YVES LÉVY les oppositions non seulement n'ont jamais eu un chef unanimement reconnu, mais n'ont même jamais songé à mettre en lice des chefs particuliers. Les hommes qui se sont présentés n'engageaient guère qu'eux-mêmes, et les candidatures ont conduit les forces d'opposition à des calculs et à des manœuvres, au lieu d'être ... l'occasion d'une grande bataille politique. Quoi qu'il en soit, il faltait considérer que les 42 % du général de Gaulle formaient le plein de ses voix, et que sa victoire n'était assurée que si l'abstention s'étendait à plus de 16 % du corps électoral, les adversaires ne pouvant alors recueillir à eux tous que _moins de 42 % des voix. De ce point de vue, il est à peine besoin de rappeler que l'I.F.O.P. a perpétuellement laissé fausser le résultat des sondages, car on présentait des pourcentages par rapport aux opinions exprimées, alors que seuls des pourcentages par rapport aux personnes interrogées constituaient un élément approximatif pour une représentation de l'opinion publique. La seconde observation c'est que, des candidats de cette époque-là, deux seulement demeurèrent candidats jusqu'au 5 décembre 1965. Or les chiffres qui leur étaient attribués à la fin de 1964 se trouvent fort voisins de ceux qu'ils recueillirent effectivement un an plus tard. Le point essentiel, pour reconnaître cette permanence, c'est de tenir compte (comme on a dit) des pourcentages par rapport aux personnes interrogées, non par rapport aux personnes qui consentent à répondre - ce qui confirme que, pour une bonne part, ceux qui se taisent ne sont pas des indécis, mais des muets. On a vu qu'à Charles de Gaulle, à la fin de 1964, l'I.F.O.P. accordait 42 % des voix, à Tixier-Vignancour 4 % . Appliquons à ces chiffres le coefficient minimal d'erreur que nous avons trouvé pour le 5 décembre, jour où l'honnêteté de l'I.F.O.P. est certaine. A Tixier-Vignancour, représentant d'une opposition, nous ajouterons 13 % : cela porte ses voix à 4,52 % du corps électoral. Un an plus tard, le 5 décembre 1965, il aura 4,44 % des voix. Quant à Charles de Gaulle on peut, pour bien des raisons, imaginer que l'enquête de l'I.F.O.P. l'avantage de 13 % . Otons-lui ces voix supplémentaires, et le voici, à la fin de 1964, à 36,54 % des inscrits. Un an plus tard, le 5 décembre 1965, ses voix représenteront 36,78 % des inscrits. Son audience n'a donc pratiquement pas varié au cours de 11 dernière année de son premier septennat. Est-ce seulement au cours de cette année-là que l'audience du président est demeurée égale ? Non. La chose vient de beaucoup plus Biblioteca Gino Bianco 41 loin. Dans le numéro qu'on a cité, Réalités parle « d'une grande stabilité par rapport aux sondages du printemps et de l'été dernier notamment en ce qui concerne le nombre des personnes favorables au général de Gaulle ». Voilà qui porte cette stabilité à une vingtaine de mois. Et si nous remontons le cours du temps, nous serons conduits à nous demander ce qu'était la popularité du général de Gaulle quelque trois ans avant l'élection présidentielle, au moment où, en octobre 1962, il soumettait au référendum cette réforme constitutionnelle qui lui semblait le point lumineux dont l'éclat ferait entrer dans la pénombre tout le reste du texte constitutionnel. Il multiplia alors les appels à l'opinion publique pour assurer à la République ce palladium qui, tel le sabre de M. Prudhomme, assurera la pérennité des institutions, et au besoin permettra de les détruire. En dépit de ses efforts, son projet ne recueillit que 46,44 % des voix des électeurs inscrits. Compte tenu des antigaullistes partisans de la réf orme - n'oublions pas que celle-ci est alors prônée depuis plus de six ans par de farouches adversaires du président, et qu'elle séduit des gens dans tous les partis - la popularité du général de Gaulle ne doit guère, à ce momentlà, dépasser ce qu'elle sera le 5 décembre 1965. Et l'on est d'autant plus fondé à penser ainsi que le mois suivant, aux élections législatives, malgré les adjurations du chef de l'Etat - qui, pour accabler ses adversaires, abuse et de son prestige et de sa fonction et des avantages techniques qu'il tire de celle-ci - plus de la moitié des électeurs qui ont approuvé la réforme constitutionnelle se refusent à voter pour les candidats gaullistes. Le 28 octobre 1962, la réforme avait été approuvée par 13.150.516 électeurs. Trois semaines plus tard, les candidats ayant une investiture gaulliste, quelle que soit leur étiquette, recueillent 6.548.036 voix, soit 23,78 % des inscrits. Il ne semble donc pas terriblement aventuré d'imaginer qu'à cette époque l'audience personnelle du chef de l'Etat devait se situer quelque part entre ces deux pourcentages. Accordons-lui que le pourcentage réel ait été plus proche de 46,44 % que de 23,78 %, bien qu'ii soit certain que le pourcentage le plus élevé comprenne un bon nombre de ses adversaires, et nous voilà justement ramenés aux chiffres de décembre 1965. CE QUE FONT apparaître toutes ces analyses, c'est que toutes les données chiffrées - non seulement les données assurées (celle qui viennent des scrutins officiels), mais même
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