366 responsabilité là où n'entre pas une source de danger accru n'est pas si facile à établir ; en pareil cas, la responsabilité pour les dommages causés nécessite une preuve de la faute. Ainsi le conducteur d'une automobile, et plus spécialement le propriétaire privé ou le locataire, qui n'ont pas une organisation d'Etat derrière eux en tant que possesseur de véhicule, ne sont pas, en puissance, dans une situation enviable : aussi prudemment qu'ils conduisent, s'ils ont un accident, ils auront presque inévitablement à bourse délier 23 • En règle générale, les jugements concernant les accidents de la route en U.R.S.S. ne sont pas aussi circonstanciés qu'ils le sont en Occident. Certes, la compensation pour les souffrances endurées et autres aspects de ce que les Soviétiques appellent « dol moral » (moralny vried) n~est pas reconnue. Cependant, le montant des dédommage1nents est considérable, surtout par rapport au niveau des salaires. La perte potentielle est sans doute suffisamment élevée pour inciter le citoyen responsable à réfléchir à deux fois aux avantages qu'il y a à posséder ou à louer une voiture. La solution de ce problème, au moins du point de vue du possesseur d'une voiture, consisterait naturellement en une assurance. Jusqu'à présent, cette solution n'a pas été adoptée par l'Etat, probablement en partie parce que le concept de la possession d'une voiture en sortirait embelli. Cependant, le nombre croissant d'accidents a fait que, ces dernières années, il a été question de mettre sur pied ce genre d'assurance. Les dispositions en vigueur prévoient une combinaison d'assurance obligatoire et volontaire pour les véhicules à moteur appartenant à l'Etat et aux organisations publiques, alors que les véhicules appartenant à des particuliers peuvent bénéficier de l'assurance volontaire. Pour cette dernière, il ne s'agit cependant pas d'une assurance aux tiers : seul le véhicule de l'assuré est couvert. Les « Règles d'assurance volontaire concernant les biens meubles et les moyens de transport appartenant à des citoyens » 24 accordent pour les automobiles jusqu'à 1.000 roubles en cas de dommage causé par l'incendie, l'ouragan, les orages, etc., et, si la chose est spécifiée dans le contrat, en 23. Cette conclusion ne découle pas nécessairement de la loi telle qu'elle est énoncée, mais elle ressort des décisions judiciaires publiées. 24. Ces règles ont été adoptées par le ministère des Finances de !'U.R.S.S. le 8 septembre 1958. On peut les trouver dans le Recuefl des ordonnances et instructions concernant les questions financières et économiques, n° 4, avril 1959. Bib·liotecaGino Bian·co L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE cas de dommage résultant d'une collision. Mais les chançes de pouvoir toucher quoi que ce soit semblent sujettes à caution, étant donné le caractère nébuleux des fameuses Règles. Celui qui loue une voiture ne ·peut même pas disposer de cette assurance, si précaire soitelle. Plus importante est l'assurance aux tiers. Ces dernières années, le pour et le contre ont été pesés dans plusieurs revues juridiques. Ceux qui la préconisent font valoir qu'elle assurerait à la fois à l'Etat et aux particuliers le recours envers un conducteur insolvable ; elle protégerait les intérêts de l'Etat en tant que propriétaire de l'automobile de louage ; enfin, elle éviterait des pertes importantes à la fois aux locataires et aux propriétaires privés. De leur côté, leurs adversaires soutiennent que l'assurance réduirait la force de dissuasion de la responsabilité pénale ; pour eux, cette assurance est en réalité « antisocialiste » : « L'institution de l'assurance aux tiers, si répandue dans la société capitaliste, est par principe absolument inacceptable pour la société et le droit socialistes 25 • » Un aütre spécialiste remarquait cependant que ladite assurance, si .« antisocialiste » soit-elle, n'en avait pas moins été adoptée par la Tchécoslovaquie, la Pologne et la République démocratique allemande 26 • Dans cette dispute, la logique semble bien être du côté de ceux qui prônent l'assurance aux tiers ; mais il est vraisemblable que la question ne sera pas tranchée sur le simple terrain de la logique. L'absence de cette assurance sert à refroidir l'enthousiasme du particulier pour la conduite d'une voiture, ce qui, dans les circonstances présentes, est désirable du point de vue des autorités. Ce n'est donc qu'à contrecœur que, le cas échéant, elles admettraient une modification du statu quo. Mais si l'on se propose vraiment de mettre sur pied un vaste système de location de voitures, il est évide1,1tqu'il faudra, à un moment ou à un autre, élaborer une assurance qui protège à la fois le particulier qui loue une voiture et l'organisme de location. L'assurance pourrait ne pas être étendue aux propriétaires privés, ce qui rendrait la propriété individuelle encore moins alléchante. PouR RÉ8UMERl,a situation de l'amateur de voitures en Union soviétique n'a rien d'enviable. Une procédure extrêmement longue et corn25. V. Rakhmilovitch in Justice soviétique, 1962, n° 4, p. 21. 26. N. Maleïne, ibid., 1962, n ° 11, p. 22.
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