N. VALENT/NOV Les articles suivants, dictés en 1923, ne traitent de la révolution mondiale qu'en passant, sous une forme nouvelle il est vrai, et assez insolite. Au lieu de parler de la révolution socialiste dans les pays capitalistes avancés, Lénine l'envisage alors dans des pays orientaux arriérés, tels que l'Inde et la Chine. Dans son article : « Plutôt moins, mais mieux », il écrit : L'issue de la lutte dépend finalement de ce que la Russie, l'Inde, la Chine, etc., forment l'immense majorité de la population du globe. Et c'est justement cette majorité de la population qui, depuis quelques années, est entraînée avec une rapidité incroyable dans la lutte pour son affranchissement ; à cet égard, il ne saurait y avoir une ombre de doute quant à l'issue finale de la lutte universelle. A cet égard, la victoire définitive du socialisme est absolument et pleinement assurée. Si l'on compare ces lignes avec ce qu'écrivait et dictait auparavant Lénine à propos de la révolution mondiale, on voit combien il avait modifié ses idées. De l'Occident, son regard se tourne désormais vers l'Orient ... LES ARTICLES DICTÉS par Lénine en 1923 ne trouvèrent tout d'abord aucune audience parmi les dirigeants du Parti. Pendant près de deux années, jusqu'à la fin de 1924, ils restèrent quasiment ignorés. La raison en était, selon Piatakov, qu'aux yeux de « beaucoup, y compris les membres du Politburo, ces articles étaient assez mal venus, écrits alors que Lénine était en proie à une maladie qui sapait son moral» 20 • On sait que l'article de Lénine sur la réorganisation de l'Inspection ouvrière et paysanne et de la Commission centrale de contrôle fut accueilli si froidement pJ.r le Politburo qu'on ne voulut même p1s le publier. L'article sur la coopération, d'u.:.1cimportance exceptionnelle, terminé le 6 janvier, ne fut imprimé dans la Pravda que les 26 et 27 mai 21 • La substance de l'article où se trouvait exposée une conception toute nouvelle de la création du socialisme en Russie était déjà connue des membres du Politburo ; cependant, la résolution du XIIe Congrès (avril 1923) n'en tient aucun compte. Conformément à la théorie traditionnelle, cette résolution fixe le rythme et les moyens de la révolution socialiste en Russie en fonction de la marche de la révolution socialiste « au-delà des frontières de la Russie ». Le XIIIe Congrès du Parti (mai 1924), dans sa résolution sur les campagnes, mentionne et cite longuement l'article de Lénine, mais n'en 20. G. Piatakov : L 'Essence du bolchévisme ; cf. article dans NOfJy Journal, 1958. 21. L'article, également important à plus d'un égard, intitulé • Sur notre révolution ,,, dicté par Lénine le 17 janvier et auquel furent apportées quelques corrections jusqu'à la date du 9 février, ne fut publié dans la Pravda que le 30 mai. Biblioteca Gino Bianco 73 tient compte que de manière superficielle. On chercherait en vain, dans les autres résolutions de ce congrès, le moindre indice confirmant la théorie ou les mots d'ordre de l'instauration du socialisme dans un seul pays. Le Congrès les ignore totalement. Il ne voit dans l'article de Lénine qu'un « programme de développement de la coopération en millieu rural» et insiste sur l'attention qu'il faut accorder aux problèmes du commerce et de la coopération. Le fait suivant montre de manière évidente que la substance même de l'article de Lénine échappait toujours aux têtes pensantes du Parti. En avril 1924, Staline donna à l'Université Sverdlov une série de conférences sur « les bases du léninisme », conférences publiées sous forme de brochure en mai, à l'occasion du Congrès. Faute d'idées et de moyens d'expression qui lui fussent personnels, Staline alignait des citations de Lénine, se bornant à les répéter tout en se posant en fidèle interprète de sa pensée. Il est significatif de voir le Secrétaire général du Parti ignorer volontairement l'article de Lénine sur la coopération et lui attribuer si peu d'importance. Bien plus il s'élève en fait contre Lénine, en déclarant catégoriquement qu'il est impossible d'édifier le socialisme dans un seul pays. Mais, quelques mois plus tard, s'apercevant avec effroi qu'il était tombé dans une hérésie antiléniniste - faute particulièrement grave pour le Secrétaire général, gardien des préceptes de Lénine, - Staline entreprend de dissimuler son erreur. Dans l'édition suivante de sa brochure : Les Bases du léninisme, qui figure dans le recueil Problèmes du léninisme, les passages antiléninistes sont désormais supprimés, les phrases hérétiques corrigées au moyen d'interpolations qui font croire que Staline ne s'est jamais écarté de la pensée de Lénine. Qu'avait-il donc écrit tout d'abord ? La première édition des Bases du léninisme est devepue une rareté bibliographique. Usant de son autorité de secrétaire général, Staline avait donné l'ordre de retirer cette brochure de la circulation. Mais avant d'avoir été retouchée par l'auteur, elle avait été traduite en français et éditée à Paris par le parti communiste : J. Staline. Le léninisme (Librairie de l'Humanité, 1924). Le texte de la page 35 permet de retrouver la pensée de Staline sur le point qui nous intéresse : Renverser le pouvoir de la bourgeoisie et instaurer celui du prolétariat dans un seul pays, ce n'est pas encore assurer la victoire complète du socialisme. La tâche principale : l'organisation de la production socialiste, est encore à accomplir. Peut-on en venir à bout, peut-on obtenir le triomphe définitif du socialisme dans un pays sans. les efforts combinés des prolétaires de plusieurs pays avancés? Certes non. Pour renverser la bourgeoisie, il suffit des efforts d'un seul pays; c'est ce que nous montre l'histoire de notre révolution. Pour le triomphe définitif du socialisme, l'organisation de la production socialiste, il ne suffit pas des efforts d'un seul pays, particulièrement d'un pays rural par excellence comme la Russie : il faut les efforts des prolétaires de plusieurs pays avancés. Aussi la révolution victorieuse dans un
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