Le Contrat Social - anno VI - n. 5 - set.-ott. 1962

306 . « légales » qui suivaient en gros, après 1899, une ligne révisionniste. Dans les négociations de 1900 entre « orthodoxes » et « révisionnistes » pour une collaboration commune à l'Iskra, l'expression « marxistes légaux» fut d'abord employée comme une sorte d'étiquette commode pour désigner le groupe des révisionnistes dirigés par Struve. Plus tard, Lénine entreprit de l'appliquer, de manière rétroactive, aux années 90. Il agissait ainsi en partie pour se séparer autant que possible des déviationnistes idéologiques avec lesquels il avait un temps entretenu des relations fort étroites, en partie pour les compromettre, eux et leurs idées, aux yeux des intellectuels révolutionnaires. Potressov protesta faiblement contre cette pratique dans une lettre publiée par une revue historique soviétique au début des années 20. Mais les autres, tel Struve, furent trop heureux d'accepter la terminologie de Lénine : elle leur permettait de voiler un épisode embarrassant de leur propre passé. Dans l'érudition soviétique, le terme est devenu depuis obligatoire. Si Lénine, Struve et les historiens soviétiques avaient leurs raisons pour employer l'expression ·« marxisme légal » dans un sens aussi anachronique, ce n'est pas le cas de notre auteur, et il est regrettable qu'il ait cru devoir marcher sur leurs traces. Hormis ces critiques ayant trait à la terminologie, il y a peu à redire à l'étude soignée de R. K.indersley. On relève quelques menues erreurs difficiles à éviter, particulièrement dans le compte rendu des rapports de Struve avec Plékhanov et des négociations dites de Pskov en 1900. Regrettons également qu'au cours de ses recherches à l'Institut d'histoire sociale d'Amsterdam, l'auteur ait manqué la très instructive correspondance adressée par Struve à Potressov à partir des années 90. De même, l'examen des lettres de Lénine à sa famille dans l'original (Pismak rodnym, Moscou 1934), plutôt que dans la traduction anglaise tronquée, aurait pu lui donner une .image quelque peu différente de la position de Lénine dans la controverse autour du révisionnisme. Mais il ne s'agit pas là d'objections majeures. R. Kindersley a accompli sa tâche de main de maître. Désormais, il n'y aura plus d'excuse à ignorer les révisionnistes russes. RICHARDPIPES.. D'une république à l'autre LUCIEN LAURAT: Frankreichs Weg von der Vierten zur Fünften Republik. Éd. Max-SchmidtRômhild, Lübeck, 91 pp. PRÉSENTERdans un espace restreint le passage de la .ive à la ve République, cela posait un problème de choix. Lucien- Laurat l'a résolu en donnant une série d'aperçus sur la naissance Bi·blioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL de la ive République, sur ses erreurs, sur l'histoire de sa dernière législature, enfin sur divers aspects de la ve République à ses débuts. Et comme c'est au public allemand qu'il s'adressait, il n'a pas manqué d'insister sur ce qui peut affecter la politique française à l'égard de l'Europe, c'est-à-dire essentiellement sur le rôle des communistes puisque, depuis que les négociateurs d'Yalta ont fixé la ligne où s'arrêterait la liberté, l'attitude qu'on observe envers le parti communiste est en matière de politique européenne encore plus décisive qu'elle n'était auparavant. Ce à quoi visiblement l'auteur a été le plus sensible, au moment de la chute de la IVe République, c'est à l'indifférence des masses populaires. A ce moment-là, écrit-il, « le fait le plus évident, incontestablement, c'est qu'on vit le régime abdiquer sans combat, c'est que, bien qu'on crût généralement à la menace d'une dictature militaire, les masses populaires refusèrent d'entrer en lice pour assurer sa survie ». Aussi insiste-t-il, dans sa description de la IVe République, sur maints petits faits qui ont, à son sens, contribué à détourner les masses du régime. Là-dessus, comme sur d'autres points, diverses interprétations demeurent possibles. De toute façon, on suivra tout à fait l'auteur dans sa condamnation du régime d'assemblée. Et si l'on n'est pas d'accord en tout avec son analyse du nouveau régime (par exemple sur le rôle du Sénat), on reconnaîtra avec lui que les craintes que certains ont d'abord éprouvées lorsque le nouveau régime a pris le pouvoir ne semblent toujours pas justifiées : à l'intérieur, la démocratie n'a pas été abolie, à l'extérieur, la construction de l'Europe n'a pas été abandonnée. YVES LÉVY. Les « procès en sorcellerie » GÉRARDRosENTHAL: Mémoire pour la réhabilitation de Zinoviev (L'affaire Kirov). Paris 1962, Julliard, 167 pp. EN SADOUBLEQUALITÉde juriste et d'homme politique, G. Rosenthal fait ici justice des accusations qui ont motivé, pour le grand public ignorant et crédule, la condamnation à mort de G. Zinoviev et de ses coïnculpés en août 1936. Son Mémoire analyse méthodiquement les données connues, la procédure, les témoignages; les pièces à conviction, les aveux et les désaveux du premiet de ces horrifiants « procès de Moscou » que Staline avait mis en scène pour salir et exterminer tous les dirigeants communistes ·qui lui portaient ombrage. Mais l'argumentation vaut pour les procès suivants et aussi pour les précédents (car il y eut trois procès antérieurs du même genre, visant d'autres catégories de victimes non moins arbitrairement choisies par le

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