Le Contrat Social - anno VIII - n. 3 - mag.-giu. 1964

182 cette période de transition, quels en sont les traits et les contours. Qu'entend-il p:tr «abçlition mondiale du mode de production capitaliste » (p. 278)? Il étudie «les sources de l'accumulation socialiste dans les plys sous-développés » (pauvre Marx...). Il conclut ce chapitre en écrivant (p. 335) : «Le pouvoir politique doit passer de la bourgeoisie à la classe ouvrièr~. La socialisation des grands moyens de production, de distribution et d'échange doit être effectuée. » Mais il ne dit ni comment elle doit être effectué~ ni où se situe la limite entr~ ces « grands » moyens et les autres, omission d'autant plus regrettable qu'il se prononce ailleurs (p. 334) contre une «économie mixte »; si l'on ne veut socialiserque les «grands » moyens de production, la coexistence de deux secteurs paraît en toute lo~que inévitable. Si l'on écarte la notion d'une économie mixte (laquelle est pourtant, aujourd'hui, une réalité irréversible dans toutes les économies occidentale~), que faut-il entendre par « période de transition »? M. Mandel ne le dit pas explicitement, mais on a l'impression qu'il pense à l'économie soviétique légèrement déstalinisée des dix dernières années, à en juger par les considérations optimistes qu'il consacre, à la fin du chapitre sur l'économie soviétique, à la politique économique de Khrouchtchev. Au dernier chapitre : ·«Origines, essor et dépérissement de l'économie politique», l'auteur quitte le royaume d'Utopie pour redevenir le penseur lucide des onze premiers chapitres. En 53 pages, il retrace l'évolution de la science économique sans oublier de dénoncer les << déformations apologétiques » que le bolchévisme a fait subir à la théorie marxiste. C'est là qu'il mentionne enfin, en une seule page, l'apport des disciples.· Son dogmatisme gauchiste semble lui faire répudier avec horreur tout ce que ces derniers ont écrit sur la socialisation, les nombreux avertissements qu'ils ont prodigués contre les aventures. Karl Kautsky avait pourtant traité le sujet dès . le début du -siècle, pour le reprendre au lendemain de la révolution de 1918. Il y a aussi les écrits d'Otto Bauer et de Rodolphe Hilferding, et, enfin et surtout, l'œuvre de Karl Renner. Renner ne se borne pas à donner des conseils en matière de socialisation. Il analyse la structure soçiale de l'économie contemporaine, fait ressortir ce que sont devenus le ·prolétariat et la bourgeoisie depuis l'époque de Marx, définit leur position nouvelle l'un en face de l'autre, montre à quel point la structure interne des deux s'est modifiée depuis la publication du Capital. Corn- .-ment traiter du capitalisme en déclin et de la période de transition en négµgeant de. telles analyses? L'aversion de l'auteur à l'égard de l'économie «mixte » (coexistence de deux· secteurs) ne saurait justifier qu'il passe sous silence les économistes de l'école de Boukharine, tels Dachkovski, Motylov, A. Léontiev et E. Khmelnitskaïa, dont les analyse~· de la nep méritent d'être exposées, quitte à les critiquer. M. Mandel Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL mentionne, il est vrai, Lapidus et Ostrovitianov, m~is sans parler de leur contribution à rétude de la nep. * )f )f L'ouvrage de M. Ernest Mandel est sérieux, honnête et richement documenté. Le premi~r tome apporte un résumé aussi complet que possible des thèses essentielles du Capital. Quant au tome II, sur lequel il convient de faire les réserves que l'on vient de lire, l'auteur y exprime ses propres idées et non celles des officines de Moscou. Il les présente à. ses lecteurs en toute indépendance. C'est à eux qu'il appartient de les apprécier librem__el)t. LUCIEN LAURAT. , Sur la classe ouvrière SERGEMALLET: La Nouvelle Classe ouvrière. Paris 1963, Ed. du Seuil (coll. Esprit «la Cité prochaine»), 266 pp. M. SERGEMALLETrassemble ici plusieurs études écrites à des moments différents. La première : «Syndicalisme et société industrielle », était un texte destiné à l'origine aux travaux du club Jean-Moulin. Les autres représentent trois enquêtes faites à la compagnie des machines Bull,· à la raffinerie Caltex et à la Thomson-Houston, de Bagneux. Rien n'est plus difficileque de définir le concept de classe sociale, toujours chargé d'éléments passionnels ou simplement subjectifs. On n'y parvient - mal d'ailleurs - qu'en combinant plusieurs critères : niveau de revenus, nature des revenus (salariat ou non-salariat, par exemple), fonction, exercée dans l'économie, genre de vie, etc. M~ S. Mallet repousse ces distinctions et met un signe d'égalité entre la classe ouvrière ét le salariat « qui joue un rôle productif», critère encore plus vague que les précédents. Cela revient à qualifier d'ouvriers tous les cadres, ingénieurs, techniciens, jusqu'aux organisateurs et directeurs appointés des grands trusts. Ces techniciens forment, dans son esprit, la « nouvelle classe ouvrière». Dans une étude déjà. ancienne*, nous la nommions une « classe moyenne . sala- · riée », méttant l'accent sur son genre de ·vie et son refus persistant de s'assimiler à la classe ouvrière stricto sensu. Question de mots, dira-t-on ..• L'important est de savoir l'usage qu'on en fait. Pour prévenir la critique sur ce point, l'auteur . nie, non sans raison, qu'il y ait jamais eu une « communauté sociologique » de la classe ouvrière. * Essai sur la condition ouvrière, Paris 1951. "

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