LE CONTRAT SOCIAL On pense à la phrase de Nietzsche que cite Gorki dans une lettre à Tchékhov et selon laquelle « les écrivains sont toujours les laquais d'une certaine morale ». Nietzsche ne pouvait certes pas prévoir les Cholokhov, les Sartre et leurs congénères, véritables laquais de l'immoralité la plus immorale. Tandis que nous, contemporains d'Hitler et de Staline, témoins de la décadence morale vertigineuse de notre civilisation scientifico-technicienne, nous subissons les conséquences infectieuses de l'hitlérisme et du stalinisme qui engendrent tant de sartres et de cholokhovs, mais nous serions sans excuse de philosopher en silence quand se préparent, avec la connivence d'une académie scandinave en délire, les jours sinistres des tragédies futures. Les communistes et les prix Nobel L'attitude du pouvoir soviétique vis-à-vis des prix Nobel, exclusivement inspirée de considérations politiques, varie selon les circonstances. Elle se reflète dans les éditions successives des Encyclopédies soviétiques soumises aux consignes dictées par le Secrétariat du Parti. La 1re édition de la Petite Encyclopédie Soviétique, t. V de 1931, col. 805, fait suivre la notice, sommaire et neutre, sur le prix Nobel, de la mention suivante : Il est caractéristique que ce dernier prix [celui de la paix) pour 1925 ait été décerné (« pour travaux favorisant le triomphe de l'idée de paix») aux ministres des Affaires étrangères d'Angleterre, de France et d'Allemagne - Chamberlain, Briand, Stresemann comme partenaires de la conférence de Locarno, et pour 1926 au général Dawes, auteur du fameux plan de paiement des contributions imposées à l'Allemagne. A cette date, la politique étrangère soviétique est braquée contre les grandes démocraties occidentales. Mais dans la 2c édition du même ouvrage, t. VII de 1938, col. 507, tout est changé, ladite mention a disparu, remplacée par celle-ci, visant les « fascistes », en l'occurrence les nazis (la même épithète étant appliquée par les communistes russes aux hitlériens et aux fascistes) : En 1936, le prix pour « travaux contribuant au triomphe de l'idée de paix » fut décerné au pacifiste et écrivain antifasciste allemand connu Karl von Ossietski, longtemps incarcéré dans une prison fasciste. L'attribution de ce prix suscita la protestation du gouvernement fasciste allemand et Ossietski fut empêché d'aller en Norv6ae pour recevoir le prix. On remarquera que cette attitude du gouvernement « fasciste allemand » devait être, vingt-deux ans plus tard, celle du pouvoir soviétique vis-à-vis de Pasternak, une des mille similitudes qui apparentent étroitement les communistes aux nazis. La Grande Encyclopédie Soviétique, pe édition, t. 42 de 1939, col. 180, reproduit les textes précédents et ajoute ce qui suit : La aouvemement1 bourgeois des plus 1ro1 pays capitalistes, à l'aide de toutes 1orte1 d'intriaua, obtiennent l'attribution des prix Nobel (1urtout celui de la paix) à leurs cr6atures. Au total les prix Nobel furent 10uvent décem6a non pour 1ervlce1 rendus effectivement à 1■ aclence, à la lltt6rature, à la lutte contre la auerre, mai, pour la lnt6rft1 politiques da Etats bouraeoi1. Biblioteca Gino Bianco 381 La 2~ édition de la Grande Encyclopédie Soviétique, tome XXX de 1954, donne p. 44 des appréciations à retenir : Ainsi, en 1947, le prix Nobel de littérature a été reçu par l'écrivain français André Gide qui, dans les années de la deuxième guerre mondiale (1939-45), collabora avec les hitlériens. En 1950, le prix de littérature fut donné au philosophe réactionnaire anglais lord Bertrand Russel. Reçurent le prix de la paix des hommes politiques comme T. Roosevelt (1906), président des U.S.A., partisan de l'expansion impérialiste américaine, et le général G. Marshall (1953), étroitement lié aux plus grands monopoles, et qui mène activement une politique de remilitarisation de l'Allemagne préparant une nouvelle guerre. En matière de « collaboration » avec les hitlériens, selon l'acception communiste du terme, il faudrait comparer de plus près l'attitude d'André Gide à celle de M. Sartre sous l'occupation allemande. Mais à chaque jour suffit sa peine. Dans la 3e édition de la Petite Encyclopédie Soviétique, t. VI, col. 649, de 1959, donc après l'affaire Pasternak, la notice supprime les lignes ayant trait à l'affaire Ossietski, les deux cas étant trop manifestement similaires, et s'enrichit des lignes suivantes pour tenir compte des récompenses accordées à des Russes tout en grognant au sujet de Pasternak : Les prix Nobel pour mérites scientifiques furent décernés à nombre de savants éminents, mais cependant dans une série de cas, surtout pour des œuvres littéraires et des activités politiques, les décisions sur l'attribution des prix sont dictées par les intérêts des cercles réactionnaires. D'autre part, les dirigeants soviétiques mieux informés des possibilités d'agir désormais auprès de l'Académie suédoise « à l'aide de toutes sortes d'intrigues », selon leur propre expression, sont arrivés à leurs fins en imposant le candidat dégoûtant que l'on sait, avec le concours d'un Sartre et d'autres « laquais » de même acabit. Mais citons d'autres ouvrages soviétiques de référence pour caractériser la prostitution de ce M. Sartre aux communistes. Le Petit Dictionnaire Philosophique, 3e édition, Moscou 1952, enseigne ce qui suit, p. 595 : Les renégats du « mouvement de la résistance», Sartre, Camus et leurs compagnons, s'efforcent de salir la lutte contre le fascisme, la lutte révolutionnaire des travailleurs pour le socialisme, la lutte de l'humanité progressiste pour la paix et la démocratie, prêchant le nihilisme intellectuel et moral, le mépris de la science et de la moralité. Ils font penser à la bande des écrivains réactionnaires à la mode au temps de la réaction de Stolypine en Russie, qui « démolissaient » le marxisme, bafouaient la révolution, exaltaient la trahison et chantaient la débauche sexuelle sous le nom de « culte de la personnalité » (... ). La sophistique des existentialistes défend ainsi les turpitudes de l'impérialisme, justifie la trahison et calomnie les mouvements sociaux progressistes. Les impérialistes se servent largement des existentialistes pour « éduquer » des cadres de vendus et de traîtres aux intérêts de classe et de nation. Le manque de place exige d'écourter cette diatribe de haute intellectualité. Mais dans l'édition française de 1955, ces passages instructifs ont disparu : les intéressés se sont entendus dans la coulisse comme larrons en foire. Et dans la nouvelle édition russe de 1963, des mêmes auteurs, on peut lire p. 397 que Sartre ... ...se trouva dans les rangs de la résistance française pendant la deuxième guerre mondiale; mène une lutte active contre la renaissance du fascisme et pour la paix: membre du Conseil mondial de la paix. On en reparlera, d'autre part, de cette « résistance » que les communistes ont stigmatisée sous le nom de « collaboration ». La Fondation Nobel professe que son prix de littérature doit être décerné « à la personne qui aura produit, dans le domaine de la littérature, l'œuvrc la plus marquante de tendance idéaliste » ( textuel). En fait d'idéalisme, l'Académie suédoise honore donc de nos jours le cynisme, la vulgarité, le charabia, l'imposture. Elle ne saurait trahir plus ouvertement les intentions du fondateur, Alfred Nobel.
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