QUELQUES LIVRES d'extinction. Il y a déclin, ou plutôt effacement du capitalisme, du fait que dans tous les pays occidentaux avancés, l'économie dans son ensemble n'obéit plus aux lois capitalistes 6 , même là où (Allemagne fédérale et Etats-Unis) l'on n'a pas procédé à des nationalisations massives. Dans cette économie déjà largement planifiée, le secteur spécifiquement capitaliste qui subsiste a cessé d'être le secteur dominant. Les catégories sociales qui s'affrontent dans ces économies ci-devant capitalistes ne sont plus les classes du capitalisme de l'époque de Marx. Sont-elles même encore des classes au sens marxiste du terme? Au chapitre 15, l'auteur se penche sur l'éco~ nomie soviétique. Disons tout de suite qu'il n'est pas dupe de la propagande officielle. Il parle de l' «arbitraire » et de la cc tyrannie » de la bureaucratie, de l'absence de liberté, de la disproportion entre l'industrie lourde et le secteur travaillant pour la consommation, de l'exploitation des kolkhoziens par l'Etat, du bas niveau de vie des _ salariés, du gaspillage énorme entraîné par la gestion bureaucratique ; il montre combien !'U.R.S.S. est encore loin de cc rattraper et dépasser» les pays occidentaux. Tout cela ne l'empêche nullement de parler à plusieurs reprises du «développement prodigieux des forces produc.:. tives » - on se demande bien pourquoi, puisqu'il est depuis longtemps établi qu'à des étapes historiques comparables le rythme de l'industrialisation des pays occidentaux fut plus rapide que celui de !'U.R.S.S. Et on lit avec stupéfaction (p. 247) : Si néanmoins [malgré le frein bureaucratique] l'économie soviétique a remporté d'énormes succès, ils sont dus avant tout à la supériorité du développement planifié de moyens de production qui sont propriété publique, sur tout précédent mode de production. Lorsqu'on écrit un Traité d' écono"!'iem. arx~ste, on doit au lecteur: d'abord un expose, si succmct soit-il, de ce que les marxistes pensaient et pensent de l'économie soviétique ; ensuite une analyse de sa nature sociale. Sur le premie~ point, M.. Mandel ?e ci~e ni les marxistes occidentaux, ru Boukharme, ru ses disciples. Quant au second, il y consacre quelques pages qui permettent enfin de ~omprendre pourquoi il s'est abstenu de citer, voire de mentionner les auteurs marxistes qui ont analysé le capitalisme des Il}01:1opolesl',impé~iali~me.et le capitalisme en de~lin; ~ourquo1 il s obstme_ à prêter à l' éco1:1ormeoc~1dental~. c~ntempor~e les «contradictions» qw caractensaient le capitalisme authentique dtl passé (en allant j~squ'à quasiment identifier le welfare state au fascisme) ; pourquoi l'U. R. S. S. ne trouve pas place dans le chapitre sur l'impérialisme et le colonialisme. 6. La loi de rentabilité, qui demeure en vigueur, n'est pas une loi capitaliste, mais une loi propre à toutes les formations économiques. Biblioteca Gino Bianco 181 M. Mandel s'inscrit en faux contre les théories selon desquelles l'économie soviétique n'est ni socialiste ni capitaliste, mais une économie d'un type nouveau, dominée par une cc nouvelle classe ». Il s'insurge avec plus de force encore contre la thèse qui la présente comme du capitalisme d'Etat. A ses yeux, l'économie soviétique cc a déjà dépassé le capitalisme, mais n'a pas encore atteint le socialisme », elle représente «un système qui traverse une période de transition entre le capitalisme et le socialisme, pendant laquelle, comme l'avait déjà _indiqué Lénine, l'économie combine nécessairement des traits du passé avec ceux de l'avenir» (t. II, p. 231). On comprend dès lors pourquoi l'auteur repousse la définition de l'économie soviétique comme capitalisme d'Etat encore plus vigoureusement que les autres définitions (bureaucratique, technocratique, cc managers », etc.). Selon lui, ces dernières définitions cc dénient à juste titre tout caractère capitaliste au mode de production soviétique ». Ce qu'il n'admet pas, c'est qu'elles parlent d'une nouvelle domination de classe. En s'en prenant surtout à la définition de cc capitalisme d'Etat », il entend bien marquer que !'U.R.S.S. a d'ores et déjà dépassé le stade capitaliste et qu'elle s'achemine vers le socialisme. Ceux qui combattent la thèse du capitalisme d'Etat se divisent en deux groupes : l'un voit dans le système soviétique une rechute dans des époques révolues, un ordre infiniment plus inhumain et oppresseur que le capitalisme (c'est un avis que nous partageons); l'autre le considère comme supérieur au capitalisme et évoluant plus ou moins rapidement vers le socialisme. Cette position de M. Mandel est celle de nombre de socialistes de gauche 7 , des trotskistes et des éléments épars qui gravitent autour d'eux. * ,,.. ,,.. Le chapitre 16 traite de «la période de transition», le suivant de cc l'économie socialiste ». L'auteur s'y égare en pleine utopie. Inutile de parler des réflexions sur l'économie socialiste, qui n'ont rien à voir avec le marxisme, Marx et ses disciples ayant toujours refusé de décrire la cité future. Les considérations de M. Mandel sur la période de transition_sont tout aussi "utopiques puisqu'il ne part pas des innombrables éléments (qui sont plus que des embryons) socialistes existant d'ores et déjà dans les sociétés évoluées du monde occidental. Tout au long de ce chapitre, on se demande en vain comment l'auteur envisage 7. Cf. Jules Moch : U.R.S.S.-Les yeux ouverts, 1956, pp. 240-41. J. Moch considère lui aussi !'U.R.S.S. comme un régime de transition, mais sa thèse est moins catégorique que celle de M. Mandel. Il se contente d'écrire : « Le système soviétique n'appartient ni à l'un ni à l'autre [ni au capitalisme ni au socialisme]. Il a délaissé le premier. Puisse-t-il, dans l'intérêt de tous les peuples, évoluer vers le second! »
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