séducteur fictif. Je ne me rappelle plus qui joua ce rôle au tribunal. Après quoi, en 1925 semble-t-il, me parvint un fairepart officiel encadré de noir m'annonçant le décès d'Ernst Wilhelm 15 • Travaillant à l'Orgburo du P.C. allemand, j'étais frappée par le manque de discipline et l'inobservation des règles du travail clandestin · dont faisaient preuve les membres du Comité central du P.C.. allemand. Si l'un quelconque d'entre eux était en désaccord avec une résolution qui venait d'être prise, il pouvait sur-lechamp,- dans les couloirs, parler ouvertement de cette résolution et de sa propre position sur la question. Dans les rangs ·de notre parti, cela était inconcevable ; quant à moi, je ne pouvais absolument pas m'accommoder de pareille conduite. 15. Comment faut-il comprendre cette singulière coïncidence? Toutes les suppositions sont permises. - N.d.l.R. BibliotecaGino Bianco -., ) MATÉRIAUX D'HISTOIRE Avec le transfert de la direction du P.C. allemand aux mains de Ruth Fischer et de Maslow, j'étais convaincue qu'ils m'excluraient de l'Orgburo. C'est pourquoi je décidai d'utiliser ma vieille expérience du Parti en menant de front_ mon travail politique en qualité de dirigeant du Secours rouge avec un poste dans une quelconque institution légale. Cela me permit de lutter contre la ligne incorrecte de Ruth Fischer et de Maslow 16 , notamment sur la question de la participation des syndicats au travail politique et sur la nécessité pour eux de suivre une ligne bolchévique. J'étais membre d'un syndicat dans le secteur de Hallensee, où j'eus l'occasion de prendre souvent la paro]e. Je me rappelle qu'à Berlin, en 1923, se réfugièrent les participants au soulèvement avorté " de Hambourg. Ils n'avaient pas la moindre idée des règles de la clandestinité. L'un d'eux, par exemple, qui vivait illégale~ent chez un camarade, voulut vérifier si so'n pistolet était déchargé. Le coup partit. La balle traversa le plancher, ainsi que le plafond de l'appartement du dessous. Wilhelm Pieck et moi critiquâmes sévèrement ces camarades pour cet exploit. Or, à une réunion du Secours rouge, l'un d'eux déclara que, lorsqu'ils prendraient le pouvoir, ils pendraient W. Pieck et Herta aux premiers réverbères. Pieck répondit que, bien entendu, c'était leur affaire, mais que, en attendant qu'ils soient au pouvoir, il appartenait au Comité central du Parti de leur dicter des règles de conduite auxquelles ils étaient tenus de se plier. En travaillant comme représentant du Comintern à Berlin de 1921. à 1926, je pus constater les nombreuses erreurs commises par Zinoviev en tant que dirigeant du Comintern. En décembre 1925, étant allée à Moscou pour une réunion du Comité exécutif du Comintern A • ' en m~me temps que pour assister au congres du Parti, par l'intermédiaire de Mekhlis 17 qui dirigeait alors le secrétariat de J .V. Staline, je proposai à ce dernier de m'utiliser, comme je connaissais trois langues étrangères, pour assurer à notre parti des informations exactes sur les pays et partis étrangers. Ma proposition fut acceptée. C'est ainsi qu'à partir de février 1926, je travaillai au bureau d'information du Comité centr~l çlu Parti. H. D. STASSOVA. (Traduit du russe) 16. Assassiné à La Havane en 1941 par les agents de Staline. - N.d.l.R. 17. Mort mystérieusement peu avant Staline, en mars 1953. - N.d.l.R.

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