Le Contrat Social - anno VII - n. 3 - mag.-giu. 1963

158 1825, montra la nécessité d'adjoindre aux moyens traditionnels de domination quelques méthodes plus _subtiles. D'où la création, en 1826, du corps spécial des gendarmes (police politique) et de la fameuse IIIe Section de la chancellerie intime. Ces deux organismes étaient chargés de suivre de très près l'état d'esprit de tous les milieux sans exception, de déceler les idées subversive~ afin de les étouffer dans l'œuf. L'un et l'autre étaient placés sous les ordres de Benkendorf noble balte 18 , parfaitement imperméable au~ ten?ances libérales de son époque et qui proclamait ouvertement que « les lois sont faites pour les .subordonnés et non pour les chefs » et affirmait : « Le passé de la Russie est étonnant son présent est magnifique et son avenir dépasse toutes le,s possibilités de _l'im~gin~tion la plus enflammee 19 • » Ils censuraient etro1tement la vie intellectuelle du pays et réprimaient brutalement tout ce qui paraissait tant soit peu suspect. A côté de ces organismes de détection et de r~press~on, san~ ~esse perfectionnés jusqu'à la revolutton de fevrier 1917 et qui, après Octobre servirent de modèle à leurs successeurs, le gou~ vernement tsariste chercha à fournir au peuple une amorce d'idéologie, fondée sur le réveil des traditi~n~ anciennes et capable de façonner la mentalite des masses de façon à les rallier à la m?narchie. C'est ainsi que la devise : « Pour la f01, le tsar et la patrie » devait dominer l'éducation, 1~ littérature, la vie du pays tout entière. ~a maJeure partie de l'intelligentsia combattait a~re~ent cette propagande que l'impossibilité de faire evoluer les structures sociales et économiques rendait d'ailleurs peu efficace. La, ~alheureuse g?erre contre le Japon porta au regrme un prermer coup avec la révolution d~ 1905. Au contraire, la première guerre mon- ~al~ provoqua au ~ébut un ralliement quasi g~n~ral autour du trone. Cela pour deux raisons ~eren!es : .dans le pe~ple, la résurgence de la hame seculaire envers· 1 Allemand, éternel agresseur des Slaves ; dans l'intelligentsia, le fallacieux . ' , . . . , espoir qu .un regrme constitutionnel et democratique s.~raitinstallé _par le tsar lui-même.. Depuis sept s1eclessommeillent dans le subconscient du peuple russe les sentiments antigermaniques nés du Drang nach Osten des chevaliers porte-glaive et de !'Ordre teutonique et entretenus par la dureté orgueilleuse des Volksdeutsche baltes de l'entourage immédiat des Romanov, entièrement germ_anisés. Quant à l'intelligentsia, voyant la Russie rangée aux côtés des pays démocratiques dans l_alutte contre les Empires centraux, elle espérait que le pays modèlerait son régime sur celui de ses alliés. 18. La vieille noblesse allemande des provinces Baltes souv~nt à pe_ine russifiée, à quelques rares exceptions près: restait parfaitement étrangère aux aspirations nationales. Nicolas 1er disait : « La noblesse russe sert l'État et c'est Nous que servent les nobles allemands. » Cf. Histoire de Russie, t. II, p. 737. · 19. G.E.S., 1re éd,: t. 5, col. 550 et 551. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMM UNI STE Mais les épreuves de la guerre, épreuves trop dures pour la « longue patience » russe elle-même, les erreurs et les maladresses accumulées par Nicolas II et son gouvernement transformèrent rapidement ce climat favorable en hostilité générale, laquelle aboutit à l'abdication du tsar et au Gouvernement provisoire._ La Russie avait salué avec .enthousiasme cet accomplissement des aspirations du peuple et de l'intelligentsia, mais sa jubilation devait être de courte durée. On sait avec quelle facilité les bolchéviks réalisèrent leur coup d'Etat et ce qui s'ensuivit. L'UNE des premières conséquences de la révolution d'Octobre fut l'anéantissement de l'intelligentsia, la destruction de la noblesse et de la bourgeoisie, également acquises à l'idéal dém<?cratique.La guerre civile, avec la liquidation physique ou la fuite à l'étranger des gardesblancs et modérés de tout poil, l'expulsion des personnalités les plus marquantes privèrent la Russie de ses meilleurs éléments. Pour maintenir l'activité de l'Etat, le gouvèrnement bolchévique dut garder à son service certains spécialistes plus ou moins ralliés. Mais, pendant longtemps, il interdit l'accès des écoles supérieures aux jeunes dont l'origine n'était pas purement cc prolétarienne», afin d'empêcher la reconstitution de l'ancienne intelligentsia. Puis 1~ terreur et les camps de concentration réduis~r~~t,encor~, so!-ls,Staline, c~tte mince pellicule c1vilisee,qw avait a grand-peine réussi, au cours du XIXe siècle, à se former à la surface de la masse fruste. · Seul un nombre restreint de savants, médecins et professeurs échappèrent aux « épurations n et répressions staliniennes. Retranchés dans les éta- ~lissements d'enseignement et de recherche scientifique, ces rescapés formaient une espèce d' «émigration intérieure». Surveillé3 de près, obligés de s'adapter pour survivre, de c1moufler leurs sentiments réels en chantant les laudes du régime, ces nouveaux marranes du xxe siècle, gardèrent t~ute 1~ ~e~talité de l'ancie~e intelligentsia prérevoluttonnarre. Dans le clrmat de« coexistence pacifique »inaugurée par Khrouchtchev, le Kremlin les utilise savamment dans les contacts culturels avec l'étranger, afin de prouver au monde la haute qualité de la civilisation soviétique. Dès le lendemain de la révolution d'Octobre il fallait reconstituer d'urgence les cadres d~ l'ensemble des structures administrati ves, culturelles et économiques. Un immense effort fut fait pour développer l'instruction publique et constituer une « intelligentsia soviétique » qui répondît . au credo du Parti. La devise tsariste : «Pour la foi, le tsar et la patrie » céda la place à la nouvelle formule : cc Pour le communisme, pour le Parti, pour la patrie socialiste. » En 1934, Staline déclarait déjà avec fierté

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