Le Contrat Social - anno IX - n. 6 - nov.-dic. 1965

346 au IVe Congrès du Comintern en 1922, élève de l'Académie politico-militaire Lénine à Léningrad de 1925 à 1928, commissaire de brigade à l'Armée rouge au moment de son arrestation durant la grande purge 46 • La raison des massacres L'AMPLEURGIGANTESQUdEe ces assassinats a inévitablement amené les victimes d'abord, et ceux qui ont étudié la question ensuite, à s'interroger sur les causes et les critères de ce bain de sang. C'est ainsi qu 'Herbert Wehnert, témoin de ces crimes, écrit : « Je n'ai pas pu discerner un quelconque système dans ces mesures précipitées et bouleversantes (...). Quelle' ligne suivait-on avec toutes ces arrestations en masse, condamnations, liquidations, destitutions et, en général, avec toutes ces mesures qui créèrent une psychose 47 ? » Pour arriver à serrer de près la vérité, il faut raisonner par élimination. Tout d'abord, il importe d'écarter sans discussion tous les actes d'accusation formulés par le système stalinien sur les « agents ennemis » et « espions étrangers » infiltrés au Comintern. Ensuite, on doit catégoriquement rejeter les pseudo-explications de certains Occidentaux qui se voulaient « objectifs » en affirmant qu'il s'agissait d'une lutte pour le pouvoir entre Staline et les « trotskistes ». « zinoviévistes ». « boùkhariniens », etc. Il ne pouvait y avoir la moindre lutte de ce genre pour la simple raison que les victimes étaient des étrangers, donc incapables même d'apparaître comme d'éventuels concurrents de Staline (ce qu'on pouvait à la rigueur imaginer pour les « bolchéviks-léninistes », mais seulement en apparence). Il ne s'agissait pas non plus d'épurer les éléments trotskistes, zinoviévistes, boukhariniens, etc., puisque la presque totalité des chefs communistes ~trangers arrêtés et assassinés avaient depuis toujours servi Staline contre Trotski, Zinoviev et Boukharine. Si quelques-uns avaient mal misé au départ de ces luttes au Kremlin, ils avaient depuis fort longtemps rallié Staline et cloué au pilori Trotski, Zinoviev et Boukharine. La vérité, fort différente des clichés politico-idéologiques, est ici fort simple : le nombre des dirigeants du Comintern exterminés par Staline dépasse, et de loin, le total de leurs congénères assassinés en Europe par Hitler, Mussolini et autres dictateurs ou semi-dictateurs entre les deux guerres ; et pour comble d'ironie, Staline 46. Rabotnitchesko Delo, 5 septembre 1962. 47. H. Wehnert, op. cit., pp. 151, 157. BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL a liquidé au Comintern beaucoup plus de staliniens que de trotskistes, zinoviévistes et boukhariniens. En recherchant la cause première de la furie meurtrière de Staline, il importe également d'écarter toute explication reposant soit sur le cas d'un seul parti du Comintern, soit sur un raisonnement exclusivement politique. A titre d'exemple, pour le premier cas, on peut citer cette explication des massacres des Polonais : « La purge de la couche supérieure tout entière du P.C. polonais, et finalement la dissolution complète du Parti tient à deux causes : d'abord, supprimer ce que Staline devait considérer comme un instrument inefficace et non sûr de sa politique, et, ensuite, mener une lutte préventive contre une opposition virtuelle. Ainsi l'on peut dire que le P.C. polonais, l'une des principales victimes de la grande purge, devint une des premières victimes du pacte StalineHitler 48 • » Or cette explication qui semble valable pour les chefs communistes polonais n'aide pas à comprendre le massacre des Baltes, des Finlandais, des Allemands, des Yougoslaves, des Roumains, etc., ni l'arrestation de leurs femmes et de leurs enfants. L'interprétation strictement politique, même étendue d'un seul parti à plusieurs, ne donne elle aussi qu'en apparence la clé. Relevons celle-ci d'un ancien membre de l'appareil du Comintern : « Je suis persuadé que la prise du pouvoir par Hitler et la tactique des communistes allemands et de l'Union soviétique dans la question allemande sont liées directement au triomphe du " culte de la personnalité " de Staline, et que la vague de terreur contre les communistes en Union soviétique est liée aux conséquences de la tactique suivie de 1931 à 1933. C'était aussi la conviction de nombreux communistes allemands et russes que j'ai connus dans les prisons et les camps de l'Union soviétique pendant les années de la terreur 49 • » Mais cela non plus n'explique pas le sort tragique des dirigeants baltes, finlandais, yougoslaves, roumains, etc., qui n'avaient rien à faire· ni de près ni de loin avec la politique de Staline en Allemagne avant 1933. Que certains dirigeants communistes allemands victimes de cette terreur aient pu penser que la cause essentielle résidait en' cela, n'a rien d'étonnant : ce n'est ni la première n_ila dernière fois que des victimes n'ont pas éompris la raison des malheurs 48. M. K. Dziewanowski : The Communist Party of Poland, An Outline of History, Harvard Univ. Press 1959 p. 54. ' ' 49. Survey, octobre 1962, p. 162.

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