94 Enfin, en I 948, le nombre de groupes de travaux passa de sept à neuf; de nombreux emplois furent déclassés et l'écart entre les rémunérations-limites alla de I à 5. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner le système très compliqué de rémunération institué par l'Etat pour assurer une position privilégiée à l'oligarchie artificiellement créée par la bureaucratisation de l'économie rurale. Bornons-nous à souligner que nulle part l'inflation du personnel administratif et auxiliaire n'a pris les proportions que l'on constate dans l'agriculture soviétique : on estime (W., p. 51) que les frais d'administration engloutissent le cinquième du produit net du kolkhoze. L'expropriation des paysans était pour Marx l'effet inévitable d'une révolution impitoyable « qui se soucie des existences humaines qu'elle sacrifie aussi peu qu'un tremblement de terre s'inquiète des maisons qu'il détruit ». Engels a tenu le même langage lorsque, quarante ans plus tard, il a eu le pressentiment des ravages qu'allait causer la pénétration capitaliste dans les campagnes russes. Dans une lettre à Danielson, il écrivait en 1893 : Le fait que la Russie soit le dernier pays touché par la grande industrie capitaliste, et qu'elle soit en même temps le pays ayant la plus large population paysanne, rendra le bouleversement provoqué par cette transformation plus aigu ici que partout ailleurs. Le processus de remplacement de quelque 500.000 pomiechtchiki (propriétaires) et de quelque 80 millions de paysans par une nouvelle classe de propriétaires terriens bourgeois ne saurait s'effectuer qu'au milieu de souffrances ·et de convulsions terribles. Mais l'histoire est la plus terrible des divinités qui mène son char triomphant par-dessus des amas de cadavres, non seulement dans les guerres, mais aussi au cours d'un développement prétendument pacifique ... Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL L'évolution réelle de la Russie tsariste n'a pas confirmé cette vision d'apocalypse où le Dieu du progrès prend l'allure de la noire Kâli. Dès 1883, le régime avait aboli l'ancien système des corvées et des redevances féodales et l'essor vigoureux que connut la propriété paysanne après les réformes de Stolypine ne s'est nullement accompagné des désastres que redoutait Engels. Quoi qu'il en soit, le problème d'Engels concernant le « remplacement des 500.000 pomiechtchiki par une nouvelle classe » retrouva son actualité lorsque Lénine affirma, en 1917, que 240.000 bolchéviks pouvaient se substituer aux 130.000 grands propriétaires et gouverner la Russie cc à l'avantage des pauvres 17 ». La réalité s'est vite chargée de corriger cette perspective si peu marxiste. En effet, un parti politique ne peut se substituer à une classe dominante qu'à la seule condition de devenir lui-même une classe exploiteuse. En fait, ces 130.000 magnats ont été d'abord remplacés par quelque 25 millions de producteurs indépendants, puis par quelque 2,5 mi11ionsde bureaucrates ruraux qui, placés d'office aux postes de commande de 240.000 kolkhozes, 4.000 sovkhozes et 7.000 M.T.S., ont pratiqué à cœur joie l' « accumulation primitive » sur le dos de 20 millions de familles paysannes expropriées par la terreur, prolétarisées sous la contrainte, intégrées de force dans une organisation économique qui n'aurait jamais vu le jour sans la violence et qui ne peut se maintenir que par la violence. KOSTAS PAPAIOANNOU. 17. V. I. Lénine Œuvres complètes, Moscou 1955, vol. XXVI, p. 107. 0 ,
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