A. PATRI sionnelles, sont aussi peu « positivistes » que possible, que ~a philosophie de l'hi~to~e est toujours populaire. Marx et Engels, distinguant l'histoire de la préhistoire, mais en un sens qui n'est pas celui qu'on admet dans les milieux scientifiques (selon eux, nous serions encore préhistoriques), ont évité de parler trop crûment d'une fin de l'histoire dont ils voyaient bien le caractère choquant. Mais le résultat est le même : la question de savoir ce que l'on fera après la fin de l'histoire, ou de la préhistoire, est strictement identique à celle qui consiste à se demander à quoi les b}enheureux peuvent s'occuper. au paradis. Mystere sur lequel l'entendement scientifique est fondé à s'abstenir d'hypothèses. Il est cependant légitime de s'enquérir du motif de la séduction qu'exerce plus que jamais à notre époque la construction pseudo-théologique et pseudo-scientifique, chère aux esprits soucieux de s'orienter dans le « bon sens » afin d'être assurés d'y faire parvenir leurs corps. On incriminera le déclin de la théologie traditionnelle, toujours vivace sans doute, mais qui a cessé de satisfaire à elle seule, parce qu'on la trouve insuffisamment « temporelle ». De plus, on doit tenir compte d'un fait important que l'historiographie contemporaine a déjà enregistré : l'unification de toutes « les hist?ire~ », qui paraissent se résorber en une seule Histoire. En effet, un corollaire du finalisme providentiel appliqué à l'év~~ution de l'h~~ité? sous ~e signe du monotheisme, c'est que 1histoire devrait être unique: au lieu d'en faire une somme ou une résultante, il faudrait la comparer à la biographie d'un seul homme, les étapes de la chronologie mondiale n'étant que les dates significatives de la très personnelle histoire de cet Adam pérenne auquel on pro~et, pour l'apaiser, un_e fin &lorieuse. Autrefois, le corollaire pouvait paraitre aux libertins aussi contestable que le postulat lui-même : il y avait des civilisations séparées dans l'espace aussi bien que dans le temps, et Biblioteca Gino Bianco 121 l'on savait que certaines s'étaient ignorées. Aujourd'hui, il semble que c'est arrivé : sous nos yeux, l'histoire s'unifie et, remontant de la conséquence au principe, on estime que les temps sont proches. De là vient l'apparente positivité de la philosophie de l'histoire, au pire sens du terme. En raisonnant scientifiquement, ce qu'on ne consent pas à faire lorsque le débat porte sur l'ensemble plutôt que sur les détails, on verrait que si quelque chose s'unifie, cela ne signifie pas qu'on est près d'en voir le bout. Popper a eu mille fois raison de dénoncer le néant des prétendues « lois de tendance». Il n'existe aucune raison scientifique ou positive pour que ce qui s'unifie aujourd'hui ne se dissocie pas demain. A moins d'être informé par une grâce spéciale émanant du moteur immobile de la mobilité historique, on n'en sait rien et l'on n'en peut rien savoir. Science et théologie n'ont à attendre de leur mariage clandestin qu'un fruit monstrueux, apte à décerveler les petites têtes. Comme dans l'aventure des pauvres _prêtres ouvrier~ ou d3!1s l~s spéculations de Teilhard de Chardin, la theolog1e y perd sa dignité, la science sa positivité. Sachant que cette théologie monothéiste dévoyée mène au totalitarisme, le philosophe qui r~fléchit . s~r l'histoire, sans prétendre la constrwre, finirait par préférer l'antique polY:tbéisme.En 1:étr~ge conjonction qu'on voudrait rendre obligatoire, celui-ci paraît du moins intellectuellement compatible avec la pluralité des civilisatio~s. Mais ?n sait qu'un Toynbee, sagement plurabste .en histoire mondiale, n'a pas cessé de se dire bon chrétien. La simple raison_scientifi_que,voire 1~ foi religieuse, la bonne foi du moms, celle qui admet pour l'avenir de s'en remettre à Dieu, commandent de repousser le ténébreux enfant qui tire son origine d'une union prohibée. AIMÉ PATRI.
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