Le Contrat Social - anno VI - n. 5 - set.-ott. 1962

256 type d'Etat », wi Etat « du type de la Commll:lle ·de Paris, qui substitue à l'armée et à la police séparées du peuple l'armement direct et immédiat du peuple lui-même. Telle est l'essence de la Commune.» Formulant «les tâches du prolétariat dans notre révolution » comme projet de la « plateforme du parti», Lénine préconise en avril 1917 la suppression de la police, du corps des fonctionnaires, de l'armée séparée du peuple : « Pour empêcher le rétablissement de la police, il n'est qu'un moyen : créer wie milice populaire ne faisant qu'une avec l'armée (armement général du peuple substitué à l'armée permanente). Feront partie de cette milice tous les citoyens et citoyennes sans exception de 15 · à 65 ans, ces limites d'âge approximatives devant simplement indiquer la participation des adolescents et des vieillards. » Ensuite, dans L'Etat et la Révolution, après avoir rappelé que Marx, en 1870, avait mis en garde les ouvriers parisiens, «s'attachant à leur démontrer que toute tentative de renverser le gouvernement serait une sottise inspirée par le désespoir», Lénine le loue de ne p~s s'être obstin~ . à réprouver un mouvement mopportun, ru contenté d'admirer les Communards « montant à l'assaut du ciel, selon son expression». (On voit que Marx avait lu O soldats de l'an deux ! du père Hugo : «La tristesse et la peur leur étaient inconnues - Ils eussent, sans nul doute, escaladé les nues - Si ces audacieux, ...etc.) Le grand mérite de Marx, d'après Lénine, fut de tirer la leçon de la Commune, de corriger en 1872 le Manifeste communiste «vieilli sur certains points» (révisionnisme ?) pour souligner que « la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre la machine de l'Etat toute prête et de la faire fonctionner pour son propre compte ». Cette correction essentielle, « les neuf dixièmes, sinon les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des lecteurs du Manifeste communiste, en ignorent certainement le sens». Et ce sens, c'est qu'il faut «briser la machine bureaucratique et militaire» de l'Etat afin de remplacer ce «parasite» par « quelque chose de nouveau ». Lénine n'objecte rien à Marx en citant wie page qui commence par : « La Commwie fut composée de conseillers municipaux élus au suffrage universel (...), responsables et révocables à tout moment. )> A cette date, le suffrage universel lui paraît intangible. Il commente en ces termes les décrets de la Commune relatifs à la police, à l'armée, aux fonctionnaires : « Du moment que c'est la majorité. du peuple qui mate elle-même ses op{>resseurs, il n'est plus besoin d'un pouvoir spécial de répression ! C'est en ce sens que l'Etat commence à s'éteindre (...). Plus les fonctions du pouvoir d'Etat sont exercées par l'ensemble du peuple, moins ce pouvoir devient nécessaire. A cet égard, une des mesures prises par la Commune, et que Marx fait ressortir, est particulièrement remarquable : supBibl.ioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL pression de toutes les indemnités de représentation, de tous les privilèges pécuniaires attachés au corps des fonctionnaires, réduction des traitements de tous les fonctionnaires au niveau des salaires d'ouvriers. » Donc le nivellement à la base et l'interchangeabilité des fonctions, ainsi que l'électivité et la révocabilité de tous les fonctionnaires, « ces mesures démocratiques simples et allant de so~ (...) servent en même temps de passerelle condwsant du capitalisme au socialisme». Lénine pense que «l'immense majorité des fonctions du vieux pouvoir d'Etat se sont tellement simplifiées, et peuvent être réduites à de si simples opérations d'enregistrement, d'inscription, de contrôle, qu'~lles seront parfaitement. à la p~rtée d~ to!-lte personne pourvue d'une mstructton primaire, qu~elles pourront parfait~ment ê~e exercées moyennant un simple salaire d'ouvrier ». Il a cette idée très à cœur et il l'explicite comme suit : « Toute l'économie nationale organisée comme la poste, de façon que les techniciens, les surveillants, les comptables reçoivent, comme tous les fonctionnaires, W1 -traitement n'excédant pas des salaires d'ouvriers, sous le contrôle et la direction du prolétariat armé : tel est notre but immédiat. » Le chapitre intitulé Destruction de l'Etat parasite ne laisse rien à désirer quant aux voies et moyens d'en finir avec le « pouvoir d'Etat». Marx ayant écrit que la Commune était « la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l'émancipation économique du Travail», Lénine adopte l'expression et l'applique aux Soviets de 1905 et 1917, auxquels il assigne la mission de liquider l'Etat en instituant « W1 type supérieur d'Etat démocratique (...) qui, selon l'expression d'Engels, cesse déjà, sous certains rappoits, d'être un Etat, n'est plus un Etat au sens propre du terme ». Pour traiter de « la transition vers la suppression de l'Etat», Lénine s'appuie surtout sur Engels qui affirmait la « nécessité de l'action politique du prolétariat et de sa dictature comme transition à l'abolition des classes et, avec elles, de l'Etat ». Il paraphrase aussitôt : « Avec l'abolition des classes aura lieu aussi l'abolition de l'Etat, dest ce que le marxisme a toujours enseigné » et se réfère à l' Anti-Dühring qui prévoit « l'extinction de l'Etat», mais pas « du jour au lendemain » à la façon des anarchistes. Lénine puise en outre dans une lettre d'Engels à Bebel : «••• Avec l'instauration du régime social socia... liste, l'Etat se dissout de lui-même ( sich aufl,ost) et disparaît. » Réfutant les anarchistes, il écrit : «Nous ne sommes pas le moins du monde en désaccord avec les anarchistes quant à l'abolition de l'Etat en tant que but. Nous affirmons que pour atteindre ce but, il est nécessaire d'utiliser provisoirement les instruments, moyens et procédés du pouvoir d'Etat contre les exploiteurs... » C'est encore à Engels et à la Commune que Lénine a recours pour régler le compte de l'Etat : t.-

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