Le Contrat Social - anno X - n. 1 - gen.-feb. 1966

LA VIE AUX CHAMPS EN U. R. S. S. par Valery M. Albert L A Komsomolskaïa Pravda, organe des jeunesses communistes, a alimenté il y a peu une rubrique intitulée : « Le forum agricole ». Elle était destinée à susciter la discussion parmi les lecteurs sur le sujet suivant : « Comment inciter les jeunes à travailler dans l'agriculture ? ». M. N. Lapchine, diplômé de l'académie d'agriculture Timiriazev et président du kolkhoze Héritage de Lénine, était chargé de commenter le courrier des lecteurs. Le 17 juin 1965, à l'ouverture de la campagne, Lapchine remarquait que « nos correspondants sont, dans le fond, d'accord sur un point : la campagne a le plus grand besoin d'un apport constant de sang jeune et sain ». Selon Lapchine, une lettre du secrétaire du Komsomol dans un kolkhoze de l' oblast (région) de Kalinine résume fort bien la situation générale : Je suis inquiet pour l'avenir de notre ferme collective. Les jeunes gens qui partent pour l'armée ne reviennent pas ; de leur côté, les jeunes filles disparaissent de leurs villages. Et il ne sert à rien de prétendre que la mécanisation remplace en somme le travail de l'homme, ou encore que la main-d'œuvre aujourd'hui disponible suffit à peu près à la tâche. Une machine a besoin d'être surveillée par une personne en bonne santé et, qui plus est, qualifiée, et non par un vieillard à demi illettré (...). Maintenant plus que jamais, les organes dirigeants devraient se préoccuper de mobiliser les jeunes à la campagne. On ne peut guère compter sur l'enthousiasme manifesté par beaucoup de ceux qui travaillent aujourd'hui dans l'agriculture. Des exemples tirés de deux autres lettres suffisent à illustrer le ton général de la « discussion ». Une certaine R. Moukhatcheva, de l'oblast de Kirov, écrit : « Les champs sont déjà envahis par les arbres. Il n'y a personne pour travailler, jeune ou vieux » (Kom. Prav., 31 juillet 1965 ). N. Bourkalova, du village de Doubrovintsa, dans l'oblast de Moscou, ne mâche pas ses mots : Biblioteca Gino Bianco Il n'est pas sorcier de comprendre pourquoi les jeunes fuient la campagne. Y vivre aujourd'hui n'est pas intéressant. Mais comment faire pour les garder, pour les ramener, les séduire, voilà la question. Je ne pense pas qu'il soit juste de leur jeter la pierre. Le fait est que, dans maints endroits à la campagne, il n'y a ni club ni bibliothèque, et que souvent il n'y a pas de quoi se baigner (ibid., 13 août 1965). D'autres journaux soviétiques ont également décrit l'exode massif des jeunes, spécialement des plus cultivés. Le président du kolkhoze Progrès, oblast de Koursk, a déclaré à la Pravda que « depuis trois ans, pas un seul diplômé d'une école secondaire n'est resté au kolkhoze » (9 avril 1965). N. Ovsiannikova, jeune fille ayant terminé ses études dans une école de village dans cette même région, affirme : « Au kolkhoze Kirov, nous n'avons pratiquement aucun jeune. Les parents conseillent à leurs enfants d'aller à la ville » (ibid.). A une récente réunion du comité du Parti pour la région de Moscou, il a été révélé que sur 33.000 diplômés des écoles secondaires des secteurs ruraux de la région, cette année 1.000 seulement, soit quelque 3 % , sont demeurés dans les kolkhozes et les sovkhozes (ibid., 19 sept. 1965): Ainsi, il est patent que l'exode des jeunes qui fuient le village a lieu dans tout le pays et à une grande échelle. Les raisons que l'on donne sont nombreuses : salaire bas, et qui plus est, non garanti ; mécanisation insuffisante ; organisation du travail déficiente ; d'une manière générale, mode de vie arriéré dans les campagnes. La revue du Comité central du parti con1muniste de l'Union soviétique écrit : La campagne n'attend pas seulement que soient résolus une série de problèmes économiques qui affectent sa vie de tous les jours. Elle a besoin d'une révision complète de sa base culturelle, d'un accroi - sement substantiel des facilités en matière d'instruction ( ...). Certains centres de rayons n'ont même pas

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