Le Contrat Social - anno IX - n. 6 - nov.-dic. 1965

LE CONTRAT SOCIAL d'armistice, n'a pas été respectée davantage. Quant à· la démilitarisation de part et d'autre de la ligne de démarcation, prescrite par l'accord, les Français seuls l'ont réalisée en partant, ainsi que les Sud-Vietnamiens en réduisant leur armée à 200.000 hommes, tandis que l'armée du Nord forte de sept divisions en 1954 s'accroissait jusqu'à vingt divisions (sans doute en vue d'un piquenique ?). La Conférence de Genève fut donc une du,rerie au profit des seuls communistes et sa réedition aurait des conséquences irréparables. Le gouvernement de Washington en a conscience et résiste non sans motifs aux pressions de ses alliés qui l'incitent à retirer ses troupes avant toute négociation de paix. Mais en même temps il méconnaît une donnée essentielle de la situation en s'abstenant de l'action politique nécessaire dans cette sorte de guerre. Un éditorial du New York Times, le 16 décembre, est très significatif à cet égard. Constatant que les Etats-Unis « ne trouvent pas la compréhension et l'aide de l'Europe occidentale, à l'exception des Britanniques engagés eux-mêmes en Asie du SudEst », l'article dit que « les gouvernements européens à l'ouest et au sud du rideau de fer sont anticommunistes, mais ne voient plus le communisme comme un danger immédiat pour leur existence ». Formulation inexacte, car par exen1ple en France, en Italie, en Suède, les gouvernements ne sont nullement anticommunistes, ils se montrent au contraire plutôt complaisants au communisme, ce qui explique qu'en effet les Etats-Unis « ne trouvent pas la compréhension et l'aide » qui leur sont dues par leurs alliés. Et tout cela pour quelle raison ? Parce que Washington laisse à l'ennemi le champ libre sur le plan de la guerre politique. L'éditorial du Times ne,v-yorkais participe de l'état d'esprit des gouvernements européens qu'il met en cause, quand il reproche au secrétaire d'Etat américain de ne pas envisager assez explicitement « les compromis et les concessions qui font partie de toute négociation », de ne pas proclamer assez haut son désir de « discussions inconditionnelles qui pourraient conduire à une solution excluant une victoire inconditionnelle ». Cela revient à soutenir la thèse des communistes et de leurs auxiliaires de toutes sortes, à recommencer sans excuse l'expérience désastreuse de la Conférence de Genève au sujet de laquelle M. Hanson Baldwin, le critique militaire du même Times, a pu écrire le 21 juillet 1954 : « Les communistes ont remporté une autre yictoire majeure dans la lutte pour la conquete du monde. » Le gouvernement de Pékin ne fait pas mystère de ses desseins impérialistes reels sous le couvert de la lutte contre un impérialisme i1naginaire. Le 2 septembre dernier, Tchou Enlai déclarait inacceptables les négociations proposées par les Etats-Unis, sauf retrait préalable des forces américaines, c'est-à-dire à condition que les Américains reconnaissent le_ur défaite. En même temps, le maréchal l..10 Piao, chef de l'armée chinoise, comparait l'Amérique du Nord et l'Europe à des cités Biblioteca Gino Bianco 383 assiégées par les peuples paysans d'Asie, d'Afrique et d'An1érique latine. Selon ce grand stratège, disciple délirant de Mao, la civilisation occidentale est désormais assiégée par le mouvement révolutionnaire universel des masses rurales qui livre au Vietnam une bataille annonciatrice de bien d'autres. C'est pourquoi les communistes vietnamiens doivent mener leur guerre sans cr~indre les engins nucléaires que les Américains ne se permettront pas d'utiliser par peur àe l'opinion internationale. Une référence aussi explicite à la guerre politique visant à paralyser les Etats-Unis, à miner leur moral et à les isoler de leurs partenaires, une telle référence et de telle source devrait éclairer à Washington les dirigeants responsables. Dans le même esprit, un représentant Vietcong à Moscou déclarait le 15 décembre : « En combinant habilement la lutte politique et la lutte militaire, nous déjouons tous les plans américains de pacification du Sud-Vietnam. » Cela est encore plus vrai sur la scène internationale où la lutte, exclusivement politique, bat son plein à sens unique. A son tour, le maréchal Chen Yi, ministre des Affaires étrangères, disait le 29 septembre que la Chine, « non seulement est prête à affronter une agression américaine, mais souhaite même qu'elle ait lieu demain », avant de complimenter en passant « le général de Gaulle, devenu maintenant un ami de la Chine >>. Abstraction faite de la fanfaronnade et de la prévision mensongère d'une agression hors de question, ce Chen Yi sousentend, comme Lin Piao, que les Etats-Unis rongés de co1nplexes et de scrupules, réprouvés par leurs alliés traditionnels, blâmés par les faux neutres, insultés par les pays communistes et leurs satellites, assaillis par les libéraux et les pacifistes de partout, n'oseront jamais user de leurs grands moyens pour venir à bout d·e la Chine conquérante. Le salut à de Gaulle ne saurait faire oublier que « l'encerclement des cités par les zones rurales » englobe la France qui fait partie de l'Europe occidentale classée par Lin Piao avec l'Amérique du Nord dans les « cités » à encercler, n'en déplaise aux maquignons français de l' « amitie chinoise >>. Le secrétaire d'Etat américain a rapporté, le 14 déce1nbre, au Conseil atlantique : « ... Les Chinois disent qu'il n'y a rien à discuter à moins que nous ne capitulions à Formose. » Et il avait heureusement affirmé d'abord : « Si nous ne remplissions pas nos cngage1nents dans une partie du inonde, vous feriez bien de vous poser la question de ce que valent nos ·engagements ailleurs. » Quoi de plus évident ? Les Américains défendent au Vietnam non seulement le Vietnam n1ais Je Cambodge, le Laos, la Malaisie, tout le Sud-Est asiatique, et par conséquent protègent l'avenir de l'Europe et du monde. On peut critiqt~er _le rnodus operand[, no~ réprouver le princ1 pe. On peut s'1nquicter des Ïf!lpèlications de I' « escalade », tern1e que rcp lent tant de J~crroquets snns Je comprendre. On ne saurait contester la néccs ité de tc,nir les con1munistcs en respect, là où ils !lcchninent les plus c·ruell('s violences pour 1111poscrleur drspotisrnc sans litnites.

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