YVES LÉVY ressant d'examiner pourquoi le talent de nos . ' Jours, .ne permet guère aux femmes d'accéder aux postes dirigeants dont jadis la naissance leur ouvrait le chemin. Le féminisme joua-t-il un grand rôle sous la Commune? Il ne le semble pas. MmeEdith Thomas, en effet, ne signale aucune revendication typiquement féministe. Mais la participation féminine à l'organisation civile et au combat fut importante, soit à titre individuel soit, collectivement, dans des groupements spécifiquement féminins. Dès le temps du siège de Paris, d'ailleurs, se créèrent des comités de femmes destinés à recruter des ambulancières et des cantinières, ou à organiser le travail des femmes - elles occupaient une place prépondérante dans les ateliers qui fournissaient tenues, équipements ou munitions - et un homme songea à former des légions d'amazones, que l'opposition de Trochu empêcha de naître. Le plus notoire de ces organismes - le Comité de vigilance des femmes du XVIIIe arrondissement - prolongea son existence sous la Commune. Louise Michel avait contribué à le fonder, et il comptait parmi ses membres la fill~ d'un général russe, et André Léo, que Mme Edith Thomas qualifie de grande journaliste. Non sans raison s'il est vrai qu'André Léo comprit mieux que personne que, pour triompher, Paris devait persuader les paysans que leur sort était lié à celui des insurgés de la capitale. Une autre Russe, qui avait vingt ans, et dont la naissance et l'éducation ne laissent pas de faire penser à la naissance et à l'éducation de Louise Michel, fonda sous la Commune l'Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. Cette Russe, Elizabeth Dmitrieff, était peut-être une émissaire de Karl Marx, et semble avoir donné à son Union, dit l'auteur, « toutes les caractéristiques d'un parti monolithique ». Dans les statuts de cette Union, MmeEdith Thomas a noté un article 14 qui prescrit que les sommes disponibles serviront « à l'achat de pétrole et d'armes pour les citoyennes qui comb~ttront ». « Il semble ridicule de penser, aJoute-t-elle, que ce pétrole est acheté dans un but d'éclairage. Le pétrole et les armes apparaissent sur le même plan. Ce sont des moyens de combat. » Les combattantes de la Commune, ou du moins certaines d'entre elles, furent donc bien des « pétroleuses », c'est-à-dire qu'elles contribuèrent très vraisemblablement à allumer ' au cours de l'ultime défense dans Paris, ces incendies qui n'étaient après tout, pour l'essentiel, qu'un moyen tactique destiné à faciliter le repli des fédérés et à gêner l'avance des troupes cMemies. « Je voulais opposer une barrière de Biblioteca Gino Bianco 245 flamme aux envahisseurs de Versailles », déclarera Louise Michel au 6e conseil de guerre, et ce nom de pétroleuse que l'adversaire articulait comme une qualification infamante, elle ne cessa de le revendiquer. Nous avons d'elle, sous les yeux, une lettre du 11 novembre 1880 au dessinateur Alfred Le Petit, où elle écrit notamment : « Vous n'avez pas besoin de moi pour faire ma caricature puisque vous avez des photographies de moi. Vous n'avez qu'à en mettre une sur un bidon de pétrole ; en prenant garde qu'il n'ait pas l'air d'une boîte au lait 5 • » Les femmes de la Commune, remarque l'auteur (p. 207 ), parurent à leurs adversaires, laides, sales et bêtes, mais belles, saines et joyeuses aux yeux de leurs camarades de combat. Mme Edith Thomas se garde de l'un et l'autre excès, et dans sa conclusion, elle indique que ces femmes ne furent ni les pures héroïnes que certains ont vues, ni les abjectes mégères que les autres ont dépeintes. Cela va presque de soi, mais il n'allait pas de soi que ce fût dit. Elle remarque aussi (p. 264) qu' « à part quelques exceptions, les femmes qui jouèrent réellement un rôle pendant la Commune, viennent ( ...) des classes aisées et embrassèrent la cause du socialisme pour des motifs intellectuels ». Sur quoi elle fait réflexion que l'homme (ou la femme) a « une marge de liberté » et n'est pas entièrement conditionné par son milieu social. On pourrait en déduire - assez différemment - que la masse n'est rien tant que l'esprit ne vient pas lui ouvrir les chemins de l'action. Le socialisme n'est pas une croyance populaire qui contamine les intellectuels des « classes aisées » : c'est une doctrine d'intellectuels qui se fait croyance et se répand dans les masses. MAIS IL Y A SOCIALISME ET SOCIALISME comme il y a fagots et fagots. C'est par où commence M. Jacques Rougerie, observant que, si ce sont surtout les marxistes qui écrivent l'histoire de la Commune et s'en disent les descendants légitimes, les libertaires peuvent contester cette filiation et revendiquer le droit d'inscrire le soulève111entde Paris dans leur propre histoire. Mais c'est là, dit-il, une « querelle d'héritiers probablement abusifs ». Quoi qu'il en soit, c'est de cette querelle que part l'auteur, c'est cette querelle qu'il cherche, sinon à résoudre, du moins à dépasser, par une 5. L'alinla qui suit m~ritc aussi d'être citl. Louise Michel poursuit : « Mais, je vous en supplie. point de bio(lraphie. A quoi bon des louanaes qu'on a tort de faire et tort t 'acC'epter quand on n'a fait que aon devoir. Honneur à la r6volution sociale, aloire à nos morts et à nos forçats, honneur à nos martyrs I Mais que tout s'adresse à la cause et rien à noa personnes. »
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