LE MARTYROLOGE DU COMINTERN* par Branko Lazitch « L'U.R.S.S. accorde le droit d'asile aux citoyens étrangers poursuivis pour la défense des intérêts des travailleurs ou en raison de leur activité scientifique ou de leur lutte pour la libération nationale. » Art. 129 de la Constitution « stalinienne » de 1936. L ES DIRIGEANTS COMMUNISTES ÉTRANGERS victimes des massacres ordonnés par Staline sont à peu près complètement voués à l'oubli. Leurs collègues bolchéviks qui connurent le même sort eurent au moins droit à une certaine publicité. A l'époque même où ils furent exécutés, on pouvait déjà soupçonner l'ampleur approximative des « épurations » du fait des procès monstres ou d'après la disparition subite de très nombreux dignitaires du Parti. Beaucoup plus tard, la « déstalinisation » et les procédures de réhabilitation politique ou légale, entamées au XXe Congrès (février 19 5 6) et poursui vies depuis lors, devaient donner à ces victimes un regain d'actualité. Les chefs communistes étrangers furent liquidés sans procès public et sans que leur exécution fût mentionnée. De plus, ils n'eurent pas droit à une réhabilitation posthume (exceptés Bela Kun, plusieurs Polonais et quelques Yougoslaves). Ainsi, le silence qui entoure leur sort depuis les années 1936-39 a eu pour effet de les rayer de toute mémoire. ,,*.,,. L'EXTERMINATION des communistes étrangers qui vivaient en U.R.S.S. commença au moment même où Staline promulguait la • Voir note 1péclale, page 348, Biblioteca Gino Bianco Constitution « la plus démocratique du monde » qui garantissait explicitement le droit d'asile aux communistes étrangers. Elle se poursuivit durant toute la période des grandes « purges ». Ce n'est que lorsque les archives de la police soviétique seront rendues publiques que l'on pourra connaître le nombre des victimes de la furie homicide de Staline. Car celle-ci v1sa1t à la fois les dirigeants et les militants, voire même de simples ouvriers venus s'installer en Union soviétique. Or s'il est relativement facile d'enquêter sur le sort des chefs, connus dans leurs partis respectifs et dans la hiérarchie du Comintern, il est impossible de le faire pour les simples militants et les ouvriers réfugiés en U.R.S.S. Que les collectivités communistes étrangères aient été frappées à mort par Staline, on en trouve la confirmation - moins les détails - dans les rares révélations de survivants. Arvo Tuominen, ex-chef du P.C. finlandais et membre suppléant du Présidium du Comité exécutif du Comintern jusqu'à la fin de 1939, a écrit : « Au moins 20.000 Finlandais ont été conduits aux camps de concentration, et il y en eut autant, en pourcentage, parmi les communistes des pays limitrophes de l'U.R.S.S. à avoir été exterminés 1 . » Les témoignages sur le sort de l'émigration communiste yougoslave indiquent également que furent liquidés, non seulement les dirigeants, mais aussi des militants, des ouvriers, des réfugiés. Bozidar Maslaritch, qui vécut en U.R.S.S. au début et à la fin de la grande purge, devait déclarer plus tard : « Notre émigration [ yougoslave J a subi parmi toutes le sort le plus cruel. Sa grande 1, A. Tuomlncn : L"s Cloches du Kremlin, p. 216. , ,
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