36 geois et villageoises ont essayé d'obtenir des papiers d'identité ne mentionnant pas leur qualité de kolkhozien, car ils en avaient honte. L'attitude condescendante ènvers le kolhozien ne s'explique pas seulement par le fait qu'on tient pour acquis qu'il a l'esprit lent. « Les racines de ce phénomène sont beaucoup plus profondes. » Il faut y voir la conséquence de la politique officielle menée depuis de nombreuses années, et qui inspire à Lapchine les réflexions suivantes : Au village, bien des gens, qui parfois tiennent les rênes, ont dans le sang la passion de faire la le~n, de donner des ordres, de distribuer les réprimandes et les punitions. Leurs sentiments civilisés ont fait place à un sentiment de supériorité sur ceux qui créent la richesse matérielle (ibid.) 17 juillet 1965). Dans la presse soviétique se font entendre de vives critiques contre la pratique récente consistant à transplanter à tort et à travers de minuscules hameaux et villages, en les regroupant sur· le modèle urbain. A en croire ces critiques, il ne s'agit pas simplement d'améliorer le bien-être matériel et culturel de la population rurale, mais de renforcer la surveillance politique. Le Parti s'inquiète de constater que vivre dans des petits villages dispersés « force les gens à mener une existence isolée », les coupe de la société et de son influence- .politique, préserve les vieilles mœurs, bref, est incompatible avec l'édification de la société à partir des préceptes communistes (Kommounist, 1965, n° 3, p. 86). Ce que la revue _théorique du Comité central traduisait ·un peu plus tard en ces termes : · Il est parfaitement évident q~e l'homme de la société communiste ne peut être éduqué que si sa vie tout entière est reconstruite sur des principes communistes, matériellement et spirituellement, au travail et dans son existence quotidienne (ibid.) 1965, n° 6. p. 68). Néanmoins, le reclassement fondamental de la vie à la campagne effectué conformément au nouveau programme du Parti par la création d' « agrovilles » s'avère tout aussi inacceptable pour l'Etat que pour la population, étant donné le niveau actuel de la production agricole (ibid., n ° 3, pp. 85-86). Le lopin individuel et le cheptel· privé du kolkhozien sont une source importante de produits agricoles à la fois pour la ville et pour la campagne. L'expérience a démontré que la production coopérative dans les kolkhozes et les sovkhozes-n'est pas en état BibliotecaGino Bianco -~ \ L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE de satisfaire les besoins du peuple. C'est là la seule explication de la levée des restrictions concernant l'exploitation subsidiaire, approuvée par les successeurs de Khrouchtchev dès leur arrivée au pouvoir. Les agrovilles sont reconnues comme étant incompatibles avec la survivance du lopin et des étables individuelles : Il est parfaitement inconcevable de morceler vingt lopins de tette autour d'un lotissement réparti sur vingt pâtés de maisons, d'y construire vingt granges, vingt étables et vingt poulaillers (Molodoï. Kommounist) 1965, n° 9, p. 70). En prenant comme exemple Kalinovka, le villa2e natal de Khrouchtchev, Molodoï Kommounist brossait un tableau typique des résultats de la nouvelle politique : Lorsque les membres d'une commission officielle vinrent inspecter les lieux -d'habitation et le tran-tran quotidien des heureux colons de fraîche date, leur stupéfaction fut grande. Ils découvrient que dans les salles de bain, dans des baignoires éclatantes de blancheur, les locataires préparaient la pâtée pour les. cochons. Est-ce absurde ? Est-ce de l'ignorance et de la stupidité ? Pas du tout : ce n'est qu'une triste nécessité (ibid.) p. 68). Pareille aventure arriva à l'un des « villagesmodèles » des environs de Moscou : les sovkhoziens préférèrent abandonner leurs « confortables demeures ». Après beaucoup de tracas, ils obtinrent des lopins et construisirent des maisons « avec des planches d'occasion ». Tout cela parce qu' « il est presque impossible d'ache'- ter des légumes frais et du lait au magasin. Or les gens ont des enfants à nourrir. Il leur faut donc renoncer à leur confort contre un potager et une vache » (ibid.). Après avoir montré la faillite de la théorie et de la pratique en vue d'effacer les différences entre la ville et la campagne par la création d'agrovilles, le journal tire la conclusion suivante : La pratique a indiscutablement démontré que la vie est beaucoup plus complexe que veulent bien le dire les vaillants champions de la logique administrative, fût-elle la plus persuasive et la plus rigoureuse. Ainsi, la vie elle-même, et plus spécialement l'état de l'agriculture soviétique, ont une fois de plus contraint les dirigeants à ajourner l'exécution de leurs plans tendant à réorganiser la société rurale sur des principes communistes.. .VALERY M. ALBERT. (Traduit de l'anglais)
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