QUELQUES LIVRES pouvoir politique : ingénieurs, économistes et statisticiens socialistes au service du régime). Une lntroducJion de trente pages esquisse à grands traits les conditions historiques qui, selon l'auteur, ont permis les monstruosités dont il rend compte pour conclure à la nécessité d'une révision desdits procès, révision cc devenue une cause humaine ». Ce Mémoire date de 1956 et avait été écrit pour une Commission internationale qui, après le discours secret de Khrouchtchev au XX.° Congrès de son parti, se proposait de saisir diversement l'opinion publique afin de rendre actuelle la « révision des procès de Moscou ». Chaque membre de la Commission étudia l'une des «affaires» ayant ou n'ayant pas donné lieu à simulacre de procès et rédigea un mémoire pour constituer le dossier de la demande en révision. Les choses en restèrent là, dans l'indifférence d'une opinion publique abrutie par la presse, la radio et le cinéma, devant la démission des « élites » uniquement préoccupées de leurs intérêts personnels et dans la carence des milieux politiques ignares, inconscients ou corrompus où domine la complaisance envers Khrouchtchev comme naguère envers Hitler et Staline. Le dossier voué aux archives servira peut-être à des historiens dans l'avenir, à supposer qu'il y ait encore des historiens et un avenir. En attendant, G. Rosenthal livre son travail aux lecteurs éventuels comme il lancerait une bouteille à la mer. Il a d'ailleurs enrichi ce Mémoire en mettant à profit le compte rendu officiel du récent XXIIe Congrès communiste soviétique qui confirme et renforce singulièrement les révélations faites au xx.e par Khrouchtchev, à huis clos, notamment à propos de l'assassinat de Kirov et du massacre des généraux, machinés par Staline. On sait que Khrouchtchev n'a pas eu le courage élémentaire d'assumer ouvertement la responsabilité de son fameux discours, qu'il attribue aux services secrets américains (le plus grand compliment qu'on puisse leur faire), mais personne n'accorde à ses dénégations la moindre créance. En fait, il avait d'ores et déjà, en 1956, disculpé les pseudo-trotskistes, pseudo-zinoviévistes, pseudo-boukharinistes victimes de Staline puisqu'il ne retenait contre eux que des épithètes devenues anodines comme cc antiparti » et « antiléniniste », monnaie courante dans les disputes sordides de sa confrérie, renonçant aux imputations démentielles de terrorisme, d'espionnage et de trahison qui avaient motivé les condamnations à mort. Le sanglant déballage du XXIIe Congrès a encore souligné les aspects tératologiques du système de terreur policière dont les cc procès en sorcellerie », ainsi définis par Friedrich Adler auquel on ne rendra jamais assez hommage, n'ont été que des épisodes particulièrement spectaculaires. En un certain sens, on peut dire que Khrouchtchev a pris les devants et donné raison à la Commission internationale sans lui domier gain de cause pour une révision en bonne Biblioteca Gino Bianco 307 et due forme. Il ne s'ensuit pas, pense G. Rosenthal, que ce Mémoîre soit superflu, car pendant vingt ans, les menson~es de Staline « ont eu force de loi en Russie soviéttque, dans les partis communistes, et ont bénéficié de la complicité ou de la complaisance des "amis de !'U.R.S.S. " ». Et, ajoute-t-il avec raison, « si incroyable que cela puisse paraître, ces procès ont eu, ici aussi (en France comme aux Etats-Unis et ailleurs], leurs thuriféraires (...). Celui d'Imre Nagy, bâti sur le même modèle, ne date que de quelques années. Le régime qui les a engendrés subsiste. » En effet, il y eut et il y a plus extraordinaire et plus scandaleux que les procès en sorcellerie de Moscou, que l'inexprimable infamie du tyran lâche et cruel qui les a conçus et montés, que la déchéance pitoyable des figurants résignés à l'aveu d'avoir volé les tours du Kremlin, c'est l'abjection de ces « intellectuels » français et autres qui ont admis tant de mensonges, justifié tant d'atrocités, applaudi à tant de crimes. On a encore peine à croire qu'il se soit trouvé un Barbusse, un Romain Rolland, un Joliot-Curie assez pervertis pour admirer et encenser un Staline ; et que la Sorbonne se soit abaissée au point de coopter un Merleau-Ponty, apologiste de la torture et de la terreur, prototype de cette catégorie de philistins qui se sont avérés, après la guerre, assez ignares et stupides pour croire que les tours du Kremlin avaient été volées aussi par Boukharine afin de complaire à Hitler. Il faut ici se limiter et ne mentionner que des «vedettes» parmi les coryphées pseudo-intellectuels du sinistre mélodrame à thèse stalinesque joué pendant des années sur la scène internationale pour magnifier le plus hideux personnage de l'histoire, et dont les services secrets de Moscou tiraient les ficelles. Il reste à écrire une nouvelle « Trahison des clercs » où devra figurer en bonne place Julien Benda lui-même qui a renié le sens de sa vie en mettant le point final à son œuvre. Et « le régime qui les a engendrés [ces procès] subsiste» : d'autres mensonges ajoutés aux mensonges précédents sans les rectifier tiennent lieu de vérité officielle dans le monde communiste, comme la nouvelle Histoire du Parti le prouve et comme toute la littérature dogmatique de l'État soviétique, y compris le nouveau programme du Parti, en fournit tant de preuves superfétatoires. Le « corn-mensonge » et la « corn-vantardise », que Lénine dénonçait sans prévoir leur démesure totalitaire à venir, sont nécessaires à cet absolutisme doublé d'un impérialisme insatiable qui ne peut laisser le monde en paix ni risquer une guerre équivalant au suicide. On saura qu'un changement réel intervient dans l'évolution soviétique à certains si~es indubitables et notamment quand la vénté, la vraie vérité, sera dite et im_primée à Moscou sur les « procès en sorcellerie », sur les conditions dans lesquelles Zinoviev et autres ont avoué avoir volé les tours du Kremlin. Ce qui nous ramène plus précisément au livre de G. Rosenthal.
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