Le Contrat Social - anno VII - n. 3 - mag.-giu. 1963

K. PAPAIOANNOU de réalisation du plan fondées sur la crainte, sur l'usage par les dirigeants de l'instinct de conservation des dirigés » (p. 165) : Les fermes collectives se maintiennent, partie du fait des avantages que les paysans commencent à trouver à ce mode d'exploitation, partie par crainte, surtout par celle qu'éprouve le kolkhozien, de se voir privé de sa parcelle individuelle et de sa maison d'habitation au cas où il viendrait à quitter son kolkhoze (pp. 167-68). En même temps, le kolkhoze fut soumis à une discipline du travail draconienne. Le 1er août 1940, les dirigeants des kolkhozes reçurent l'ordre de... ...mettre fin à l'intolérable habitude selon laquelle, dans certains kolkhozes, M.T.S. et sovkhozes, les travailleurs, au lieu de commencer à travailler entre cinq et six heures, arrivent au travail de la moisson entre huit et neuf heures et cessent le travail dans les champs avant le coucher du soleil. Les kolkhozes doivent prendre soin de l'installation de tentes et de cuisines aux champs comme aussi de l'organisation de la culture (sic), pour que les paysans kolkhoziens n'aient pas besoin de rentrer au village pour le repas de midi et pour la nuit et gaspiller ainsi le précieux temps de travail 23 • Travail obligatoire contre livraisons obligatoires : tel fut le principe du kolkhoze pendant cette phase d' « accumulation primitive » proprement sauvage. L'Etat détenteur du surproduit ON RETROUVE en U.R.S.S. les mêmes formes spécifiques d'exploitation des paysans par lesquelles les despotismes bureaucratiques du passé ont pu devenir les principaux détenteurs du surproduit agricole. Le point de départ du cycle économique est une espèce d'« imposition» qui, par son importance, dépasse largement l'indiction de l'époque romaine tardive ou byzantine. Cela veut dire que, comme les besoins de l'Etat ou du basileus, ceux de l'Etat totalitaire et, conséquemment, les montants qu'il fallait faire rentrer, étaient fixés d'avance. Pour les bureaucrates pharaoniques, chinois, achéménides, lagides, romains ou byzantins, les moyens étaient aussi simples que ceux qui furent employés par les apparatchiki soviétiques : comme, dans tous ces cas, seul l'Etat avait un droit légal à la possession de la terre, le surproduit apparaît comme le paiement de la rente en nature, comme annone en nature. C'est ainsi que chaque année, pendant sept siècles, l'Egypte dut fournir à Rome, puis à Constantinople, environ 12,5 % de sa production. La technique totalitaire a permis d'obtenir des pourcentages beaucoup plus élevés : pendant les années 30, l'Etat a confisqué le tiers de la production agricole au lieu des 11 % qu'il avait 23. Cit~ par Naum Jasny : The Sociali::edAgriculture of the USSR, 1949, p. 398. Biblioteca Gino Bianco 149 obtenus en 1928 par le moyen des échanges et au prix du marché libre ... La capitatio du Bas-Empire a été ressuscitée sous la forme des « livraisons obligatoires » : celles que les kolkhozes devaient remettre, en quantités fixées d'avance par le plan de stockage, aux organismes spécialisés, moyennant un prix si bas gu'il faut y voir un véritable impôt en nature (cf. Baykov, p. 234; Bettelheim, p. 59). La rémunération des M. T .S. constituait une deuxième forme d'impôt en nature. Ces livraisons, très lourdes, ne correspondaient nullement aux services que les M.T.S. rendaient effectivement à l'exploitation : elles faisaient pendant aux « banalités » féodales (moudre le blé au moulin du seigneur, faire le vin à son pressoir), sauf que celles-ci étaient relativement moins onéreuses. Elles apparaissent plutôt, dit Henri Wronski, « comme une procédure de drainage par l'Etat de quantités importantes de produits agricoles» 24 • C'est ainsi qu'en février 1947, le gouvernement augmenta de 25 % le montant des livraisons obligatoires de céréales et de riz, et de 15 % celles des pommes de terre et des plantes oléagineuses pour les kolkhozes qui ne bénéficiaient pas des << services » des M.T.S. Enfin, un troisème moyen de drainage est le système dit des «ventes contractuelles », en fait une variante de la coemptio ( vente forcée des denrées alimentaires à des cours inférieurs, fixés par le gouvernement). Les prix payés par l'Etat sont plus élevés que pour les livraisons obligatoires, mais très inférieurs aux prix du marché libre. En 1952, par exemple, le prix payé par l'Etat pour ces achats « contractuels » était sept fois plus élevé que celui des livraisons obligatoires, mais cinq fois plus bas que le prix pratiqué sur le marché kolkhozien (W., p. 94). Au total, les livraisons obligatoires à l'Etat et les paiements en nature aux M.T.S. constituèrent 26 % de la belle récolte de 1937 et, respectivement, 31 et 34 % des récoltes plus faibles de 1938 et 1939. En 1935-37, une moyenne de 68 % de la viande et du beurre, 45 % du lait et 58 % de la laine produits dans les kolkhozes allèrent à l'Etat. Pour les années suivantes, les statistiques manquent, mais le pourcentage a dû être plus fort encore, car, à partir de 1940, les normes des livraisons obligatoires ont cessé d'être calculées sur la base des superficies réellement emblavées. Ressuscitant le vieux système, particulièrement impopulaire, de l' adjectio ( qui obligeait les villages à payer des impôts pour les terres cultivées aussi bien que pour les terres peu fertiles laissées incultes), l'Etat fixa le montant des livraisons obligatoires au prorata de la surface totale cultivable que détenait le kolkhoze : les paysans furent ainsi obligés de mettre en valeur chaque hectare de terre cultivable pour alléger le fardeau de leurs obligations (B., p. 316). 24. H. Wronski : Le Tro11dodcn, 1957 (titre abré~é W.), P· 96,

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